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Culture - Faut-il importer le multiculturalisme en France ? par Christophe Beaudouin

Pays-Bas, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, chacun à leur manière, servent de référence aux adeptes du multiculturalisme pour tenter de démontrer que le "creuset républicain" à la Française est devenu "inopérant" ou "périmé" et qu'il faut importer "ce qui marche ailleurs", au besoin en l'adaptant. L'occasion nous est ainsi donnée de présenter une étude comparative du multiculturalisme dans ces pays dits "modèles" et de rappeler ce qu'il en est en réalité de "l'efficience" de ce système, aujourd'hui fortement remis en cause dans ses sociétés de prédilection et dénoncé pour ses effets pervers : montée des racismes et de la xénophobie, surdélinquance et surchômage immigrés, installation du fondamentalisme islamique.(I) 

Le syncrétisme culturel comme remède à l'ethnocentrisme
Nous verrons ensuite comment la psychologie française (universaliste) refuse a priori toute organisation raciale et communautaire de la société, précisément parce qu'elle accepte les mille "petites différences" de l'autre (couleur de la peau, religion etc) perçues comme secondaires. L'intégration (ou l'assimilation) à la société française apparaît en revanche impossible pour des étrangers dont la culture et/ou le mode de vie est incompatible avec celui de la nation (refus de la laïcité, endogamie, statut de la femme bas), la communauté nationale demeurant à cette échelle la seule communauté humaine légitime, parce que source de la décision commune (donc de toute démocratie), la plus protectrice des droits et libertés fondamentaux et héritière d'une longue Histoire d'assimilation de populations diverses ayant choisi d'épouser son destin. (II) 

Nous nous appuyerons très largement sur les travaux de l'anthropologue Emmanuel Todd, dont l'approche originale permet de dépasser les idéologies et y voir plus clair sur les capacités de la société française à communautariser plutôt qu'à intégrer (tradition républicaine) des populations d'origine étrangère, débat qui est au coeur de la précampagne pour l'élection présidentielle de 2007.

1) Pays-Bas : le « drame multiculturel »

Sur 16 millions d'habitants, il y a 1,6 million d' « allochtones non-occidentaux », dont environ 1 million de musulmans. A Rotterdam, 13% des habitants sont musulmans. Avec le regroupement familial des années 1970, les Pays-Bas se sont investis dans une politique multiculturelle dynamique à partir de 1983.
Visant généreusement à « l'intégration » (différentialiste), cette politique conduira à une plus grande visibilité de la communauté musulmane en tant que telle et à l'avènement d'un Islam des Pays-Bas : permis de construire pour les mosquées, abondantes subventions des associations, des médias et des écoles musulmanes, consultation permanente des associations par les fonctionnaires et les responsables politiques, concerts multiculturels, discours du Ministre de l'intégration traduits en arabe, débats publics des autorités avec Tariq Ramadan ou avec le Conseil européen de la Fatwa (émanation des Frères musulmans...) etc.

Pourtant, ce modèle n'a pas empêché d'un côté les discriminations, le racisme, les ghettos, la surdélinquance et le surchômage des enfants d'immigrés ; de l'autre, la montée en puissance de l'intégrisme islamique. On se souvient du cinéaste provocateur Théo Van Gogh poignardé par un islamiste en pleine rue à Amsterdam le 2 novembre 2004, ou celui du leader populiste homosexuel Pim Fortuyn deux ans plus tôt. Rappelons aussi la liste noire des élus menacés de mort, qui ne dorment plus chez eux et viennent à l'Assemblée sous haute protection, comme la députée libérale d'origine somalienne Ayaan Hirsi Ali (co-auteur du film de Van Gogh) excisée à 5 ans, ayant fui pour échapper au mariage arrangé avec son cousin, et aujourd'hui engagée contre les violences faites aux femmes musulmanes.

La culture différentialiste, avec de généreuses intentions, aura conduit à la radicalisation des Néerlandais d'une part, des jeunes musulmans d'autre part. Le député Bolkestein estimait déjà en 1991 que les normes et valeurs de l'islam seraient « incompatibles » avec celles de la société néerlandaise, qui sont celles de la tolérance, du libéralisme et de l'émancipation. Les libéraux de droite tancent donc la gauche d' « angélisme » à l'égard des immigrés et évoquent "l'islamisme rampant".

