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Géographie générale - Cuba

Cuba

República de Cuba 

Capitale: La Havane
Population: 11,1 millions (2001)
Langue officielle: espagnol
Groupe majoritaire: espagnol (90 %)
Groupes minoritaires: communautés immigrantes (env. 10 %)
Système politique: république socialiste unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 2 de la Constitution de 1992
Lois linguistiques : Ley des Aduanas (Loi sur les douanes) de 1996.

1 Situation générale

La république de Cuba constitue un pays insulaire des Grandes Antilles, situé au sud des États-Unis (Floride) et à l’est du Mexique, à 77 km à l’ouest d’Haïti (ou île d'Hispaniola) et à 140 km au nord de la Jamaïque (voir la carte des Antilles).
L'île de Cuba est entourée au nord par le détroit de Floride, à l’est par l’océan Atlantique, au sud-est par le passage du Vent, au sud par la mer des Caraïbes, à l’ouest par le détroit du Yucatán. Regroupant plusieurs petits archipels autour de l’île principale de Cuba, le pays totalise une superficie de 114 525 km², soit quatre fois plus petite que l'Espagne (504 748 km²), mais quatre fois plus grosse que la Belgique. Sa capitale est La Havane.
Le pays compte un grand nombre d'îles et d'îlots (les «cayos»), soit environ 1600, qui sont répartis en cinq grands groupes — d’ouest en est : los Colorados, Sabana, Camagüey, Jardins de la Reine, los Canarreos — auxquels il convient d’ajouter l’île de la Jeunesse (ou Juventud, anciennement île des Pins), la plus vaste, avec une superficie de 3056 km².

Au point de vue administratif, Cuba compte quatorze provinces (en plus de la Ciudad de La Habana): Holguin, Santiago de Cuba, Villa Clara, Granma, Camagüey, Pilar del Rio, La Habana, Matanzas, Guantánamo, Las Tunas, Sancti Spiritus, Ciego de Avilla, Cienfuegos et l'Isla de la Juventud (île de la Jeunesse). 
Mentionnons aussi que, dans le sud-est de l'île, dans la baie de Guantánamo, les États-Unis occupent depuis 1903 des terres (121 km²), situées de chaque côté de ce chenal d'entrée, de même que 3640 acres des eaux avoisinantes, qui constituent le territoire de la base navale américaine.
Celle-ci est dotée de terrains d'aviation et d'installations étendues servant à l'approvisionnement, à la réparation des unités américaines, mais aussi à la formation des nouvelles troupes. C'est la principale base navale des États-Unis dans les Antilles. 
C'est au cours de la guerre hispano-américaine (1898) que les États-Unis ont pris et fortifié une grande partie du port de la baie et l'ont utilisé comme mouillage pour leurs bâtiments de guerre. Le 7 février 1901, le président cubain Tomas Estrada Palma signait un accord de cession de ces territoires au gouvernement américain pour la construction de la base navale. À la suite au fameux amendement Platt du 27 février 1901, la base était en opération en 1903. Selon les termes de l'accord complémentaire signé le 2 juillet 1903, le gouvernement américain s'engageait à verser à Cuba la somme de 2000 $ par an (environ 4085 $ au taux d'aujourd'hui), qu'il continue de payer, mais que Cuba refuse de toucher depuis la révolution de 1959.
En 1934, l'accord a été remplacé par un traité qui réaffirmait le droit des États-Unis de louer le site de la base à Cuba. Les Américains ont continué d'occuper la base après la révolution de 1959, et ce, malgré des relations tendues avec Cuba. Précisons aussi que la base de Guantánamo sert de «prison militaire», en principe temporaire, et de haute sécurité pour détenir les suspects terroristes et les combattants talibans qui ont été capturés en Afghanistan. En fait, on y compterait près de 700 prisonniers originaires d'une vingtaine de pays différents. Le 25 mai 2005, Amnesty international a publié son rapport annuel dans lequel elle qualifiait Guantánamo de «goulag moderne». En juin 2006, la Cour suprême des États-Unis a statué que les tribunaux militaires créés pour juger les détenus de Guantánamo étaient «illégaux». La base de Guantánamo fonctionne un peu comme une sorte d'«État souverain» dans l'île. 
Le président des États-Unis, Barack Obama, a pris la décision de fermer, dans un délai d'un an (été 2010), la prison de Guantánamo, cette geôle devenue le symbole des dérapages de la guerre contre le terrorisme. Toutefois, Barack Obama a admis que la prison de Guantánamo ne pourrait être fermée à la date prévue de l'été 2010. Les conseillers du président américain semblent manifestement avoir sous-estimé les difficultés liées au transfert d’un certain nombre de détenus vers leur pays d’origine ou vers des pays d’accueil. Les fonctionnaires perdent un temps fou en palabres avec des pays peu enclins à accueillir leurs ressortissants présumés terroristes. Non seulement les organisations de défense des droits de l’homme ne se privent plus aujourd’hui de critiquer l’Exécutif américain, mais l’opinion publique reste divisée sur cette question controversée.

2    Données démolinguistiques

En 2001, la population cubaine était estimée à 11,2 millions d’habitants. Du point de vue ethnique, environ 37 % des Cubains sont d’origine espagnole, 51 % sont des Métis (ou Mulâtres) et 11 % des Noirs, descendants des esclaves amenés dans l’île au XVIIe siècle. On compte aussi des Asiatiques (env. 1 %) qui proviennent de l’immigration chinoise de la seconde moitié du XIXe siècle. Il n’existe quasiment aucun descendant des autochtones (Siboneyes, Guanajuatabeyes et Taïnos) qui habitaient l’île avant sa découverte par Christophe Colomb. Dans les faits, la population cubaine apparaît comme très métissées avec une gamme de couleur très variée entre le «blanc» et le «noir». Depuis la révolution de Fidel Castro en 1959, plus d'un million de Cubains ont émigré, principalement vers les États-Unis.
L’espagnol est la langue officielle de Cuba. Cette langue est parlée par plus de 90 % des Cubains, ce qui fait de ce pays un territoire relativement homogène au plan linguistique. Les autres locuteurs parlent des langues immigrantes, généralement le chinois, le portugais, le créole, etc. Comme dans tous les pays d’Amérique latine, l'espagnol cubain comporte une part de vocabulaire d’origine africaine ou amérindienne. Les Cubains parlent en général un espagnol relativement identique à l'ensemble de l'Amérique du Sud, sauf que le rythme est probablement plus rapide qu'ailleurs. 
La population cubaine est inégalement répartie sur le territoire. La ville de La Havane et de Santiago de Cuba forment à elles seules près de 20 % de la population totale. Ensuite, suivent les provinces de Holguín, Granma, Villa Clara et Pinar del Río:

Province

Population

Capitale

Ciego de Avila
370 000
Ciego de Avila
Cíenfuegos
370 000
Cíenfuegos
Ciudad de La Habana
2 120 000
La Habana
Granma
800 000
Bayamo
Guantánamo
505 000
Guantánamo
Holguín
1 000 000
Holguín
Isla de la Juventud
435 000
Nueva Gerona
La Habana
650 000
La Habana
Las Tunas
500 000
Victoria de las Tunas
Matanzas
615 000
Matanzas
Pinar del Río
700 000
Pinar del Río
Sancti Spíritus
435 000
Sancti Spíritus
Santiago de Cuba
1 000 000
Santiago de Cuba
Villa Clara
815 000
Santa Clara
Les catholiques (env. 60 %) représentent la majorité de la population cubaine, mais seulement la moitié d'entre eux se déclare pratiquante. Même à l’époque coloniale, le pays n’a pas fait l’objet d’une évangélisation profonde et le régime de Fidel Castro, s’il n’a jamais rompu ses relations avec le Vatican, n’a pas davantage contribué à répandre la foi catholique. Il existe également de petites communautés protestantes et juives. 
Comme dans toutes les Caraïbes, les cultes introduits par les esclaves africains et imprégnés de religion catholique, à l’image de la religion santería, sont toujours vivaces; il existe encore une «langue secrète» (le lucumi), une langue originaire de la famille nigéro-congolaise qu'on appelle parfois à Cuba le yorouba. La religion yorouba, plus connue à Cuba sous le nom de Santería est basée sur un panthéon de dieux africains qui furent créés à l'image des hommes. Ce sont des rituels liturgiques accompagnés de chants, de musique et de danses. Le lucumi n'est pas une langue maternelle, mais uniquement une langue rituelle, un peu comme le latin d'Église chez les catholiques autrefois. Ce genre de phénomène s'est également déroulé en Haïti avec le vaudou et au Brésil avec le candomblé. 

