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Géographie générale - Panama

Source: Université Laval



Panama
República de Panamá



Capitale: Panamá
Population: 2,7 millions (2001)
Langue officielle: espagnol 
Groupe majoritaire: espagnol (77,7 %)
Groupes minoritaires: moins d’une dizaine de langues amérindiennes
Système politique: république unitaire formée de neuf provinces et de territoires autonomes particuliers («comarca»)
Articles constitutionnels (langue):   art. 7, 10, 78, 84, 96 de la Constitution de 1972 modifiée en 1983 et 1994
Lois linguistiques: loi no 16 du 19 février 1953 «par laquelle est organisée la comarca de San Blas»; loi no 34 de 1995 (Loi organique sur l'éducation) ou Ley Orgánica de Educación de 1995.
1 Situation générale

Le Panama est un petit pays de pays de 75 517 km² (sept fois plus petit que la France et 132 fois plus petit que le Canada, mais 2,5 fois plus grand que la Belgique) situé sur l'isthme reliant l'Amérique du Sud à l'Amérique centrale. 
Le pays est limité au nord par la mer des Caraïbes, à l'est par la Colombie, au sud par l'océan Pacifique et à l'ouest par le Costa Rica; il est traversé par le canal de Panama. Quelque 51 km séparent l'Atlantique du Pacifique.
Le Panamá est divisé en neuf provinces (voir la carte détaillée des provinces) et des territoires autonomes particuliers, les comarcas (ou comarques en français): Bocas del Toro, Coclé, Colón, Chiriquí, Darién, Herrera, Los Santos, Panamá, Veraguas.
On peut définir les comarcas comme des districts territoriaux réservés aux populations autochtones qui bénéficient d'une certaine autonomie politique et administrative. Aux États-Unis, ce seraient des «réserves».
On compte cinq comarcas indigènes: la comarca Kuna Yala, la comarca d'Emberá-Waunan, la comarca de Ngobe-Buglé, la comarca de Kuna Madugandí, la comarca de Wargandí (voir la carte particulière des comarcas indígenas). La capitale et plus grande ville du pays est Panamá (Ciudad).
2 Données démolinguistiques
Au point de vue ethnique, le Panama compte environ 65 % de Métis («Mestizos», 15 % de Noirs, 10 % d’Européens descendants des Espagnols, 8,3 % d’Amérindiens («Indígenas») et plus de 2 % d’Asiatiques (des Chinois). La population est répartie inégalement selon les provinces. Ce sont les provinces de Panamá, de Chiriquí, de Veraguas, de Colón et de Coclé qui sont les plus importantes du point de vue de la population. On peut y ajouter la comarca de Ngobe-Buglé.
PROVINCES
POPULATION
Bocas del Toro
    89 269
Coclé
   202 461
Colón
   204 208
Chiriquí
   368 790
Darién
    40 284
Herrera
  102 465
Los Santos
    83 495
Panamá
1 388 357
Veraguas
   209 760
Comarca Kuna Yala
     32 446
Comarca Emberá-Waunan
       8 246
Comarca Ngobe-Buglé
    110 080
Comarca Kuna Madugandí
       3 305
Comarca Wargandí
---------
2.1    Les autochtones
Selon les données décennales de l'année 2000, on comptait 234 400 indigènes au Panama, ce que signifie 8,3 % du total des habitants du pays. Ces autochtones sont divisés plusieurs ethnies, bien que les deux tiers de l'ensemble appartiennent au groupe des Guaymí (presque 150 000 personnes) et 25 % du groupe Kuna (plus de 58 000). Au total, le pays compte sept peuples indigènes, dont un grand nombre dans des régions dotées d’une certaine autonomie, les comarcas: les Ngöbe, les Kuna, les Emberá, les Waunan, les Buglé, les Naso et les Bri-Bri.
Population indigène
Nombre
Pourcentage
Ngöbe-Buglé  
149 898  
64,5 %
Kuna
  58 100
25,0 %
Embera-Waunan  
  20 916
   9,0 %
Naso
    2 324
   1,0 %
Bri-Bri
    1 162
    0,5 %
TOTAL
234 400  
100,00 %
Source: 10e Recensement national de la population, 14 mai 2000
La majorité des Ngöbe et des Buglé sont situés au nord-ouest dans la comarca de Ngöbe-Buglé (selon la loi 10 de 1997), les provinces de Bocas del Toro, de Chiriquí et de Veraguas. Les Kunas se trouvent au nord-est dans la comarca de Kuna Yala — «le pays des Kuna» — (selon la loi 16 de 1953), la comarca Kuna de Madungandi (selon la loi 24 de 1996), la comarca Kuna de Wargandi (selon la loi 34 de 2000) et dans deux communautés kunas, les Pucuru et les Paya (Takarkunyala), lesquelles se trouvent dans le parc national de Darién (en vertu du Décret exécutif 21 de 1980). La plupart des Kunas habitent dans l'archipel appelé «de las Mulatas» («Mulâtres»), mieux connus sous le nom de «îles de San Blas», ainsi que dans les bassins des fleuves Bayano et Chucunaque.
Comarcas
Population
Comarca Kuna Yala
     32 446
Comarca Emberá
       8 246
Comarca Ngobe-Buglé
    110 080
Comarca Kuna Madugandí
        3 305
Comarca Wargandí
---------
Quelques-uns des peuples Emberá et Wounaan résident dans la comarca d’Emberá (Loi 22 de 1983), mais d'autres habitent dans le parc national de Darién et certaines communautés dans la province de Darién; les Naso (Teribe) habitent dans le parc international de La Amistad («L'Amitié») et les Bri-Bri sur les rives de la rivière Sixaola, à la frontière du Panama et du Costa Rica. La majorité des peuples indigènes sont organisés au sein des «Congresos Indígenas» (Congrès indigènes). Près de 20 % du territoire panaméen appartient aux comercas indigènes.
2.2    Les langues

La majorité des Panaméens parlent l’espagnol comme langue maternelle, soit 75,8 %. Ce sont tous les Blancs et les Métis du pays, ainsi qu’un certain nombre de Noirs et d’indigènes. Ils vivent surtout dans le centre, le sud et le sud-ouest du Panama
Les Noirs (originaires de la Barbade et de la Jamaïque) parlent généralement un créole à base d’anglais (14 %), appelé «créole panaméen».
Mais les premiers habitants du pays, les indigènes, parlent surtout le ngäbere (175 000), le kuna de San Blas (66 100), l'emberá du Nord (14 000), puis le teribe (3800) et le woun meu (3000).