En janvier 2000, c'est un journaliste travailliste réputé, Paul Scheffer, phare de la pensée sociale-démocrate Néerlandaise, a signé une tribune retentissante : « Le drame multiculturel » où il dénonce l'attentisme des pouvoirs publics face à la surreprésentation des jeunes issus de l'immigration dans les statistiques du chômage, la formation d'une « sous-classe » non intégrée, le non respect par trop de musulmans de la séparation Eglise/Etat, des femmes et des homosexuels.

Scheffer estime que le modèle d'intégration néerlandais est un échec car il permet trop aux immigrés de s'enfermer dans leur culture d'origine et de ne pas assimiler les valeurs néerlandaises. « Nous vivons aux Pays-Bas les uns à côtés des autres, sans nous rencontrer : chacun a son propre café, sa propre école, ses propres idoles, sa propre musique, sa propre foi, son propre boucher, et bientôt sa propre rue ou son propre quartier. » L'image paisible de la Hollande, du « modèle polder », royaume de la tolérance et de la concertation sociale, semble avoir vécu.

2) Allemagne : « l’islamisation des Turcs »

L'assimilation des étrangers en Allemagne a mis de côté les Turcs, objet d'une ségrégation qui rappelle celle des noirs aux Etats-Unis. Ils représentent à eux seuls 33% de la population étrangère en Allemagne. La culture turque d'origine, très éloignée de la culture arabo-musulmane, n'était a priori pas incompatible avec une parfaite assimilation à la société allemande. Leur comportement démographique à leur arrivée entre 1960 et 1985 démontre en tous cas qu'ils étaient prêts à toutes les adaptations. Malheureusement, de tradition familiale endogame (mariages entre cousins etc.), les turcs ont été maintenus à l'écart par la société d'accueil avec un code de la nationalité longtemps basé sur le seul droit du sang et surtout le différentialisme allemand qui se fixe sur la religion musulmane, désignant le Turc comme différent du fait de l'islam et le maintenant dans une endogamie communautaire et religieuse.

Si en France (système universaliste), les jeunes femmes d'origine maghrébine ont une aptitude particulière à entrer dans la culture occidentale, le pays d'accueil incitant les plus réticentes (interdiction du foulard), en Allemagne au contraire (différentialiste), la culture du pays d'accueil incite à la différence et donc les familles turques à enfermer leurs filles dans leur culture d'origine. Cet enfermement communautaire des Turcs d'Allemagne pour des raisons essentiellement religieuses conduit à faire de l'islam l'identité particulière de cette population étrangère et à ce qu'Emmanuel Todd désigne comme une véritable «islamisation des Turcs par l'Allemagne ».

Depuis les années 1990, avec la réunification et l'arrivée des « Allemands ethniques », l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, la tensions augmentent. Les valeurs d'autorité et d'inégalité qui caractérisent le système anthropologique allemand conduit à une tension entre homogénéité et obsession de la différence. D'où la multiplication des réactions violentes, principalement à l'égard des Turcs, «groupe paria » qui a raté son intégration.

3) Etats-Unis : la couleur de la peau « indépassable »

Les gouvernements américains successifs et la Cour suprême ont déployé pendant trente ans des efforts considérables pour mettre fin à la ségrégation des noirs dans les industries militaires, l'administration d'Etat, les transports en commun, l'accès à l'éducation, à la citoyenneté et à la politique. L'alphabétisation des Noirs passe ainsi de 12% en 1940 à 82% en 1990, et plusieurs villes élisent des Maires noirs.

Pourtant, l'obsession ségrégationniste à l'égard des Noirs reste indépassable. Alors que le mode de vie américain est en réalité très homogène, la mentalité différentialiste, fixée sur la couleur de la peau, apparaît incapable d'en finir avec les ghettos, avec la ségrégation scolaire et l'endogamie raciale. Si consciemment, l'opinion publique se dit résolument antiségrégationniste, l'inconscient de l'américain "blanc" ne croit pas en l'égalité des hommes et en l'unité du genre humain. Mariage, voisinage, école : dans ses relations individuelles, l'américain "blanc" ne peut s'empêcher de suivre une stratégie sociale d'évitement de l'américain "noir", fût il éduqué et aisé.