3    Données historiques

L'île de Cuba fut découverte par Christophe Colomb, le 28 octobre 1492. Le pays était alors habitée par environ 100 000 Amérindiens: des Guanajuatabeyes, des Siboneyes, des Taïnos, des Arawaks et des Caraïbes réputés pour être des anthropophages. L’île fut baptisée d’après son nom amérindien: Cubanascan. Cette appellation proviendrait d'un ancien mot français des XVIe et XVIIe siècles, cube , covbe ou couve et signifierait «terre» ou «territoire». Juan de la Cosa fit des relevés cartographiques et Sebastián de Ocampo fut le premier Européen à en faire le tour complet, soit en 1508.
3.1 La colonisation espagnole
C'est en 1511 que commença la colonisation de Cuba lors de l'expédition de Diego Velázquez de Cuellar, nommé gouverneur de l’île et fondateur des villes de Baracoa, Santiago de Cuba (1514) et La Havane (1519). On comprendra que le mot français cube fut adapté en cuba pour désigner l'île. Le travail de recherche et d'exploitation des métaux précieux, comme l'or et le cuivre, débuta dès les premières années de la conquête espagnole. En moins de cinq ans, épuisée par le travail de forçats ou systématiquement massacrée, la population indigène diminua dramatiquement pour se réduire à quelques centaines d’individus. Une performance unique! En désespoir de cause, les pauvres colons espagnols durent faire appel aux esclaves noirs, ce qui entraînera des conséquences déterminante sur la composition de la population insulaire.
Lorsque les réserves d’or furent épuisées, l’Administration locale fut chargée de promouvoir de nouvelles activités économiques telles que le tabac et les plantes tinctoriales. La canne à sucre connut un essor considérable grâce à l’importation de nombreux esclaves africains; la plupart vinrent de la partie sud et sud-ouest de l'actuel Nigeria, ainsi que d'une partie du Bénin. Contrairement à d'autres pays des Antilles, le créole ne s'est pas développé à Cuba, seul l'espagnol s'étant implanté durablement. Le pays devint très actif au plan commercial, surtout à cause des plantations de tabac et de canne à sucre. 
Entre 1574 et 1578, furent fondés à La Havane les premiers établissements d'enseignement sous la responsabilité des missionnaires franciscains et dominicains. Mais ces établissements n'étaient accessibles qu'à une certaine élite espagnole. Le 5 janvier de 1728, la Très Illustre Réelle Université pontificale de San Jerónimo (Muy Ilustre Real y Pontificia Universidad de San Jerónimo) fut fondée par la bulle du pape Innocent XII. 
Après la guerre de Sept Ans (1756-1763), au cours de laquelle les Britanniques occupèrent provisoirement La Havane (en 1762 et en 1763), le gouvernement espagnol encouragea encore davantage l’expansion commerciale et le développement agricole, en particulier grâce à l’ouverture du port de La Havane sur l’extérieur. La population connut alors une forte augmentation de Noirs, et les produits cubains connurent, à partir de 1791, un formidable succès sur les marchés européens, après que la révolte haïtienne eut ruiné les plantations françaises de Saint-Domingue.
3.2 L’émergence du nationalisme
Dès le début du XIXe siècle, la population cubaine présentait déjà sa physionomie définitive. Les Espagnols dirigeaient le pays et restaient concentrés à La Havane en contrôlant le commerce et les profit; les Créoles, descendants des immigrants espagnols, étaient propriétaires des domaines agricoles; les Métis, issus des esclaves noirs et des Créoles, ainsi que les Noirs assuraient la main d'œuvre. Très tôt, les différends entre les Espagnols et les Métis s'accrurent. Cuba connut aussi une immigration chinoise très importante, avec un quartier chinois à La Havane.
Mais les autorités locales durent faire face aux aspirations à l’indépendance de tous les peuples de l’Amérique espagnole. Dès 1795, un Noir libre du nom de Nicolás Morales  dirigea un mouvement afin d'obtenir l'égalité raciale et l'abolition des mesures gouvernementales qui défavorisaient les pauvres. À partir de 1830, le gouvernement espagnol se fit de plus en plus répressif, ce qui suscita un vaste mouvement indépendantiste parmi les colons blancs. En 1841, le gouvernement espagnol adopta la première loi scolaire de l'île et, à partir de 1850, les autorités entreprirent une réforme et une expansion de l'enseignement. L'École normale commença à fonctionner en 1857. 
En 1868, dans la sucrerie de La Demajagua, Carlos Manuel de Céspedes (1819-1874), un riche propriétaire cubain, annonça la libération de ses esclaves et appela ses compatriotes à se soulever contre les autorités espagnoles. Il est considéré aujourd'hui comme le «père de la nation»; il est également l'auteur de la première Constitution cubaine.
Mais ce fut aussi le début d'un long conflit — la guerre de Dix Ans — qui se termina avec le pacte du Zanjón (10 février 1878), lequel apporta d'importantes concessions aux insurgés. L’île de Cuba fut dotée d’une certaine autonomie, l’esclavage fut aboli en 1880 et l’égalité des droits entre les Blancs et les Noirs fut proclamée en 1893.
Les conséquences du pacte atteignirent le domaine politique, avec la constitution des premiers partis politiques (fondation du Parti révolutionnaire cubain en 1892), ainsi que le secteur économique, puisque les entreprises américaines augmentèrent leurs investissements dans la région. Mais les réformes mises en place se révélèrent décevantes, car l'Espagne avait fini par supprimer toutes les libertés obtenues, ce qui favorisa une nouvelle fois l'émergence de mouvements indépendantistes.
Le 24 février 1895, la lutte reprit, soutenue cette fois par les États-Unis. L'armée des manzanilleros réussit à vaincre les forces espagnoles de 200 000 hommes. José Martí (1853-1895), le héros des luttes indépendantistes, trouva la mort à Dos Ríos, le 19 mai 1895. Fondateur du Parti révolutionnaire cubain aux États-Unis, il avait écrit: «Je risque tous les jours ma vie pour mon pays; l'indépendance de Cuba doit empêcher que les États-Unis s'étendent jusqu'aux Antilles; telle est ma mission; tout ce que j'ai fait et ferai va dans ce sens.» Après sa mort, il fut surnommé l'«apôtre de la nation» et deviendra l'un des héros dans l'histoire de Cuba.
Les États-Unis, qui contrôlaient déjà le marché du sucre cubain, intervinrent aux côtés des insurgés en avril 1898, précipitant la guerre hispano-américaine, provoquée par la perte du «Maine», un navire de guerre américain que l’Espagne fut accusée d’avoir torpillé. Le traité de Paris du 10 décembre 1898 mit fin au conflit; l’Espagne renonça à sa souveraineté sur l’île et un gouvernement militaire fut mis en place par les Américains. La cession de Cuba aux États-Unis sera toujours ressentie comme une lourde perte par les Espagnols, plus que pour toute autre ancienne colonie.  
À l'aube du XXe siècle, la situation de l'éducation primaire, secondaire et pré-universitaire demeurait encore précaire; en général, la majorité des Cubains était encore exclue de l'accès à l'éducation et à la culture.  
3.3 L’indépendance de Cuba
La république de Cuba fut formellement instituée le 20 mai 1902. Mais la Constitution cubaine fut modifiée par le sénateur américain Hitchcock Pratt. Selon ce qu'on a appelé l’amendement Platt, les États-Unis étaient autorisés à intervenir dans les affaires du pays et pouvaient installer deux bases navales à Cuba (à Guantánamo et à Bahia Honda), en contrepartie de privilèges douaniers. Ainsi, selon un accord conclu avec Cuba en 1903, les États-Unis ont obtenu le droit de maintenir une base navale dans la baie de Guantánamo... qu'ils continuent d'occuper encore aujourd'hui malgré des relations tendues avec Cuba. Juan Gualberto Gomez (1853-1933), l'un des plus fervents patriotes cubains voués à l'Indépendance, dénonça les articles 3 et 7 de l'amendement Platt, qui «équivalaient à donner les clés de la maison aux Nord-Américains, pour qu'ils y entrent à toute heure du jour ou de la nuit, animés de bons ou de mauvais desseins» et qu'«ils n'ont d'autre objectif que d'entamer le pouvoir des futurs gouvernements de Cuba et la souveraineté de notre République». Après la révolution de Fidel Castro, Cuba a toujours refusé de reconnaître la base navale de Guantánamo. D'ailleurs, la Constitution de Cuba, en date de février 1976, énonce à l'article 11 que le pays «condamne et tient pour illégaux et nuls les traités, pactes et concessions concertés dans des conditions d'inégalité et qui ignorent ou lèsent sa souveraineté et son intégrité territoriale».
Utilisant leur droit d'intervention militaire, les États-Unis envoyèrent en 1906 et en 1912 des troupes sur l’île pour lutter contre des insurrections. Le 7 avril 1917, Cuba entra en guerre aux côtés des Alliés. L’augmentation des difficultés économiques marqua durement les lendemains de la Première Guerre mondiale.
Les élections contestées de 1921 aboutirent à l'élection de Gerardo Machado y Morales (1925-1933). Mais son régime devint de plus en plus dictatorial. Désirant consolider sa situation et son pouvoir, Machado se livra à des persécutions politiques. L'effondrement de la bourse de New York en 1929 et la crise économique qui s'ensuivit augmentèrent l'impopularité de Machado. Une révolte avortée menée par les dirigeants de l'opposition en 1931 fut réprimée avec brutalité, et marqua le début d'un véritable régime de terreur. En août 1933, une grève générale, la perte du soutien de l'armée et des pressions venant du gouvernement américain de Franklin D. Roosevelt obligèrent Machado à partir en exil.
Pour calmer les mécontentements qui se faisaient entendre et à la demande du président cubain Ramón Grau San Martín, le président Franklin D. Roosevelt abrogea, en 1933, l’amendement Platt, mais obtint que la base de Guantánamo soit conservée pour une «durée illimitée». En janvier 1934, le général Fulgencio Batista y Zaldívar (1901-1973), appuyé par les États-Unis, renversa le libéral Ramón Grau San Martín, arrivé au pouvoir en 1933, qui avait pris une série de mesures importantes (p. ex., le vote des femmes, la journée de travail de huit heures, la nationalisation de l’électricité, etc.).
Batista fut porté à la tête du pays lors des élections de 1940. En décembre 1941, le gouvernement cubain déclara la guerre à l’Allemagne, au Japon et à l’Italie, et devint membre de l’Organisation des Nations unies en 1945. L’élection présidentielle de 1944 vit la victoire de Ramón Grau San Martín, candidat d’une large coalition de partis. Durant ce temps, Batista s'exila aux États-Unis où il fomenta un coup d'État en 1952 et imposa une dictature militaire caractérisée par une corruption généralisée de l'élite dirigeante.
La mainmise des capitaux étrangers sur l’économie du pays s’accentua: les Américains contrôlaient 90 % des mines de nickel et des exploitations agricoles, 80 % des services publics, 50 % des chemins de fer et, avec le Royaume-Uni, toute l’industrie pétrolière. En 1953, Batista écrasa une tentative de soulèvement dirigée par Fidel Castro, un jeune avocat, qui fut jeté en prison. Une fois libéré, Castro décida de s'exiler au Mexique. Dans les écoles, seulement 56,4 % des enfants pouvaient accéder à l'école primaire et 28 % des enfants et des jeunes entre 13 et 19 ans pouvaient poursuivre leurs études dans les établissements d'enseignement secondaires.  Quant à l'éducation supérieure, il restait d'accès très limité. Ce fut la Belle Époque de La Havane avec ses casinos, ses hôtels somptueux, ses Cadillac, ses gangsters et ses jolies filles. Par contre, ce fut la misère noire pour les ouvriers dans les usines et les mines, sans oublier les paysans. Le pays était mûr pour une nouvelle révolte!
3.4    La révolution castriste
En 1956, Fidel Castro et ses partisans, dont l'Argentin Ernesto «Che» Guevara (un médecin), rentrèrent de leur exil mexicain et débarquèrent sur une plage du sud de Cuba. Les troupes gouvernementales massacrèrent la plupart des rebelles au cours du débarquement, mais Castro et une douzaine d'hommes parvinrent à s'échapper et ils se réfugièrent dans les montagnes à l'est de Cuba, d'où ils poursuivirent leur guérilla afin de déposer le dictateur Batista. Le 1er janvier 1959, Batista dut fuir vers Santo Domingo (en apportant avec lui quelque 40 millions de dollars du Trésor public), alors que Castro, avec ses «barbudos», prit la tête du nouveau gouvernement cubain, grâce au soutien d’une grande partie de la population. 