Ces langues connaissent plusieurs variétés dialectales, surtout chez les Kunas qui vivent dans le nord-est du pays. Il existe trois grandes zones indigènes, le Nord-Ouest avec les Kunas, le Sud-Est avec les Emberá et Epena) et le Nord-Ouest (Teribe, Buglere et Gyaymi, les locuteurs du ngäbere).
Pour leur part, les immigrants parlent l'anglais (Américains, Jamaïcains, Britanniques, Canadiens, etc.), l'hindi (Indiens), le chinois hakka (Chinois), l'arabe (Libanais, Palestiniens, Syriens, etc.), le français (Français et Canadiens), l'italien (Italiens), le coréen (Coréens), etc.
3    Données historiques
Avant l’arrivée des Européens, ce sont les Amérindiens kuna, choco et guaymi, qui occupaient cette région stratégique du fait, d'une part, qu'elle relie l'Amérique du Nord à l'Amérique du Sud, d'autre part, qu'elle sépare l'océan Pacifique de l'océan Atlantique.
3.1 La colonisation espagnole
C’est Rodrigo de Bastidas, un rival de Christophe Colomb, qui découvrit la région en 1501. L'année suivante, Christophe Colomb revendiqua le territoire au nom de l'Espagne. La région fut explorée en 1513 par Vasco Núñez de Balboa, le gouverneur espagnol du territoire qui, le premier, traversa l’isthme et atteignit le Pacifique.
La ville de Panamá (mot signifiant «zone riche en pêche»), fondée dès 1519, devint le point de départ de toutes les expéditions coloniales espagnoles vers le nord et le sud du continent. C’est par cet axe stratégique que passait tout l’argent du Pérou. C’est pourquoi la colonie suscita la convoitise des corsaires hollandais, français et anglais, qui l'attaquèrent à maintes reprises, ce qui nuisit à la prospérité de Panama. Pour se défendre, les Espagnols fortifièrent la côte est. Cela n’empêcha pas le célèbre pirate britannique Henry Morgan (1637-1688) de s’emparer de la ville de Panama en 1671, alors que les défenseurs de la ville sont plus nombreux que les troupes ennemies; le butin de Morgan se serait élevé à plus de 100 000 livres sterling, mais la renommée de cet exploit fut ternie par la cruauté de Morgan et de ses hommes.
Sous la dépendance de la vice-royauté du Pérou, le Panamá fut ensuite intégré à la Nouvelle-Grenade au début du XVIIe siècle, puis de la Colombie, mais resta sous la domination espagnole jusqu'en 1821. C’est durant cette période que la population se métissa et que la langue espagnole se répandit dans tout le pays, sauf chez les indigènes.
Au cours de la colonisation espagnole, le roi d'Espagne, Charles Quint, commanda une étude en 1523 pour préparer un premier projet d’un canal sur l’isthme de Panamá. Il croyait qu'en creusant une tranchée les voyages vers l'Équateur et le Pérou seraient plus courts et permettraient aux navires d'éviter le fameux cap Horn et ses dangers, notamment pour le transport de l'or. Un plan des travaux fut même élaboré en 1529, mais le roi n’en prit pas connaissance. En 1534, un notable espagnol proposa un projet de canal proche de celui qui existe aujourd’hui. Il y eut par la suite plusieurs propositions de plans, mais rien ne fut réellement entrepris. Il faut admettre que la situation politique en Europe et le niveau technologique de l'époque rendaient le projet encore impossible.
Ce n'est qu'en 1819 que le gouvernement espagnol accorda officiellement l’autorisation de construire un canal et de créer une compagnie commerciale pour en réaliser la construction. Ces efforts demeurèrent encore une fois sans résultat, car la révolte des colonies empêcha l'Espagne de contrôler les emplacements pouvant être utilisés pour sa construction. 
3.2 Une province colombienne

À la fin de la domination espagnole en 1821, le Panama fut rattaché à la république de Grande-Colombie, créée par Simón Bolívar. En 1826, Bolívar réunit les gouvernements des États de la Grande-Colombie (Venezuela, Colombie, Équateur et Panama), à Panamá, lors du congrès panaméricain, afin de construire avec eux l'unité du continent sud-américain. Il mourut cependant en 1830, avant d'avoir consolidé cette unification. Lors de la dissolution de la république de Grande-Colombie, chacun des États se retrouva politiquement autonome, mais le Panama continua de faire partie de la Colombie, dont il constituait une province.
Entre 1850 et 1855, les États-Unis achevèrent la construction d’une voie ferrée au Panama afin de relier l'Atlantique au Pacifique; ce chemin de fer faisait 75 km de long, de Colón sur la côte Atlantique jusqu’à Panamá sur le Pacifique. Cette construction représentait alors un chef d'œuvre d'ingénierie, car elle était réalisée dans des conditions très difficiles. On croit que plus de 12 000 ouvriers sont morts lors de la construction, généralement du choléra ou du paludisme.
Rappelons que les Espagnols avaient, au XVIe siècle, eu l'idée de construire un canal pour relier les deux océans, mais ce fut un Français, Ferdinand de Lesseps qui, en 1880, réalisa cette première tentative, avec la Compagnie universelle du canal interocéanique. Le père du canal de Suez avait créé une compagnie en faisant appel à l’épargne privée en France. Cependant, neuf ans plus tard, les travaux de construction du canal furent interrompus, car un grave scandale politico-financier secoua la France (IIIe République) en même temps que des difficultés diverses (épidémie de fièvre jaune, accidents de terrain, faillite, etc.) empêchèrent la poursuite des travaux. Ce fut la fin du «canal français».
En 1903, le gouvernement de la Colombie refusa aux États-Unis le droit d'achever le canal. Aussitôt, les États-Unis «invitèrent» le Panama à se soulever. Le 3 novembre de cette même année, la Colombie dut se départir du Panama, qui devint la république du Panama. Sous le couvert d’un Traité de paix et d’amitié, les Américains débarquèrent dix fois sur le territoire du Panama entre 1856 et 1902. Beaucoup d'Américains ont alors cru sincèrement que l’armée des États-Unis avait soutenu le peuple panaméen dans son «aspiration à la liberté» et dans son désir de se libérer de «l’oppression colombienne»... pour tomber sous le joug des États-Unis. Le 6 mai 1902, le président américain, Théodore Roosevelt, avait sanctionné la loi Spooner qui devait lui permettre de s’approprier une bande de 16 km de large pour la construction du canal et maintenir des «droits perpétuels» sur la zone.