Cette ségrégation persistante combinée au rattrapage culturel conduit à une désorganisation du tissus familial noir. "Hommes définis comme non humains par la société qui les domine, les Noirs cessent de se comporter en époux et pères." Cette destruction familiale est à l'origine, parmi la population noire, de nombreux comportements d'autodestruction (suicide, toxicomanie) et d'agression (criminalité surélevée). Les multiculturalistes s'attachent à différencier Blancs, Noirs, Hommes, Femmes, Homosexuels, Hétérosexuels...

Mais le "patchwork" d'une société américaine tolérante et vivant dans la fraternité multiculturelle est une illusion d'optique. En observant les relations humaines élémentaires que sont le voisinage, l'éducation et le mariage, il n'existe plus que deux groupes : les Blancs et les Noirs. Selon Todd, les valeurs de liberté/non-égalité qui structurent la mentalité américaine depuis l'origine, empêchent cette société de considérer que les Noirs sont des hommes comme les autres.

Cette ségrégation persistante combinée au rattrapage culturel conduit à une désorganisation du tissus familial noir. "Hommes définis comme non humains par la société qui les domine, les Noirs cessent de se comporter en époux et pères." (p.90) Cette destruction familiale est à l'origine au sein de la population noire de nombreux comportements d'autodestruction (suicide, toxicomanie) et d'agression (criminalité surélevée).

Les multiculturalistes s'attachent à différencier Blancs, Noirs, Hommes, Femmes, Homosexuels, Hétérosexuels... Mais le "patchwork" d'une société américaine tolérante et vivant dans la fraternité multiculturelle est une illusion d'optique. En observant les relations humaines élémentaires que sont le voisinage, l'éducation et le mariage, il n'existe plus que deux groupes : les Blancs et les Noirs.

Les valeurs de liberté/non-égalité qui structurent la mentalité américaine depuis l'origine, empêchent cette société de considérer que les Noirs sont les hommes comme les autres.

4) Royaume Uni : « pôle du fondamentalisme »

A la Libération, beaucoup d'Anglais avaient été choqués de constater la ségrégation raciale au sein des troupes américaines qui débarquaient. Modèle de tolérance sur les questions ethniques, l'Angleterre fut capable de se dresser sur la route d'Hitler et plus tard de réaliser de manière relativement paisible sa décolonisation.

Néanmoins, en se fixant elle aussi en priorité sur la couleur de la peau, la population anglaise ne perçoit pas les différences culturelles réelles qui la distinguent des communautés immigrées. Ainsi les Jamaïcains, qui constituent la majorité des immigrés noirs, de langue anglaise et Chrétiens, sont les plus proches culturellement des anglais mais les plus éloignés physiquement.

Au contraire, les Sikhs et les Pakistanais, sont plus lointains sur le plan des traditions familiales (endogamie, statut de la femme bas) et religieuses (musulmans ou hindouiste) mais moins éloignés physiquement des anglais que les noirs. Or, ce sont les noirs qui sont désignés comme "immigrés à problèmes typiques". "Rien n'est en effet plus angoissant pour une population d'accueil différentialiste qu'un groupe immigré très différent par l'apparence physique mais très proche par les moeurs, parce que son existence semble contredire la certitude métaphysique a priori d'une diversité cohérente des essences humaines." conclut Todd.

Pourtant, ce ne sont pas les noirs qui poseraient objectivement problème au Royaume-Uni, mais le développement d'un islam fondamentaliste. Les Pakistanais d'Angleterre sont musulmans sunnites et pour beaucoup originaire du Mirpur, de tradition familiale patrilinéaire et endogame. Bradford est devenue leur "capitale", celle de l'islam britannique. Lors de la fatwa proclamée par Khomeyni contre Salman Rushdie, l'auteur des "Versets sataniques", une foule de manifestants Pakistanais brandissaient des portraits de Khomeiny... manifestations de haine anti-occidentale que l'on a retrouvée encore à Londres au moment de l'affaire des caricatures de Mahommet.

En raison du climat différentialiste propre aux pays anglo-saxons, "l'Angleterre n'apparaît pas comme le lieu de conservation de l'islam, mais comme un petit pôle du fondamentalisme." Comme au Pays-Bas et aux Etats-Unis, depuis quelques années, d'importantes voix s'élèvent au Royaume-Uni contre le système multiculturel.

Ainsi, dans "Pauvreté du Multiculturalisme", le sociologue Patrick West distingue la nécessaire tolérance à l'égard des coutumes des minorités vivant en Grande-Bretagne, du "hard multiculturalism" qui demande à la société britannique de promouvoir les cultures différentes. Il rappelle que cela conduit certains intellectuels soi-disant "progressistes" à défendre des cultures qui invitent au massacre des homosexuels, à la soumission de la femme (voile, polygamie, excision) et au rejet des cultures occidentales.