Un gouvernement provisoire fut choisi, avec à sa tête Fidel Castro, un homme qui se voulait au-dessus des partis. La première allocution de Fidel Castro à La Havane en 1959 dura plus de sept heures. Les Cubains ignoraient à ce moment-là qu'ils entendraient leur Lider Maximo encore cinquante ans. Toute l'Amérique latine lui donnera le surnom El Comandante, ou encore plus simplement Fidel. Rapidement, une réforme agraire, qui confisquait des terres aux Américains, fut lancée; puis les raffineries de sucre et de pétrole furent nationalisées. La politique des grands travaux mise en œuvre eut pour effet de résorber le chômage, ainsi que des programmes destinés à améliorer l’éducation et la santé publique. En avril 1960, le premier navire soviétique chargé de pétrole arriva dans la baie de La Havane.
En octobre 1960, le gouvernement américain imposa à l’île un embargo commercial. La rupture totale des relations diplomatiques se produisit en janvier 1961 et, le 17 avril, un commando d’exilés anticastristes soutenus et entraînés par les États-Unis débarqua dans la baie des Cochons, au sud de l’île.
L’échec de cette tentative d’invasion accéléra l’orientation socialiste du régime. Castro proclama aussitôt le caractère marxiste-léniniste de la Révolution; tous les moyens de production furent progressivement nationalisés et les fermes d'État contrôlèrent la majorité des terres.
C'est le 14 octobre 1962 qu'éclata la «crise des Missiles». Les États-Unis avaient découvert à Cuba des rampes de lancement de missiles fournies par l’Union soviétique. Le président américain John F. Kennedy annonça alors un blocus naval de l’île. Après plusieurs jours de négociations, pendant lesquels une guerre nucléaire semblait imminente, le dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev accepta de retirer ses missiles. En 1965, les gouvernements cubain et américain signèrent un accord permettant aux Cubains d’émigrer aux États-Unis. C'est alors que plus de 260 000 Cubains quittèrent l’île avant la fin officielle du pont aérien de 1973.
3.5  L'isolement de Cuba
Ces événements expliquent en partie l'isolement de Cuba en Amérique. Le pays fut exclu de l’Organisation des États américains (OEA) en 1962, et accusé d’avoir essayé de fomenter des rébellions au Venezuela, au Guatemala et en Bolivie. En 1967, Che Guevara fut arrêté et exécuté sans procès, alors qu’il dirigeait un groupe de guérilleros en Bolivie, ce qui sanctionnait l'échec des mouvements armés. À partir de ce moment, Cuba adopta totalement le «modèle communiste» et resta largement dépendante de l’aide économique de l’Union soviétique et des pays du bloc de l’Est. Le pays devint également membre du Conseil d’assistance économique mutuelle (CAEM). Le premier congrès du Parti communiste cubain eut lieu en 1975, et une nouvelle constitution fut adoptée. L’Assemblée siégea pour la première fois en décembre 1976 et nomma Fidel Castro à la tête de l’État et du gouvernement avec des pouvoirs accrus.
Cuba sortit de son isolement diplomatique en juillet 1975, lorsque l’OEA leva ses sanctions. C’est aussi à partir de 1975 que des forces de combat cubaines s’engagèrent activement sur le continent africain, luttant en Angola et en Éthiopie (jusqu’en 1989); près d'un demi-million de Cubains partirent faire la guerre en Angola à la suite d'un accord entre Cuba et l'Angola. En 1980, les activités cubaines s’étendirent au Yémen du Sud, alors que le gouvernement américain accusait Cuba d’aider les rebelles du Salvador et le gouvernement sandiniste du Nicaragua. Pendant ce temps, l’économie cubaine continuait de recevoir trois millions de dollars quotidiens d’aide soviétique.
En 1989, l’Union soviétique et Cuba signèrent un traité d’amitié de vingt-cinq ans, mais l’effondrement du bloc de l’Est raviva la contestation intérieure. En 1991, la Russie retira ses 11 000 conseillers et techniciens militaires en poste à Cuba, et l’aide économique disparut, ce qui précipita l'île dans une crise économique aiguë. Le niveau de vie des Cubains chuta brutalement. Les références au marxisme-léninisme furent supprimées de la Constitution cubaine. Le mécontentement général et l’aggravation de la pauvreté amenèrent le gouvernement cubain à engager des réformes économiques: en juillet 1993, la possession de dollars, autrefois considérée comme un délit passible d’emprisonnement, fut légalisée et, en octobre 1994, les marchés libres paysans furent de nouveau autorisés; le décret-loi no 140 du Conseil d'État autorisa la libre circulation du dollar américain sur tout le territoire national. En même temps, le régime continua de bafouer les droits de l’homme et le nombre d’incarcérations arbitraires et de prisonniers politiques demeura important. 
Afin de freiner l'exode des balseros, c'est-à-dire ces dizaines de milliers de Cubains (35 000) cherchant à gagner les États-Unis sur des embarcations de fortune, deux accords furent signés avec le voisin américain, en septembre 1994 et en mai 1995. La ratification de la loi Helms-Burton, en mars 1996, durcit la position américaine à l’encontre du gouvernement cubain. Quelques mois après (en décembre 1996), le Parlement cubain adoptait la loi 80 qui déclarait l'illégalité de la loi Helms-Burton et le droit du peuple cubain de choisir son propre destin: «Est illicite toute forme de collaboration, directe ou indirecte, qui favorise l'application de la loi Helms-Burton» (art. 8). Sur la scène internationale, Castro fut reçu par plusieurs représentants officiels (à l’Unesco, à Rome où il rencontra le pape Jean-Paul II). 
Dans le domaine économique, Cuba s’ouvrit lentement aux initiatives privées et favorisa l’essor des investissements étrangers, dont le Canada considéré comme un «pays ami». L'Union européenne accorda 19,5 millions de dollars pour financer des programmes de santé publique. Mais le brusque ralentissement de la croissance contribua à la détérioration de la situation économique, déjà difficile en raison de l’endettement, des mauvaises récoltes de canne à sucre. Les inégalités entre les Cubains ayant accès aux devises étrangères, notamment le dollar, et ceux ne survivant qu’avec des salaires payés en pesos ne cessèrent de se creuser. 
En janvier 1998, la visite du pape Jean-Paul II à Cuba permit au régime castriste de rompre un peu son isolement. La condamnation papale de l’embargo américain contraignit ainsi les États-Unis à assouplir quelque peu leur politique de fermeté à l’égard de La Havane. La reprise des vols directs entre les deux pays, le rétablissement de l’autorisation, pour les Américains d’origine cubaine, d’envoyer de l’argent à leur famille restée à Cuba, et l’accélération des formalités administratives nécessaires à l’envoi de médicaments furent ainsi décidés par le président américain Bill Clinton qui ne remit pas en cause la loi Helms-Burton, que seul le Congrès pouvait annuler.
Cependant, la notion d’extraterritorialité contenue dans cette loi, qui permettait aux Américains de prendre des mesures de rétorsion contre toute entreprise étrangère commerçant avec Cuba ou investissant dans l’île, fut un sujet de discorde entre les États-Unis, d’une part, et l’Union européenne, le Japon et le Canada, d’autre part. En juillet 1998, après de longues négociations, les autorités américaines s’engagèrent à suspendre pendant une durée déterminée la loi Helms-Burton et, en janvier 1999, elles annoncèrent des mesures d’assouplissement de l’embargo, sans pour autant renoncer à leur stratégie d’isolement.
En même temps, Cuba normalisa ses relations avec l’Espagne, le Canada, le Guatemala et la République Dominicaine, ce qui constitua un nouveau pas vers la réintégration de Cuba dans l’espace antillais. À l’issue d’une tournée triomphale de Castro durant l’été 1998, Cuba fut admise comme observateur au sein du groupe ACP (Afrique, Caraïbe, Pacifique). En 1999, un durcissement du régime s’exerça à l’égard de toute contestation sociale, politique et civile. En mars 1999, les dissidents «du groupe des quatre», accusés de sédition pour avoir réclamé la démocratisation de l’île, furent condamnés à de lourdes peines de prison. Le 20 mai 2002, la déclaration d’indépendance du Timor oriental a été accueillie avec une grande satisfaction par la communauté internationale; Cuba a salué l’événement et a établi des relations diplomatiques avec le premier État du nouveau millénaire.
Le 8 novembre 2004, le dollar américain fut à nouveau interdit et remplacé par le peso convertible à côté du peso cubain. Mais les deux pesos n'ont guère la même valeur, le peso convertible valant près de 20 fois plus que le peso cubain. En effet, le peso cubain est utilisé par les Cubains pour se procurer les articles de première nécessité, alors que le peso convertible est réservé aux touristes. Seuls les pesos convertibles permettent de se procurer des articles de luxe. Les Cubains employés dans les grands hôtels peuvent plus facilement obtenir des pesos convertibles grâce aux pourboires et acheter ainsi des articles réservés aux touristes.   
Après plus de quarante-cinq ans de régime autoritaire, Fidel Castro, le Líder Maximo, continua de régner sans partage, même malade! La mort de Castro viendra tôt ou tard. Les Cubains s'y préparent déjà, entre une blague et une autre. En voici une, amusante, qui en dit long :
Une enseignante demande à ses élèves où Fidel devrait-il être enterré. Un enfant répond: «En Égypte, avec les pharaons.» Un autre, plus politisé, réplique: «Avec Lénine, le plus grand camarade.» Et Pepito, le trouble-fête, répond : «N'importe où sauf en Terre sainte, sinon il va ressusciter le troisième jour.»
Éloigné du pouvoir durant dix-huit mois, Fidel Castro a renoncé, le 19 février 2008, à la présidence de Cuba en faveur  de son frère Raúl. Bien qu'il continue à publier régulièrement ses «réflexions» dans la presse officielle cubaine, Fidel ne compte plus.  Même son frère Raúl devenu président n'en tient plus compte. Il lui arrive de le contredire régulièrement.
Cependant, Cuba ne pourra mettre fin au régime castriste avec la seule disparition de Fidel. Il faudra plus qu'une simple transition, et la démocratisation du pays n'est certainement pas pour demain. Il serait plus réaliste d'attendre encore une ou deux générations. Pour le moment, les opposants au régime continuent d'être pourchassés, emprisonnés ou exilés. Les beaux principes socialistes devront progressivement laisser la place aux réalités économiques.