3.3 L’indépendance et le Canal
Des troupes américaines furent envoyées pour «soutenir» le nouveau gouvernement panaméen et, le 18 novembre 1903, les droits du canal furent «vendus» aux États-Unis. En réalité, le Panama fut contraint de signer un traité avec les États-Unis par lequel ces derniers entreprenaient la construction d'un canal interocéanique à travers de l'isthme de Panamá. En 1904, les États-Unis achetaient à la Compagnie française du Canal ses droits et propriétés pour une somme de 40 millions de dollars. Deux semaines après, et en échange de 10 millions de dollars, le traité Hay-Brunau-Varilla concédait aux États-Unis «l'usage à perpétuité» d'un canal encore à creuser et d'une zone de huit kilomètres sur chacune de ses rives, ainsi que la «totale souveraineté» sur cet ensemble. En retour, les États-Unis garantissaient l'indépendance du Panama. En fait, il devait y avoir deux gouvernements: un pour le Canal (américain) et un pour le pays (panaméen).

Le canal fut achevé par les Américains en 1914 pour un coût d'environ 387 millions de dollars de l'époque. Il mesurait quelque 80 km de longueur. Les États-Unis demeuraient propriétaires de la zone du canal (le «Canal Zone»), soit 16 km de large sur 80 km de long. Ce fut, jusqu’à la rétrocession du canal, un État dans l’État, ce qui permettait dans un environnement «pacifique» de maintenir une présence militaire américaine dans la région. Dans cette zone du canal, Washington déploya jusqu'à 10 000 soldats répartis dans 14 casernes et forts. 
La zone du canal devint le centre d'entraînement des forces armées américaines et d'Amérique latine, un centre d'espionnage continental et une base d'appui aux opérations de contre-insurrection. Bref, cette zone du canal recouvrait un territoire 1474 kilomètres carrés sur lequel Washington exerçait une souveraineté entière: un État indépendant créé de toute pièces par et pour les États-Unis.
Le canal de Panama devint aussitôt après son ouverture un passage obligé pour les bâtiments naviguant entre les océans Atlantique et Pacifique, ce qui leur évitait le long périple de 14 800 km, le long des côtes du continent sud-américain et le dangereux détroit de Magellan à la pointe de l’Amérique du Sud. Étant donné que les États-Unis contrôlaient le canal, la plupart des postes de direction furent confiés à des citoyens américains.
Au lendemain de l'ouverture du canal, une grande partie de l’économie du Panama commença à dépendre de la rente annuelle versées par les administrateurs du canal et des milliers d’emplois — environ 8000 — créés pour son entretien. La langue anglaise s’installa dans le pays et fit concurrence à l’espagnol. Dans la zone du canal, temples, églises, bureaux administratifs, médias, commerces, etc., tout ne fonctionnait qu'en anglais. 
Cependant, depuis l'indépendance, la vie politique du Panama a connu de nombreux soubresauts, car les relations avec les États-Unis demeurèrent tendues. N’oublions pas que les Américains contrôlaient tout le secteur du canal et y ont investi près de trois milliards de dollars dans l'entreprise, mais les deux tiers de cette somme étaient déjà récupérés en 1977.
En 1953, le gouvernement panaméen accorda aux autochtones, les Kunas, une grande autonomie dans la comarca de San Blas (les îles de San Blas), aujourd'hui «Kuna Yala»; par les suite, cette autonomie fut étendue à quatre autres communautés autochtones: Emberá (1983), Ngobe-Buglé (1997), Kuna Madugandí (1996) et Wargandí (2000).
- La restitution du Canal
En 1968, à la suite d'une série d'élections contestées et de crises constitutionnelles, le général Omar Torrijos, commandant de la garde nationale, s'empara du pouvoir. Celui-ci lutta pour obtenir la restitution du canal. En mai 1976, Ronald Reagan, alors candidat à la présidence américaine, avait déclaré: «Il n'y a absolument rien à négocier à propos du canal. Nous l'avons acheté, nous l'avons payé, nous l'avons construit; il est à nous, et nous le garderons.»
Mais le traité Carter-Torrijos (du nom des présidents américain James Carter et panaméen Omar Torrijos) de 1977 accorda au Panama une répartition plus équitable des bénéfices, la cogestion du canal avec les États-Unis et la disparition progressive de la zone du canal (prévue pour l’an 2000). Ce texte, entré en vigueur en octobre 1979, donnait vingt ans pour assurer le transfert de la zone, ainsi que de l'administration et du fonctionnement du canal, aux autorités panaméennes. Malgré cet accord, les relations entre les États-Unis et le Panama restèrent tendues, du fait que la Canal constituait un État dans l'État.

À la mort de Torrijos, en 1981, son ministre de la Défense, le général Manuel Antonio Noriega devint de plus en plus influent. En 1988, Eric Arturo Delvalle, devenu président en 1985, essaya de chasser Noriega, lequel, par la suite, destitua Delvalle. Noriega gouverna en tant que chef de l'Assemblée nationale et décréta l'état d'urgence. Puis, le régime de Noriega devint de plus en plus répressif et corrompu. Les relations avec les États-Unis se détériorèrent, le président américain (George Bush) appela en mai 1989 l'armée et le peuple panaméens à renverser Noriega, inculpé de trafic de drogue. 
En octobre 1989, une tentative de coup d'État contre Noriega échoua et, le 20 décembre de la même année, les États-Unis envoyèrent des troupes au Panama, lors de l’opération «Juste Cause». Noriega se réfugia dans la nonciature du Vatican, mais il fut peu après extradé aux États-Unis.
En 1990, les Américains installèrent au pouvoir Guillermo Endara. Reconnu coupable de trafic de drogue, Noriega fut condamné, en 1992, à purger une peine de prison de quarante ans aux États-Unis. En 1994, l’élection du président Ernesto Pérez Balladares (Parti révolutionnaire démocratique) n’a pas apaisé les tensions. La question du Canal demeura incontournable, car elle était liée au départ des troupes américaines. En 1999, la question de la restitution par les États-Unis de la zone du canal, le 31 décembre de la même année, devint le centre des discussions. Finalement, le commandement américain des forces spéciales pour le sud (Socsouth) devait quitter Panama pour s'installer, à l'été 1999, à Porto Rico. La création d’un «centre international de lutte contre la drogue» — Centre multilatéral antidrogue — pour la sécurité du trafic interocéanique devrait néanmoins maintenir sur place une présence militaire américaine.
- Le retrait symbolique des Américains
Rappelons que Washington prétend, en vertu du traité Carter-Torrijos, pouvoir encore intervenir unilatéralement au Panama, sans autorisation préalable du gouvernement de ce pays, si la «neutralité» du canal était en danger. Évidemment, cette thèse est vigoureusement contestée par le gouvernement panaméen, qui a accordé des concessions à une entreprise de Hong-Kong. En effet, c’est la société Hutchison Whampoa, dont le siège est à Hong-Kong, qui s'est assurée la gestion (pour les prochains 25 ans) des ports de Cristobal (côte atlantique) et de Balboa (côte pacifique). En somme, après l’«Oncle Sam», ce serait au tour de l'«Oncle Tchang»! 