5) France : le refus d'une organisation raciale de la société 

Paysages, races, cultures locales : on dénombre plus de trois cents pays dont la réunion fait de la France une mosaïque. C'est vrai si l'on parle de l'architecture, la gastronomie ou certains aspects des moeurs. C'est insuffisant si l'on veut comprendre le système France dans son rapport à la différence humaine et au monde extérieur. C'est pourquoi E.Todd suggère de recourir à l'analyse anthropologique pour dépasser l'idéologie et y voir plus clair sur les capacités de la société française à intégrer ou assimiler des populations étrangères. 

1) Le principe universaliste français

Le système anthropologique français combine deux types majeurs de familles : la famille égalitaire et la famille souche : la famille égalitaire (vivant généralement au centre de l'hexagone) est porteuse des valeurs de liberté et d'égalité ; la famille souche (plutôt à la périphérie du territoire) est porteuse des valeurs d'autorité et d'inégalité. S'y ajoutent des types familiaux secondaires respectivement porteurs du couple autorité/inégalité et liberté/non-égalité. La famille adhérant à la vision égalitaire est universaliste et non ethnique, typique du bassin parisien. La famille souche assure en pratique l'existence sur la périphérie de l'espace français une conception inégalitaire et ethnocentrique de la nation (proche de la vision allemande ou japonaise) 

Deux puissants facteurs ont historiquement permis de réunir ces familles : le sentiment national, appuyé sur la composante unitariste de la périphérie, qui l'emporte sur le désaccord idéologique ; l'Etat (capétien puis jacobin) qui est la synthèse de ces deux cultures et s'élève donc au-dessus des sociétés locales, les contrôlant et corrigeant différemment. Dans les régions de tempérament individualiste égalitaire, l'Etat jacobin introduit de l'ordre dans une société guettée par l'anarchie ; dans le Sud-Ouest, en Alsace ou en Bretagne, il impose le principe d'égalité et libère les individus de sociétés locales fortement intégratrices. 

Ces familles ont deux points communs fondamentaux. L'exogamie d'abord : on ne se marie par en France à l'intérieur du groupe familial. Or, le monde musulman est à l'inverse caractérisé par une fréquence élevée du nombre des mariages entre cousins, manifestant une préférence élevée pour l'alliance entre les enfants de deux frères mais acceptant tous les types de mariage dans la parenté. En second lieu, un statut de la femme élevé (à l'échelle de ce qui peut être observé sur la planète) : les systèmes familiaux français sont bilatéraux parce qu'ils reposent sur un principe d'équivalence des parentés paternelles et maternelles. 

2) Conséquences sur le rapport du Français à l'immigré

Exogamie et bilatéralité du système de parenté sont le fond commun minimal qui définit les limites anthropologiques de l'universalisme français. Donc tout système anthropologique immigré incluant un statut de la femme bas et une composante endogame, souvent perçue de façon indirecte à travers une attitude de fermeture au groupe, sera considéré comme non acceptable par les Français. Or, avec d'une part la construction européenne qui véhicule les conceptions différentialistes anglo-saxonne et germanique (d'où notamment les problèmes qui vont se poser avec l'immigration Turque habituée au différentialisme allemand) et d'autre part l'immigration d'origine arabo-musulmane, notre système de valeur universaliste est soumis à rude épreuve. 

On note ainsi le contraste entre la séparation à l'anglaise des immigrés de couleur, la perception allemande d'une "différence douloureuse" et la conception française d'une intégration de type individualiste. Marceau Long, président du Haut Conseil à l'intégration a bien résumé à quoi tient la survie du modèle français : ne pas céder au multiculturalisme et au communautarisme qui ne correspondent pas à la mentalité, à la tradition et la culture française : "...le Haut Conseil a défini l'intégration non comme une voie moyenne entre assimilation et simple insertion, mais comme un processus spécifique ; il a préconisé que la France maintienne une logique de l'égalité des personnes qui s'inscrit dans son histoire, dans ses principes, dans son génie propre et va plus loin, nous semble-t-il, dans l'épanouissement des droits de la personne que la reconnaissance des droits des communautés minoritaires, dont nous ne sous-estimons pas la valeur et la nécessité en bien d'autres régions de l'Europe" (Préface à P. Weil, La France et ses étrangers, p16-17) 

Ici, le principe de l'égalité des enfants impose à l'inconscient l'a priori métaphysique d'une équivalence des hommes, des peuples, des races et des sexes : c'est l'universalisme français. En système différentialiste au contraire (Allemagne, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Japon), prédomine la certitude a priori d'une humanité multiple, fragmentée, constituée d'individus et de groupes par essence. Mais croire en la différence n'implique pas qu'on l'aime. 