4  La politique linguistique

Le gouvernement cubain n'a pas élaboré de véritable politique linguistique parce que cela ne paraît pas nécessaire. Dans un pays où l'espagnol est la langue maternelle de plus de 90 % de la population, il est normal d'appliquer une telle politique de non-intervention. De plus, le pays ne compte aucune minorité nationale. 
La Constitution de 1992 ne contient qu'une seule disposition à caractère linguistique. On lit à l'article 2 que «la langue officielle est l'espagnol»:
Articulo 2
El nombre del Estado cubano es República de Cuba, el idioma oficial es el español y su capital es la ciudad de La Habana.
Article 2
Le nom de l'État cubain est la république de Cuba, la langue officielle est l'espagnol et sa capitale est la ville de La Havane.
Le président Fidel Castro a annoncé en juin 2002 qu'il allait modifier la Constitution de 1992. La société civile cubaine aurait demandé au Parlement «de ratifier que les relations économiques, diplomatiques et politiques avec n'importe quel autre État ne pourront jamais être négociées sous l'agression, la menace ou les pressions d'une puissance étrangère». Le 11 juin 2002, l'Assemblée extraordinaire des directions nationales des organisations de masse («Asamblea Extraordinaria de las direcciones nacionales de las organizaciones de masas») a fait la demande suivante:
SOLICITA

De la Asamblea Nacional del Poder Popular, órgano supremo del poder del Estado, que representa y expresa la voluntad soberana de todo el pueblo:

PRIMERO:
Ratificar la identificación de nuestro pueblo con todos y cada uno de los principios que sustentan a la Constitución de la República, específicamente con los Fundamentos Políticos, Sociales y Económicos que se consagran en su Capítulo I, destacando especialmente que:

"Cuba es un Estado socialista de trabajadores, independiente y soberano, organizado con todos y para el bien de todos, como República unitaria y democrática, para el disfrute de la libertad política, la justicia social, el bienestar individual y colectivo y la solidaridad humana."