Mais que vaut le droit international, lorsque l'Empire américain s'inquiète de ses intérêts? Il est vrai que la présence des États-Unis sur le territoire panaméen a toujours eu pour objet de projeter leur pouvoir militaire sur tout le continent. Ce n’est pas pour rien que les Panaméens ont toujours dit: «No hay democracia en Panama porque no conviene a los gringos» («Il n'y a pas démocratie en Panama parce que cela ne convient pas aux étrangers»). On peut quand même se demander comment un pays de 2,7 millions d'habitants pourrait, sans difficultés, subvenir aux frais du canal de Panama.
4 La politique linguistique pour l'espagnol
La politique linguistique de la république du Panama s’ouvre sur deux volets: la langue espagnole et les langues indigènes. En raison de l’omniprésence de l’anglais, le gouvernement panaméen a dû proclamer l’espagnol comme langue officielle de la République. C’est l’objet de l’article 7 de la Constitution de 1972, modifiée en 1983 et 1994:
Articulo 7
El español es el idioma oficial de la República.
Article 7
L'espagnol est la langue officielle de la République.
Cela signifie que cette langue sert dans toutes les communications auprès de la population: la législation, l’administration gouvernementale, l’enseignement, la justice, les médias, etc. C’était une façon pour le Panama de proclamer son identité face aux Américains. D’ailleurs, l’article 10 vint préciser certaines modalités pour accéder à la nationalité panaméenne:
Articulo 10
Pueden solicitar la nacionalidad panameña por naturalización:
1) Los extranjeros con 5 años consecutivos de residencia en el territorio de la República si, después de haber alcanzado su mayoría de edad, declaran su voluntad de naturalizarse, renuncian expresamente a su nacionalidad de origen o a la que tengan y comprueban que poseen el idioma español y conocimientos básicos de geografía, historia y organización política panameña.
2) Los extranjeros con tres años consecutivos de residencia en el territorio de la República que tengan hijos nacidos en ésta de padre o madre panameños o cónyuge de nacionalidad panameña, si hacen la declaración y presentan la comprobación de que trata el aparte anterior.
3) Los nacionales por nacimiento, de España o de un Estado latinoamericano, si llenan los mismos requisitos que en su país de origen se exigen a los panameños para naturalizarse.
Article 10
Peuvent demander à être naturalisés panaméens:
1) Les étrangers qui ont résidé cinq ans consécutifs sur le territoire de la République si, une fois majeurs, ils déclarent leur volonté de se faire naturaliser, renoncent expressément à leur nationalité d'origine ou à tout autre, et font preuve qu'ils possèdent la langue espagnole et des connaissances élémentaires sur la géographie, l'histoire et l'organisation politique panaméennes;
2) Les étrangers qui ont séjourné trois années consécutives sur un territoire de la République et qui ont des enfants nés de père panaméen ou de mère panaméenne ou qui ont un conjoint de nationalité panaméenne, s'ils font la déclaration et fournissent la preuve mentionnée à l'alinéa précédent;
3) Les nationaux de naissance d'Espagne ou d'un État latino-américain, s'ils remplissent les mêmes conditions que celles qui sont exigées des Panaméens dans ces pays pour les naturaliser.
Ces dispositions semblent être là pour créer des difficultés aux ressortissants américains ne connaissant pas la langue espagnole. Par contre, elles facilitent la tâche aux ressortissants des «nationaux de naissance d'Espagne ou d'un État latino-américain».
Quant à l’article 78, il déclare ce qui suit sur la pureté de la langue espagnole:
Articulo 78
El Estado velará por la defensa, difusión y pureza del idioma español.
Article 78
L'État veille à la défense, à la diffusion et à la pureté de la langue espagnole.
Il s’agit là manifestement d’une disposition permettant à l’État d’intervenir dans le code linguistique, par exemple dans la chasse aux anglicismes.
En éducation, l’État prend certaines précautions. L’article 96 énonce que l'enseignement dans les établissements publics doit être dispensé dans la langue officielle. Toutefois, pour des motifs d'intérêt public, la loi peut permettre que, dans certains établissements, l'espagnol soit aussi dispensé dans une langue étrangère. Quoi qu’il en soit, l'enseignement de l'histoire de Panama et de l'éducation civique doit être décidé par des Panaméens:
Articulo 96
1) La educación se impartirá en el idioma oficial, pero por motivos de interés público la Ley podrá permitir que en algunos planteles ésta se imparta también en idioma extranjero.
2) La enseñanza de la historia de Panamá y de la educación cívica será dictada por Panameños.
Article 96
1) L'éducation doit être dispensée dans la langue officielle, mais pour des motifs d'intérêt public la loi peut permettre que, dans quelques établissements, l'enseignement soit aussi dispensé dans une langue étrangère.
2) L'enseignement de l'histoire de Panama et de l'éducation civique doit être décidé par des Panaméens.
Il existe par ailleurs plusieurs lois sur l’éducation, mais elles ne précisent rien de particulier en ce qui concerne la langue espagnole:
- la Loi organique sur l’éducation de 1946, avec ses additions et modifications introduites par la loi no 34 du 6 juillet 1995 (Ley Orgánica de Educación de 1946, con sus adiciones y modificaciones introducidas por Ley 34 del 6 de julio de 1995);
- la loi du 1er d'août 1997, par laquelle sont créés les Assemblées éducatives régionales et les Assemblées éducatives scolaires (Ley del 1° de agosto de 1997, por la cual se crean las Juntas Educativas Regionales y Juntas Educativas Escolares);
- la loi 34 du 6 juillet 1995 créant la Direction nationale sur l’éducation moyenne, professionnelle et technique (Ley 34 del 6 de Julio de 1995 que crea la Dirección Nacional de Educación Media, Profesional y Técnica);
- la loi 17 de 1984 modifiée par la loi 57 de 1995 par laquelle est créée l'Université technologique de Panama (Ley 17 de 1984 con modificaciones de la Ley 57 de 1995 por la cual se crea la Universidad Tecnológica de Panamá);
- Loi 18 du 29 septembre 1983 par lequel est créé l'Institut national de formation professionnelle (Ley 18 del 29 de septiembre de 1983 por el cual se crea le Instituto Nacional de Formación Profesional).
