Près d'une famille monoparentale sur trois vit sous le seuil de pauvreté. 85% de ces familles sont constituées par une mère et ses enfants.
«La crise économique et l'impact sur l'emploi (...) fragilise les personnes», note le Secours catholique qui, dans un rapport rendu public début novembre, relève une augmentation de 2,1% du nombre de situations de pauvreté en France en 2009 par rapport à l'année précédente. Le chômage et le «travail pauvre» sont principalement à l'origine de ces situations. Mais pour de nombreuses familles, la crise est un élément qui est venu se surajouter à une précarité quasiment structurelle: il s'agit des familles monoparentales. Leur nombre est en constante progression, mais la spécificité de cette évolution sociétale n'est guère prise en compte dans les modes de vie. De sorte que la crise fait basculer les plus fragiles dans la pauvreté.
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Au départ, le phénomène est lié à l'évolution des moeurs. La transformation du mariage obligé, conclu par les parents pour des intérêts financiers, en «mariage d'amour» librement consenti par les deux époux au XXe siècle, comme le décrit le philosophe et ancien ministre Luc Ferry dans son dernier livre La révolution de l'amour, est la toile de fond de l'augmentation du nombre des divorces. Lorsque le lien amoureux se distend et se rompt, le ciment du couple disparaît.
Compte tenu par ailleurs de l'indépendance revendiquée et conquise par la femme, les divorces augmentent. En trente ans, leur nombre a triplé et on estime aujourd'hui que pour 100 mariages en France, plus de 40 divorces sont prononcés. En 2005, par exemple, l'Insee en dénombre 152.000 (une augmentation d'un tiers en quatre ans) pour 279.000 mariages et 60.000 Pacs. Une constante toutefois: le cap le plus difficile pour les couples se situe toujours au cours de la quatrième année.
D’autres familles se recomposent, mais ces séparations débouchent souvent sur la constitution de familles monoparentales. Ces foyers qui s’organisent autour d’un seul adulte représentent par exemple une famille sur quatre ou cinq en Ile-de-France et dans le sud-est du pays, mais aussi une sur six dans le grand ouest et le centre où elles sont pourtant les moins nombreuses. De 1,76 million en 2005, leur nombre doit approcher aujourd’hui 2 millions, dont 85% sont formées par une mère de famille et ses enfants. Et c’est là que tout se complique.
De l’indépendance des femmes à la problématique autonomie
Il faut d’abord se loger. L’explosion de la cellule familiale est une cause de tension sur le marché de l’immobilier et, par là, sur le niveau des loyers du fait d’un afflux des demandes. D’autant que les mères de familles monoparentales vivent le plus souvent en milieu urbain ou dans des régions où les prix des logements sont plus élevés, commente l’Insee. Compte tenu des ressources de ces familles, l’amputation des ressources de ces familles du seul fait du montant des loyers accroît la situation de pauvreté. «Seules 28% des mères de familles monoparentales sont propriétaires de leur logement, contre 63% des couples avec enfants. Plus d’un tiers vivent dans une HLM»… dont le nombre ne permet pas de répondre à la demande.
L’indépendance de la femme n’a pas réglé les problèmes d’autonomie, surtout pour celles qui assument l’éducation d’un enfant (55% des mères seules), voire deux enfants (30%) et même trois (10%). Compte tenu des contraintes familiales d’une part mais aussi du marché de l’emploi et de la sélection qui s’opère au détriment des personnes qui ne sont pas totalement disponibles, seulement la moitié des mères de famille monoparentale occupent un emploi à plein temps. Le marché du travail est sélectif car, comparativement, les trois quarts des adultes vivant en couple avec enfants ont un emploi.
30% des familles monoparentales vivent dans la pauvreté
Avec un seul salaire au foyer lorsqu’il existe et des charges contraintes incompressibles (loyer, charges de chauffage, d’eau et d’électricité, transports, frais de scolarité, abonnement téléphonique…), les fins de mois sont difficiles… et commencent parfois très tôt dans le mois. La porte est alors ouverte sur la spirale du surendettement. Certes, il existe des aides, comme l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de soutien familial, l’allocation de parent isolé et, bien sûr le revenu de solidarité active (RSA).
Malgré l’évolution des mœurs, une forme de sanction perdure
On pourrait multiplier les statistiques démontrant que la précarité frappe plus les femmes qui élèvent seules leurs enfants. Comme si, d’une certaine façon, elles se trouvaient socialement pénalisées par leur situation familiale et que cette situation était destinée à perdurer. La sanction d’antan qui frappait les mères célibataires aurait-elle la peau si dure malgré l’évolution des mœurs?
Les situations de crise affectent plus et plus vite les personnes déjà fragilisées. Mais l’aggravation de leur condition de vie ne peut être uniquement analysée sous l’angle conjoncturel. Le phénomène était perceptible bien avant que la crise ne survienne. Une amélioration des possibilités d’accueil des enfants (2,8 millions dans les familles monoparentales en 2005) dans des structures collectives pour permettre aux mères de famille de postuler à des emplois qui leur sont aujourd’hui inaccessibles, constituerait une première reconnaissance des spécificités de leur situation sociale. Mais pour l’instant, le recours le plus immédiat lorsque la précarité s’installe est celui des associations caritatives. Bien difficile de. ... Lire la suite sur Slate.fr