SEGUNDO:
Consignar expresamente la voluntad del pueblo de que el régimen económico, político y social consagrado en la Constitución de la República es intocable.

TERCERO:
Ratificar que las relaciones económicas, diplomáticas y políticas con cualquier otro Estado no podrán ser jamás negociadas bajo agresión, amenaza o presión de una potencia extranjera.

CUARTO:
Que los aspectos anteriormente interesados, una vez aprobados mediante el procedimiento legal pertinente, sean expresamente incluidos en la Constitución de la República, como parte integrante de su cuerpo normativo y con expresión de que derogan cuanta disposición anterior se le oponga o contradiga.

En Cuba a los 10 días del mes de junio del 2002, «Año de los Héroes Prisioneros del Imperio».
DEMANDE

À l’Assemblée nationale du Pouvoir populaire, organe suprême du pouvoir de l’État, laquelle représente et exprime la volonté souveraine du peuple tout entier:

PREMIÈREMENT: 
De ratifier l’identification de notre peuple avec l’ensemble et chacun des principes sous-tendant la Constitution de la République, en particulier les fondements politiques, sociaux et économiques de la République tels que consacrés au chapitre I et, notamment l’article 1 rédigé comme suit: « La République de Cuba est un État socialiste de travailleurs, indépendant et souverain, organisé avec tous et pour le bien de tous, en tant que République unitaire et démocratique, pour la jouissance de la liberté politique, de la justice sociale, du bien-être individuel et collectif et la solidarité humaine.»

DEUXIÈMEMENT:
D’établir expressément la volonté du peuple pour qui le régime économique, politique et social consacré dans la Constitution de la République est intouchable.

TROISIÈMEMENT: 
De ratifier que les relations économiques, diplomatiques et politiques avec tout autre État ne pourront jamais faire l’objet de négociations sous l’emprise de l’agression, de la menace ou des pressions d’une puissance étrangère.

QUATRIÈMEMENT: 
De faire en sorte que les aspects susmentionnés, une fois approuvés selon les procédures légales pertinentes, soient expressément inclus dans la Constitution de la République en tant que partie intégrante de celle-ci et que soient dérogées toutes autres dispositions antérieures qui s’y opposeraient ou les contrediraient.