5  La politique linguistique pour les autochtones 
Le Panama s’est doté d’une politique indigéniste assez sophistiquée. Celle-ci a commencé a être concrétisée, après un conflit armé en 1925 — la «révolution Tule» — avec les autochtones (qui avaient alors constitué une république autonome), lors de l’adoption d’une loi en 1938 créant la première comerca de San Blas, un territoire caractérisé par une autonomie politique et administrative pour les Kunas. La législation fut précisée par la suite en 1953, par la loi no 16 du 19 février 1953 «par laquelle est créée la comarca de San Blas» (Ley 16 del 19 de febrero de 1953 «Por la cual se organiza la Comarca de San Blas». L’ancienne organisation politique des Kunas a été améliorée par des «Congresos Locales» (communautés) et des «Congresos Generales» (comarcas) qui ont contribué à conserver une forte cohésion du groupe et maintenir le pouvoir de décision sur les activités effectuées sur leur territoire, puis exercer le contrôle sur leurs ressources naturelles ou d'autres ressources de la région.
Par la suite, en 1983, fut créée la comarca de Emberá-Waunan dans la province de Darién, laquelle a été divisée en deux secteurs (Cémaco et Sambú). Depuis lors, les peuples Emberá et Wounan se trouvent dans un processus de consolidation de leur organisation politico-administrative et de leur pouvoir de décision face à l'État national. Cependant, on compte quelque 48 communautés Emberá-Waunan réparties dans la province de Darién et dans une partie de l'est de Panama dont les membres sont demeurés hors de la comarca et qui luttent pour la reconnaissance de leurs terres collectives.
La comarca de Kuna de Madungandi a été créée en 1996 (loi no 24 du 12 janvier 1996). Située à l’est de la province de Panamá dans la zone connue sous le nom de Alto Bayano. Cette comarca est constituée de 12 communautés kunas.
Le dernier territoire reconnu en 1997 est celui de la comarca de Ngöbe-Buglé (loi no 10 du 7 mars 1997), qui abrite le peuple indigène le plus nombreux du pays. La reconnaissance juridique de ce territoire a tardé durant plusieurs années en raison des intérêts de la part des propriétaires fonciers, des éleveurs et des exploitations minières. Actuellement, la lutte est particulièrement forte dans ce secteur étant donné l'exploitation des mines de Cerro Colorado et d'autres concessions dans l'exploitation des ressources.
Au total, on compte cinq comarcas autochtones: la comarca Kuna Yala, la comarca d'Emberá-Waunan, la comarca de Ngobe-Buglé, la comarca de Kuna Madugandí, la comarca de Wargandí. Le Panama est l’un des rares États d’Amérique latin a avoir adopté ce mode d’autogestion à l’intention de ses autochtones.  Ceux-ci peuvent adopter des lois dans la mesure où elles ne contreviennent pas aux dispositions constitutionnelles de la République, ni aux lois du pays.
5.1 Les règles constitutionnelles
La Constitution de 1994 a prévu quelques dispositions au sujet des langues autochtones panaméennes. L’article 84 précise que les langues autochtones feront l’objet d’une étude spéciale ainsi que l’objet de conservation et de développement, tandis que l'État devra promouvoir des programmes d'alphabétisation bilingue dans les communautés indigènes:
Articulo 84
Las lenguas aborígenes serán objeto de especial estudio, conservación y divulgación y el Estado promoverá programas de alfabetización bilingüe en las comunidades indígenas.
Article 84
Les langues aborigènes font l'objet d’études spéciales, de conservation et de développement, et l'État doit faire la promotion des programmes d'alphabétisation bilingue dans les communautés indigènes.
L’article 86 reprend des considérations générales concernant l’identité ethnique de ces communautés, mais admet que les langues amérindiennes doivent faire l’objet d’études et de recherches:
Articulo 86
El Estado reconoce y respeta la identidad étnica de las comunidades indígenas nacionales, realizará programas tendientes a desarrollar los valores materiales, sociales y espirituales propios de cada uno de sus culturas y creará una institución para el estudio, conservación, divulgación de las mismas y de sus lenguas, así como la promoción del desarrollo integral de dichos grupos humanos.
Article 86
L'État reconnaît et respecte l'identité ethnique des communautés indigènes nationales; il entreprend des programmes visant à développer les valeurs matérielles, sociales et spirituelles propres à chacune de leur culture et fonde une institution pour l'étude, la conservation, la diffusion de ces communautés et de leurs langues, ainsi que la promotion du développement intégral de ces groupes humains.
L’article 104 prévoit des programmes d’éducation et de promotion à l’intention des populations indigènes, mais rien ne précise de quel type d’éducation il s’agit:
Articulo 104
El Estado desarrollará programas de educación y promoción para grupos indígenas ya que poseen patrones culturales propios, a fin de lograr su participación activa en la función ciudadana.
Article 104
Afin d'assurer leur participation active dans leur rôle de citoyens, l’État doit élaborer des programmes d’éducation et de promotion pour les groupes indigènes, car ils possèdent des modèles culturels particuliers.
Dans les faits, le type d’instruction dispensée correspond à ce qui existe en principe à peu près partout en Amérique latin: l’éducation bilingue.
5.2 La question des terres indigènes
Enfin, l'article 123 de la Constitution ne traite pas de la langue, mais il reconnaît aux peuples indigènes le droit à leurs terres ancestrales:
Articulo 123
1) El Estado garantiza a las comunidades indígenas la reserva de las tierras necesarias y la propiedad colectiva de las mismas para el logro de su bienestar económico y social. 
2) La Ley regulará los procedimientos que deban seguirse para lograr esta finalidad y las delimitaciones correspondientes dentro de las cuales se prohíbe la apropiación privada de las tierras.
Article 123
1) L'État garantit aux communautés indigènes la réserve des terres nécessaires et la propriété collective de ces communautés pour la réalisation de leur bien-être économique et social. 
2) La loi prévoit les procédures à suivre pour atteindre cet objectif ainsi que les limites correspondantes dans lesquelles l'appropriation privée des terres est interdite.
Malgré cette disposition constitutionnelle, les peuples indigènes de Panama se sont trouvés devant un énorme défi: défendre leurs territoires contre les exploitants étrangers des ressources minières. Malgré cette reconnaissance constitutionnelle, le processus juridique reste néanmoins basé sur un Code minier (Código Minero) désuet datant de 1963. Le Code minier ne reconnaît pas dans sa totalité l'intégrité et le respect des régions indigènes. Pour beaucoup de Panaméens, les autochtones sont encore considérés comme des «ennemis du développement» («enemigos del desarrollo») économique et restent isolés du «progrès». 