Fait à Cuba le 10 juin 2002, «An des Héros prisonniers de l’empire».
En somme, rien qui concerne la langue espagnole! En matière linguistique, il n'existe aucune loi proprement linguistique — du moins pas dans la Gaceta Oficial de la República de Cuba —, et seules quelques rares lois traitent de la langue espagnole, et ce, de façon très occasionnelle et ponctuelle. Bref, on peut affirmer que le gouvernement cubain n'a d'autre politique linguistique que celle de la non-intervention.
4.1  La langue du gouvernement
En vertu de l'article 2 de la Constitution, l'espagnol est la langue officielle de Cuba et, par conséquent, celle du gouvernement. Cela signifie que les débats au Parlement à l'Assemblée nationale (Asamblea Nacional del Poder Popular ou Assemblée nationale du pouvoir populaire), de même que la rédaction et la proclamation des lois, sont en espagnol.
Fait notable: les élus parlementaires, provinciaux ou municipaux ne reçoivent aucun salaire, sauf pour certains mandats qui constituent une occupation à temps plein; ils conservent leur emploi et ne sont pas tenus d'assister à toutes les réunions des assemblées. Plus de 30 % des parlementaires et des membres des conseils provinciaux ne sont pas membres du Parti communiste, le seul autorisé à Cuba.
Les cours de justice ne fonctionnent qu'en espagnol, mais le juge peut demander l'aide d'un interprète pour les ressortissants d'un autre pays. Tous les services gouvernementaux ne sont offerts que dans la langue officielle. Toutefois, dans les zones touristiques, l'emploi de l'anglais ou de toute autre langue est autorisé. On peut même dire que, dans les grands centres touristiques, l'emploi de l'anglais est généralisé. Évidemment, pas entre les Cubains eux-mêmes, mais entre les touristes et les Cubains. Il s'agit alors d'une langue véhiculaire permettant de communiquer avec tous les touristes, peu importe leur langue d'origine.
S'il n'existe pas de publicité commerciale à Cuba, la publicité gouvernementale est fréquente sans être omniprésente. Sur les routes, il n'est pas rare de lire des messages du genre: «Viva Cuba libre.» De fait, le mot Libertad et Revolución sont probablement les termes les plus fréquents dans ces messages idéologiques peu subtils. Cependant, il faut comprendre que si le pays est effectivement libre, ses citoyens le sont beaucoup moins, même si Cuba n'est pas un État policier. La police se fait discrète et n'importune pas les touristes, mais gare aux Occidentaux qui s'approchent trop familièrement d'une Cubaine! En fait, le touriste se sera pas trop embêté, mais la Cubaine, si.
Tout affichage, quel qu'il soit, est en espagnol, ce qui inclut la signalisation routière. Dans les centres touristiques, l'anglais peut avoir une petite place après l'espagnol, surtout pour des raisons de sécurité.
4.2  L'éducation
C'est depuis quarante ans que le régime cubain lutte contre l'analphabétisme, avec un succès réel, il faut le reconnaître. Aujourd'hui, l'analphabétisme est considéré comme inexistant à Cuba, ou il se compare à des pays comme les États-Unis, le Canada ou la France. De plus, le programme cubain de lutte contre l'analphabétisme s’étend à d'autres pays de l'Amérique latine. Cuba pratique une politique d’égalité des chances pour les hommes et les femmes. L’élimination de toutes les formes de discrimination des femmes est restée l’un des objectifs principaux du gouvernement, même si les salaires ont tendance à être plus élevé chez les hommes que chez les femmes. Il semble que la mise en pratique de cette politique d'égalité entre les sexes soit soumise à un examen constant de la part du gouvernement, et suivie de près par la Federacion de las Mujeres Cubanas (Fédération des femmes cubaines).
L'éducation cubaine est régie par l'article 39 de la Constitution, la loi no 1306 de 1976, la loi no 1307 de 1976, le décret-loi no 67 de 1983 et le décret-loi no 47 de 1994. Or, aucun de ces documents ne mentionne la langue espagnole. Il faut croire que l'apprentissage de l'espagnol ne constitue pas un problème à Cuba. L'article 39 de la Constitution présente les principes socialistes de l'éducation cubaine, et la langue y est exclue:
Artículo 39
El Estado orienta, fomenta y promueve la educación, la cultura y las ciencias en todas sus manifestaciones. En su política educativa y cultural se atiene a los postulados siguientes:
a) fundamenta su política educacional y cultural en los avances de la ciencia y la técnica, el ideario marxista y martiano, la tradición pedagógica progresista cubana y la universal;
b) la enseñanza es función del Estado y es gratuita. Se basa en las conclusiones y aportes de la ciencia y en la relación mas estrecha del estudio con la vida, el trabajo y la producción. El estado mantiene un amplio sistema de becas para los estudiantes y proporciona multiples facilidades de estudio a los trabajadores a fin de que puedan alcanzar los mas altos niveles posibles de conocimientos y habilidades. La ley precisa la integración y estructura del sistema nacional de enseñanza, así como el alcance de la obligatoriedad de estudiar y define la preparación general básica que, como mínimo, debe adquirir todo ciudadano;
c) promover la educación patriótica y la formación comunista de las nuevas generaciones y la preparación de los niños, jóvenes y adultos para la vida social. Para realizar este principio se combinan la educación general y las especializadas de carácter científico, técnico o artístico, con el trabajo, la investigación para el desarrollo, la educación física, el deporte y la participación en actividades políticas, sociales y de preparación militar;
ch) es libre la creación artística siempre que su contenido no sea contrario a la Revolución. Las formas de expresión en el arte son libres;
d) el Estado, a fin de elevar la cultura del pueblo, se ocupa de fomentar y desarrollar la educación artística, la vocación para la creación y el cultivo del arte y la capacidad para apreciarlo;
e) la actividad creadora e investigativa en la ciencia es libre. El Estado estimula y viabiliza la investigación y prioriza la dirigida a resolver los problemas que atañen al interés de la sociedad y al beneficio del pueblo;
f) el Estado propicia que los trabajadores se incorporen a la labor científica y al desarrollo de la ciencia;
g) el Estado orienta, fomenta y promueve la cultura física y el deporte en todas sus manifestaciones como medio de educación y contribución a la formación integral de los ciudadanos;
Article 39
L'État oriente, favorise et assure la promotion de l'éducation, la culture et les sciences dans toutes ses manifestations. Dans sa politique éducative et culturelle, il se conforme aux postulats suivants :
a) Il fonde sa politique éducationnelle et culturelle sur les progrès de la science et de la technologie, l'idéologie marxiste et de José Martí, la tradition pédagogique progressiste cubaine et universelle;
b) L'enseignement relève de la fonction de l'État et est gratuit. Il est basé sur les conclusions et les apports de la science et sur la relation la plus étroite avec l'étude de la vie, le travail et la production. L'État maintient un vaste système de bourses pour les étudiants et fournit de multiples facilités d'études aux travailleurs afin qu'ils puissent atteindre ceux par plus hauts niveaux possibles dans les connaissances et les habilités. La loi a besoin de l'intégration et de la structure du système national d'enseignement, ainsi que de la portée du caractère obligatoire des études et définit la préparation générale de base que doit acquérir au moins tout citoyen;
c) Il faut promouvoir l'éducation patriotique et la formation communiste des nouvelles générations et la préparation les enfants, des jeunes et des adultes pour la vie sociale. Pour appliquer ces principes, l'éducation générale et l'éducation spécialisée à caractère scientifique, technique ou artistique est combinée au travail, la recherche pour l'élaboration, l'éducation physique, le sport et la participation aux activités politiques, sociales et au service militaire;
ch) La création artistique est libre pourvu que son contenu ne soit pas contraire à la Révolution. Les formes d'expression dans l'art sont libres;
d) Afin d'augmenter la culture du peuple, l'État s'occupe de favoriser et de développer l'éducation artistique, ainsi que les qualifications pour la création et la culture de l'art, et la capacité pour l'apprécier;
e) L'activité créatrice et la recherche dans les sciences est libre. L'État stimule et rend viable la recherche et donne la priorité à celle visant à résoudre les problèmes concernant l'intérêt de la société et le bénéfice du peuple;
f) L'État fait en sorte que les travailleurs s'incorporent au travail scientifique et au développement de la science;
g) L'État oriente, favorise et promeut la culture physique et le sport dans toutes ses manifestations comme moyen d'éducation et de contribution à la formation intégrale des citoyens; 
Il s'agit d'un véritable manifeste de la pensée socialiste. Pour une population de 11 millions d'habitants, plus de 2,8 millions d'étudiants sont actuellement aux études générales ou spécialisées, dans 11 762 écoles et collèges. Rappelons-le, l'analphabétisme est pratiquement inexistant. Environ 95 % des enfants sont inscrits à l’école primaire, 89 % des jeunes vont à l’école secondaire et 17,2 % font des études post-secondaires. Dans l'enseignement des langues étrangères, assez loin derrière l'anglais, le français demeure la langue la plus enseignée de l'île. Le gouvernement expérimente présentement un projet-pilote d'enseignement du français au primaire.
L’étalage de la part du gouvernement cubain concernant les progrès de l’éducation demeure un thème de débat presque quotidien dans le pays, mais cela ne reflète pas toute la réalité. La crise économique et l'effondrement de l’Union soviétique ont gravement affecté l’éducation cubaine. Les enseignants restent mal payés et les ressources pédagogiques font souvent défaut. Dans les écoles rurales, l’enseignement est généralement accompagné de travail agricole non rémunéré.
Dans l'éducation supérieure, on compte près de 50 universités, 23 400 professeurs et plus de 300 000 étudiants universitaires, le tout réparti dans toutes les provinces. Comme dans bien d'autres pays, les études universitaires dépendent des besoins identifiés officiellement par l’État. Ce sont les objectifs communistes qui prévalent sur les aspirations personnelles. Mais une fois que les places officiellement contingentées sont déclarées disponible, n'importe qui peut y accéder. De plus, les diplômés, de quelque discipline qu'ils soient, doivent demeurer à la disposition des fonctionnaires chargés de leur trouver du travail. Tout diplômé est dans l'obligation d'être à la disposition de l'État pendant deux ans pour du «service social» obligatoire dans des régions éloignées, sans tenir compte de la province d'origine du diplômé. 
Par ailleurs, Cuba fait face à un problème d'inégalité entre les sexes, car le nombre des femmes dépassent largement celui des hommes. Selon les statistiques officielles, les femmes représentaient déjà en 1996 quelque 60 % de l'effectif total des étudiants. Par exemple, la proportion des femmes était de 71 % des étudiants inscrits dans les sciences médicales. Le recensement de 2002, selon le Bureau national des statistiques (Oficina Nacional de Estadisticas), révélait que, parmi les 712 000 diplômés universitaires du pays, 314 000 (44,1 %) étaient des hommes et 398 000 (55,9 %) étaient des femmes, soit 84 000 femmes de plus que d'hommes.
4.3    La vie économique 
Comme on peut s'y attendre dans un État aussi autoritaire que Cuba, la vie économique se déroule entièrement en espagnol, sauf pour les grands hôtels destinés au tourisme international, où l'anglais, le portugais, l'allemand, le français et l'italien sont relativement employés, avec une nette prépondérance pour l'anglais. L'affichage public est exclusivement en espagnol, sauf bien entendu dans les hôtels internationaux où l'anglais sert généralement de langue véhiculaire. Rappelons qu'il n'existe pas de publicité commerciale à Cuba.
L'article 97 du décret-loi no 162 d'avril 1996, intitulé Ley des Aduanas (Loi sur les douanes), précise que les ''Manifiestos'' («manifestes»), c'est-à-dire la liste des marchandises constituant la cargaison d'un navire à l'usage des douanes, doivent être rédigés en espagnol ou en anglais:
Artículo 97
1) Los Manifiestos originales se presentarán en idioma español o en idioma inglés. 
2) Los Manifiestos traducidos se presentarán en idioma español.
Article 97
1) Les manifestes originaux sont présentés en langue espagnole ou en langue anglaise. 
2) Les manifestes traduits sont présentés en langue espagnole.
Cet article constitue l'uns des rares mentions sur la langue espagnole dans les textes juridiques de Cuba. C'est dire que les questions linguistiques ne préoccupent guère les dirigeants cubains. 
4.4 Les médias
Du côté des médias (tous contrôlés par le gouvernement), même si les récepteurs de radio ne fonctionnent pas sur l'ensemble de l'île avec la même qualité, toutes les ondes diffusent le même journal d'informations officielles en espagnol; il en est ainsi de la télévision. Même si les Cubains ont accès à quatre chaînes de télévision, il se retrouvent, de 21 h à 22 h 30, devant la même Novela, le feuilleton télévisé quotidien qui attire des millions de téléspectateurs après les informations du jour. Les informations couvrent le plus souvent les dernières déclarations du président vénézuelien, Hugo Chavez, celles du président bolivien, Evo Morales, celles de Lula da Silva du Brésil, ou encore celles de Rafael Correa de l'Équateur, de Daniel Ortega du Nicaragua, voire celle de Michelle Bachelet du Chili. Les Cubains ne peuvent pas capter les télévisions étrangères et ils doivent se contenter des chaînes diffusant les programmes officiels. Les chaînes du monde (en anglais, portugais, espagnol, français, etc.) ne sont accessibles que dans les hôtels équipés d'antennes satellites. Autrement dit, les touristes et les Cubains ne regardent pas les mêmes émissions.
La presse écrite, contrôlée également par le gouvernement, se porte assez bien avec des journaux comme Rebelde, Tribuna de La Habana, Granma, etc., tous rédigés en langue espagnole. Les journaux cubains n'en finissent pas de chanter les louanges de la Révolution de 1960... avec quelques hommages ici et là à Hugo Chavez (Venezuela) et Evo Morales (Bolivie). Le point de vue sur le monde offert par les médias officiels est donc le seul dont disposent les Cubains. Par voie de conséquence, les Cubains sont convaincus que le grand phénomène mondial actuel demeure les victoires de la gauche latino-américaine et que la république libre de Cuba marche bel et bien dans la bonne direction. 
Le 20 février 2006, les parlementaires cubains ont adopté une loi afin d'interdire la vente de journaux étrangers tels Mecanica Popular, Muy Interesante, El Pais, etc., tous des journaux considérés comme potentiellement dangereux et capables d’aliéner l’opinion publique.
Quant à Internet, son accès est interdit et contrôlé par le ministère de l'Intérieur; seuls certains fonctionnaires et journalistes du gouvernement ont le droit et la possibilité d'utiliser ce genre de service. Seuls les sites autorisés en espagnol peuvent être visités: c'est une sorte d'Intranet du nom de Tu Isla («Ton île»), qui comprend, entre autres, les portails de la télévision et des radios d’État diffusant leurs programmations en ligne. Tout accès à des sites extérieurs est interdit sous peine d’emprisonnement. Quoi qu'il en soit, peu de Cubains ont accès à Internet, dont l'utilisation est nettement prohibitive (six pesos convertibles/l'heure, alors que le salaire moyen varie entre 25 et 40 pesos par mois).