Or, l'opinion publique panaméenne est persuadée que la prospérité du pays passe obligatoirement par les investissements étrangers dans le domaine minier. Le problème, c’est que jusqu’ici, la plupart des exploitations minières ont eu lieu dans des territoires indigènes, notamment dans les comercas d’Embera et de Ngobe-Buglé, tout comme dans les comercas de Kuna Yala et de Madungandi, qui comprennent des dizaines de milliers d’hectares de richesses minières. Comme il n’existe pas de véritables mécanismes de consultation des peuples indigènes et que peu de lois favorisent une consultation avec ces derniers, les consultations ont été totalement ignorées. Dans l'état actuel des choses, c'est l’INRENARE, l'Institut national des ressources naturelles renouvelables (Instituto Nacional de Recursos Naturales Renovables), qui autorise les concessions d'utilisation forestière dans les comarcas ou réserves, conjointement avec les Congrès indigènes. Tel est le cas de la loi no 1 du 3 février 1994 sur la législation du travail (Ley 1 del 3 de febrero de 1994 Legislación Laboral) qui édicte dans son article 44:
Articulo 44
Los permisos y concesiones de aprovechamiento forestal, en áreas de comarcas o reservas y comunidades indígenas serán autorizadas por el INRENARE, conjuntamente con los Congresos indígenas respectivos, previo estudio de un plan de manejo científico.
Article 44
Les autorisations et les concessions d'utilisation forestière, dans les comarcas ou réserves et communautés indigènes seront autorisées par l'INRENARE, conjointement avec les Congrès indigènes respectifs, et avec l’étude préalable d'un plan d’élaboration scientifique.
L’INRENARE correspond à l’Instituto Nacional de Recursos Naturales Renovables (l'Institut national des ressources naturelles renouvelables). Pour les autochtones, le gouvernement panaméen ne reconnaît pas les limites légitimes de leurs territoires, et souhaite en outre disposer arbitrairement des terres pourtant reconnues comme des propriété indigènes dans le but d’accorder à des entreprises étrangères des exploitations minières, sans aucune consultation auprès du Congrès général des indigènes. Autrement dit, il ne suffit pas de protéger les terres des indigènes dans la Constitution pour que le tour soit joué. 
Pourtant, la loi no 16 du 19 février 1953 créant la comarca de San Blas précise bien, dans son article 21 qu’«il ne sera attribué de terres situées dans les réserves indigènes à aucune personne ne faisant pas partie de la communauté indigène, à moins que ne soient approuvées des demandes d'adjudication par deux Congrès kunas différents». Manifestement, la législation n’a jamais été appliquée à la lettre.
Dans les faits, la plupart des activités minières entraînent des conséquences écologiques importantes sur la flore, la faune et les eaux, ce qui oblige le gouvernement à déplacer des populations autochtones entières vers d’autres lieux de résidence. Par exemple, le Conseil des ministres a approuvé un contrat entre la Coopération Minière Cerro Colorado (CODEMIN) et la société de Panacobre S.A., pour l'exploitation de gisements minéraux. Or, le peuple Ngobe-Buglé n'a eu aucun mot à dire dans cette décision qui les affecte au premier plan. On considère que le territoire du Cerro Colorado constitue l’un des plus grands réservoirs de cuivre au monde et que ce fait justifie le gouvernement de se passer du consentement des Ngobes-Buglés.
Ce n’est pas pour rien que le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale de l’Organisation des Nations unies (le 14e rapport périodique de 1996) mentionnait que «la question des droits fonciers des populations autochtones n’a pas été réglée dans la grande majorité des cas» et reconnaissait que ces droits semblent «menacés par les activités minières entreprises par des sociétés étrangères, avec l’accord des autorités centrales», et par le développement du tourisme dans les régions habitées par les populations autochtones. 
Soulignons enfin que le gouvernement de Panama n'a pas encore signé ni ratifié la Convention relative aux peuples indigènes de l’Organisation internationale du travail (OIT). Pourtant, beaucoup d'États latino-américains l'ont ratifiée: l’Équateur, la Bolivie, le Paraguay, le Pérou et, en Amérique centrale, le Guatemala, le Costa Rica, le Honduras et l’Argentine. Il est vrai que la Convention est plus ou moins appliquée dans la plupart des pays et qu'une ratification qui ne s'accompagne pas de mesures destinées à la mettre en vigueur reste inutile. Il est probable que c'est là le point de vue du gouvernement panaméen.
5.3 Les langues indigènes
Les lois ne mentionnent que très rarement la question des langues indigènes. Même la loi no 16 du 19 février 1953 créant la comarca de San Blas ne contient aucune disposition en matière linguistique. Les articles 17 à 20 de la même loi, qui traitent spécifiquement de l’éducation, ne font aucune allusion à la langue. Les dispositions constitutionnelles en matière d’éducation (articles 87 à 104) restent également muettes sur cette question. 
En réalité, seule la loi 34 du 6 juillet 1995 (Loi organique sur l’éducation) mentionne quelques éléments d’ordre linguistique, notamment la mise en oeuvre de l'«éducation bilingue interculturelle», afin de «maintenir la richesse culturelle des peuples indigènes de Panama». En d’autres termes, la loi no 34 oblige l’État panaméen à offrir une éducation bilingue interculturelle dans les territoire indigènes. Par ailleurs, en 1998 le ministère de l'Éducation a créé, lors du Décret exécutif no 94 du 25 mai 1998, l’Unidad de Coordinación Técnica para la Ejecución de los Programas Especiales en las Areas Indígenas (Unité de coordination technique pour l'exécution des programmes spéciaux dans les secteurs indigènes). Cet organisme a notamment comme fonction de concevoir et d’élaborer des textes, des guides pédagogiques et autres documents d'appoint pour l'éducation bilingue interculturelle.
Rappelons que l'article 104 de la Constitution prévoit des programmes d’éducation et de promotion à l’intention des populations indigènes, sans préciser qu'il s'agit d'éducation interculturelle bilingue: 
Articulo 104
El Estado desarrollará programas de educación y promoción para grupos indígenas ya que poseen patrones culturales propios, a fin de lograr su participación activa en la función ciudadana.
Article 104
Afin d'assurer leur participation active dans leur rôle de citoyens, l’État doit élaborer des programmes d’éducation et de promotion pour les groupes indigènes, car ils possèdent des modèles culturels particuliers.
Qu’en est-il dans les faits? Les diverses associations indigènes panaméennes se montrent très insatisfaites de leur sort et de celui de leurs populations respectives. Voici une liste de quelques-unes de leurs critiques:
- le statut juridique des comarcas par rapport aux provinces reste mal défini et donne lieu à des conflits de juridiction et des insatisfactions, voire des culs-de-sac;
- le taux de participation des populations autochtones aux élections reste faible;
- les indigènes demeurent sous-représentés dans la fonction publique;
- la loi no 34 de 1995 (Loi organique sur l'éducation) obligeant l’État à offrir une éducation bilingue n’est que fort peu appliquée, par manque d'intérêt de l'État panaméen à promouvoir une politique d'éducation bilingue interculturelle dans les secteurs indigènes;
- l’Unité de coordination technique pour l'exécution des programmes spéciaux dans les secteurs indigènes ne remplit pas ses fonctions, par manque d'intérêt des organismes gouvernementaux responsables de l'Éducation, en opposition avec les exigences des peuples indigènes;
- il n’existe que fort peu de statistiques détaillées sur les groupes autochtones;
- L'État panaméen n'a jamais signé ni ratifié la
Convention relative aux peuples indigènes de l’Organisation internationale du travail (OIT).
Néanmoins, la loi no 34/1995 (Por la cual se deroga, modifican, adicionan y subrogan artículos de la Ley Orgánica de Educación 47/1946: "Par laquelle sont abolis, modifiés, ajoutés et substitués les articles de la Loi organique sur l'éducation 47/1946"), modifiant celle de 1946 et incorporant les huit articles sur l'éducation bilingue interculturelle, prévoit quelques articles à propos des droits linguistiques des autochtones. L'État reconnaît pour la première fois dans une loi le droit des peuples indigènes de Panama à un système d'éducation conforme avec leurs valeurs et à leurs cultures:
Ley de Educación de 1995
Incorpora 8 artículos sobre Educación Bilingüe Intercultural.
Artículo 10
La educación para las comunidades indígenas se fundamenta en el derecho de éstas de preservar, desarrollar y respetar su identidad y patrimonio cultural.
Artículo 11
La educación de las comunidades indígenas se enmarca dentro de los principios y objetivos generales de la educación nacional y se desarrolla conforme a las características, objetivos y metodología de la educación bilingüe intercultural.
Artículo 24
El Ministerio de Educación creará una unidad de coordinación técnica para la ejecución los programas especiales en las áreas indígenas.
Artículo 120
El Estado promoverá, a través de las instituciones pertinentes, el otorgamiento de becas y otras facilidades que garanticen la formación de especialistas en los campos de la educación bilingüe intercultural, con el compromiso de laborar en las áreas indígenas y otros sectores que así lo requieran, por un tiempo determinado.
Artículo 153
La aplicación del currículo en las comunidades indígenas, para todos los niveles y modalidades, tomará en cuenta las particularidades y necesidades de cada grupo y será planificado por especialistas del Ministerio de Educación, en consulta con educadores indígenas que recomienden sus respectivas asociaciones o gremios.
Artículo 154
Los contenidos de los programas de estudio en las comunidades indígenas incorporarán los elementos y valores propios de cada una de estas culturas.
Artículo 155
El Estado garantizará la ejecución de programas especiales con metodología bilingüe intercultural para la educación del adulto indígena, con el objeto de que éste logre la reafirmación de su identidad étnica cultural y mejore su condición y nivel de vida.
Artículo 183
El Ministerio de Educación garantizará que el personal docente y administrativo que ejerza funciones en las comunidades indígenas tenga una formación bilingüe, con dominio del español y de la lengua indígena de la región.
Loi sur l'éducation de 1995
Incorporant les huit articles sur l'éducation bilingue interculturelle
Article 10
L'éducation destinée aux communautés indigènes est fondée sur le droit de celles-ci à préserver, développer et respecter leur identité et leur patrimoine culturel.
Article 11
L'éducation des communautés indigènes s'inscrit dans le cadre des principes et objectifs généraux de l'éducation nationale et se déroule conformément aux caractéristiques, aux objectifs et à la méthodologie de l'éducation bilingue interculturelle.
Article 24
Le ministère de l'Éducation crée une unité de coordination technique pour l'a mise en œuvre des programmes spéciaux dans les zones indigènes.
Article 120
L'État doit promouvoir, au moyen des institutions pertinentes, l'octroi de bourses et d'autres facilités assurant la formation de spécialistes dans les domaines de l'éducation bilingue interculturelle, avec l'engagement de travailler dans les zones indigènes et autres secteurs qui le requièrent ainsi pour un temps déterminé.
Article 153
L'application du programme scolaire dans les communautés indigènes, pour tous les niveaux et modalités, prend en considération les particularités et les besoins de chaque groupe et est planifié par des spécialistes du ministère de l'Éducation, en consultation avec des éducateurs indigènes qui recommandent leurs associations ou corporations respectives.
Article 154
Les contenus des programmes scolaires dans les communautés indigènes doivent intégrer les éléments et les valeurs propres à chacune de ces cultures.
Article 155
L'État assure la mise en œuvre des programmes spéciaux avec une méthodologie bilingue interculturelle pour l'éducation des adultes indigènes, avec l'objectif de parvenir à la réaffirmation de leur identité ethnique et culturelle, et d'améliore leur condition et niveau de vie.
Article 183
Le ministère de l'Éducation veille à ce que le personnel enseignant et administratif, qui exerce des fonctions dans les communautés indigènes, possède une formation bilingue avec la maîtrise de l'espagnol et de la langue indigène de la région.
En fait, l’éducation primaire est généralement dispensée dans la langue autochtone lors de la première année scolaire. Par la suite, les élèves passent à l’espagnol. On invoque le fait que les écoles manquent de manuels et d’enseignants bilingues qualifiés. La plupart des professeurs viennent de  Panamá Ciudad et ils donnent leurs cours en espagnol, car ils ignorent les langues indigènes. 
Les autochtones estiment aussi qu’il est difficile de parler des droits humains, de démocratie et d’équité, alors qu’ils sont impliqués contre leur gré dans des projets économiques néo-libérales qui accentuent les différences entre les plus riches et les plus pauvres. Alors qu’ils représentent 10 % (sic) de la population panaméenne, 95,4 % des indigènes vivent sous le deuil de la pauvreté et 86,4 %, dans une «extrême pauvreté».
Les autochtones affirment également partager, «comme d'autres peuples indigènes», une «triste histoire» soumise aux politiques qui ont provoqué l’invasion de leurs territoires, la modification de la biodiversité, la violation des accords nationaux et internationaux, la discrimination, le génocide, les conditions sanitaires précaires et les difficiles conditions de vie propres aux peuples opprimés.