La politique linguistique de Cuba en est une de non-intervention. Cuba reste l'un des pays les plus homogènes du monde au plan linguistique. Toute politique linguistique semble inutile dans ce pays insulaire et au surplus isolé au plan international. En réalité, les dirigeants politiques cubains semblent davantage préoccupés par l'idéologie marxiste et révolutionnaire que par la langue. Ces derniers ont toujours maintenu fermement leur option socialiste, même après que l'URSS et le bloc socialiste de l'Europe de l'Est aient été démantelés par les «traîtres de l'intérieur» et les «impérialistes de l'extérieur». Cuba n'a pas renoncé au socialisme, malgré son isolement, avec son commerce extérieur en débâcle, le tout à quelques dizaines de kilomètres de la «superpuissance impérialiste» la plus importante du monde, ce qui constitue un objet de fierté pour ces dirigeants qui croient que leur lutte est celle du «peuple cubain contre l'impérialisme».  
 

 

Bibliographie

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GOBIERNO DE LA REPÚBLICA DE CUBA. «Breve evolución histórica de la educación en Cuba» dans Sitio del Gobierno de la Républica de Cuba, La Havane, Ministerio de Educación, 2002,
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MUÑIZ-ARGÜELLES, Luis. «Les politiques linguistiques des pays latino-américains», Colloque international La diversité culturelle et les politiques linguistiques dans le monde, Québec, Commission des états généraux sur la situation et l’avenir de la langue française au Québec, 24 et 25 mars 2001.
YACOUB, Joseph. «Les minorités en Amérique latine et aux Caraïbes» dans Les minorités dans le monde, Paris, Desclée de Brouwer, 1998, p. 781-805.