Dans le domaine de l'éducation, les autochtones croient que l’État panaméen a entrepris des réformes éducatives qui ne tiennent jamais compte des réalités indigènes. Ils estiment nécessaire d'élaborer un projet intégral d'éducation conforme à la réalité de leurs peuples afin de mettre fin à cette longue «politique de soumission» dont ils ont toujours été victimes. C’est pourquoi ils formulent les propositions suivantes»:
- la décentralisation et la régionalisation en matière d’éducation, laquelle doit correspondre aux nécessités des peuples autochtones;
- la participation aux Congrès, communautés, associations d’enseignants et d’étudiants dans l'élaboration de tout projet éducatif;
- le développement d'un projet intégral en vue d’améliorer la qualité de vie des autochtones;
- l’amélioration de la formation du personnel enseignant et administratif, lequel doit être basé sur l’éducation bilingue et interculturelle;
- la mise en vigueur de la loi no 34 de 1995 ou Loi organique sur l’éducation;
- l’élaboration d'un programme d'études régionales indigènes;
- la disponibilité pour l’État d’assurer les ressources financières matérielles, économiques et humaines pour mener à bien les politiques éducatives.
En somme, la situation des autochtones panaméens ne semble pas être meilleure que dans la plupart des pays latino-américains. On constate aussi d'énormes écarts en matière de fréquentation scolaire entre les enfants des villes (94 %) et ceux vivant en zone rurale (86 %), surtout chez les autochtones (62 %), qui ne disposent pas d’un système d’éducation correspondant à leurs valeurs et à leur identité culturelles.
De plus, les taux de «persévérance scolaire» restent faibles, alors que les taux de redoublement et de décrochage sont élevés, notamment en fin de cycle primaire. Il ne faut surtout pas oublier que le problème de l’analphabétisme persiste parmi tous les groupes autochtones et que les enfants semblent se heurter à des difficultés qui les empêchent d’accéder aux services pédagogiques, services de santé et services sociaux. Les statistiques gouvernementales de 1997 révèlent que 62 % des enfants autochtones sont alphabétisés, alors que la moyenne nationale atteint les 97 %. 
Enfin, le 14e rapport périodique de l'ONU sur la discrimination raciale à Panama considère que le travail des enfants, incluant les autochtones, est un problème non encore résolu par le gouvernement panaméen. Même dans le cadre des comarcas, les institutions locales ne contrôlent que partiellement l’enseignement dans les villages, car les programmes sont nationaux.
En juin 2000, le Parlement panaméen a adopté le Régime spécial de la propriété intellectuelle sur les droits collectifs des peuples indigènes (Régimen Especial de Propiedad Intelectual sobre los Derechos Colectivos de los Pueblos Indígenas de 26 de junio de 2000). Cette loi porte sur les droits collectifs des peuples indigènes pour la protection et la défense de leur identité culturelle et de leurs connaissances traditionnelles. L'article 1 de la loi cite les inventions, modèles, dessins et conceptions, innovations contenues dans les images, figures, symboles, graphiques, pétroglyphes et autres particularités; s'y ajoutent les éléments culturels leur histoire, de leur musique, leurs arts et expressions artistiques traditionnelles susceptibles d'un usage commercial par l'intermédiaire d'un système spécial d'enregistrement, la promotion et la commercialisation de leurs droits, afin de souligner les valeurs socioculturelles des cultures indigènes et leur faire justice sociale. Autrement dit, font partie des droits collectifs d'ordre culturel les arts, la peinture, l'artisanat, les vêtements, l'histoire, la danse, les traditions, la musique, et autres modes d'expression culturelle, sans nécessairement inclure la langue ni l'exclure, mais la loi ne mentionne aucunement la langue. L'article 13 de la loi précise que le ministère de l'Éducation devra inclure dans les programmes scolaires les contenus relatifs aux expressions artistiques indigènes, comme faisant partie intégrante de la culture nationale.
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La politique linguistique de Panama s'apparente aux politiques couramment en usage dans les pays d'Amérique latine. Elle diffère un peu dans la mesure où la politique à l'égard de l'espagnol apparaît un peu plus «énergique» sur papier. Le Panama, contrairement à la plupart des autres pays du continent, a toujours eu un peu plus de difficulté à faire respecter l'usage de la langue officielle en raison de l'omniprésence des États-Unis qui occupaient une partie du territoire — le canal de Panama — et fonctionnaient en anglais comme un État dans l'État. Cela étant dit, les dispositions législatives demeurent presque inexistantes, de même que les mesures destinées à les appliquer. 
En ce qui a trait à la politique linguistique appliquée aux autochtones, force est de constater qu'elle correspond davantage à une politique indigéniste qu'à une politique linguistique. Au Panama comme ailleurs, l’éducation bilingue interculturelle — sensée intégrer unilatéralement les communautés autochtones dans un environnement où l'espagnol est la langue commune de la vie publique — est confinée à une sorte de folklorisation du fait indigène. Il faudrait une présence plus grande de ces langues, notamment dans les comarcas, dans l'ensemble des sphères de la vie publique et privée: en commençant par le système d'éducation à tous les niveaux — y compris l'universitaire —, puis dans les médias, les soins de santé, l’Administration gouvernementale et le système judiciaire.
Présentement, les indigènes bénéficient d'une certaine autonomie dans leurs comercas. Il s'agit d'une forme d’autonomie qui peut leur =etre utile, mais qui demeure nettement insuffisante. Les autochtones savent aussi qu'il ne suffit pas de gérer ces «réserves» pour améliorer leur situation déplorable au point de vue économique et culturel, car les Congrès indigènes ne gèrent qu'une infime fraction du budget national (probablement moins de 5 %, contre 60 % en Suède pour les Lapons). 
Comme ailleurs, le système actuel ne répond pas nécessairement aux besoins des autochtones, parce que ce sont des programmes nationaux qui n’intègrent aucun élément de la culture indigène. Les élèves autochtones sont tenus d'apprendre une autre langue que leur langue maternelle, ce qui n’est pas le cas des autres Panaméens. En d'autres termes, les autochtones sont obligés de recevoir une éducation bilingue et de développer des habiletés de bilinguisme, alors que les autres citoyens s’en tiennent à la seule langue espagnole. Quant à la politique d'interculturalité, comme partout ailleurs en Amérique latine, il s'agit d'une sorte de mascarade, car elle ne correspond à aucun échange interculturel. Elle ne vaut que pour les autochtones qui se voient obligés de s'ouvrir à la culture espagnole, alors que les «Ladinos» demeurent complètement fermés à toute interculturalité à l'égard des autochtones. Pour les «Ladinos», l'interculturalité ne vaut que pour l'anglais, et, dans une moindre mesure, le portugais. Dans la situation actuelle, les autochtones de Panama risquent d'attendre encore un bon bout de temps avant de voir mise en oeuvre une véritable politique linguistique indigène! La politique de Panama se résume à une politique d'unilinguisme espagnol avec un volet sectoriel éducatif minimal pour les indigènes. 
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