En réalité, le différentialisme est générateur d'angoisse et probablement d'une véritable peur de la différence. Toute différence concrète semble engendrer un réflexe de peur et doit être strictement cataloguée pour être acceptée : d'où l'obsession multiculturelle aux Etats-Unis. 
Cela se manifeste par le besoin américain de catégoriser les homosexuels pour les accepter, de re-tourner un film étranger selon les normes américaines pour être présenté à la population qui s'inquiète de la moindre différence culturelle objective. Toute différence est une menace dans ce monde où chacun se sent d'autant plus fragile qu'il n'est pas, au niveau inconscient, sûr d'être semblable à tous. Au contraire, l'universalisme de type français (à substrat égalitaire) est beaucoup plus capable d'accepter les différences de moeurs. D'où la réelle diversité de la France. 

Il y a dans notre mentalité la certitude a priori d'une essence commune (nous sommes tous des hommes) qui permet l'acceptation de mille différences perçues comme secondaires. "Le type d'habitat, la façon de s'alimenter ou de faire l'amour, la couleur de la peau ou la croyance religieuse deviennent de petites différences, qui n'affectent en rien la croyance en l'universalité de l'Homme. Ces différences pourront être acceptées sans entraîner une catégorisation, une essentialisation: le fait d'être catholique pratiquant, juif, noir, homosexuel, communiste ou amateur d'escargot n'empêche pas que l'on soit d'abord et avant tout un homme. Même les femmes sont des hommes (universels)..." 

Dans le contexte anglo-saxon ou germanique, le mot "différence" renvoie à une essence ; dans le contexte français, il évoque le plus souvent, consciemment ou inconsciemment une caractéristique perçue comme secondaire. 

Lorsque Hitler évoque "l'envahissement par les nègres" de la France et "la naissance d'un Etat africain sur le sol de l'Europe" (Mein Kampf,), il montre à la fois l'incompréhension germanique de notre modèle et sa haine de l'universalisme français, qui (heureusement) nie l'importance de la couleur de la peau. La France n'est pas et ne peut pas être un pays raciste, son modèle anthropologique comme son Histoire démontrent l'inverse. Cela ne signifie pas que le racisme ou la xénophobie en soient totalement absents, eux-mêmes nourris par un antiracisme excessif dans ses méthodes, dans un contexte de chômage de masse et de tensions ethnico-religieuses. 

Mais la différence de couleur de peau ou de religion, perçues chez nous comme des caractéristiques secondaires (croyance en l'unité du genre humain), ne sont absolument pas en elles-mêmes des obstacles à une intégration réussie à la société Française. En revanche, la France peut difficilement assimiler des populations dont le modèle anthropolgique est incompatible avec le modèle français, c'est à dire des immigrés transportant avec eux un modèle familial et culturel trop éloigné du nôtre (caractérisé par l'endogamie et système patrilinéaire notamment) avec ses conséquences sur le niveau de culture, l'adaptabilité scolaire, professionnelle, sociale, la façon et l'intensité de la pratique religieuse quelle qu'elle soit. Il y a ainsi au moins deux types d'immigrations africaines en terme de capacités d'intégration (Maliens et Sénégalais sont à cet égard très différents des Africains du golfe de Guinée). 

L'indifférence des Français à la notion de race ou de religion n'empêche pas qu'ils perçoivent de façons différenciées les immigrés selon leurs origines géographiques et leur propre modèle anthropologique qui induit leur capacité d'assimilation. Ainsi un sondage de novembre 1992, révèle un taux de méfiance de 41% à l'égard des Maghrébins, 18% à l'égard des Asiatiques et 12% à l'égard des Antillais. 

CONCLUSION

Ainsi sévèrement remis en cause dans plusieurs de ses pays de prédilection, notamment la Grande-Bretagne et les Pays Bas, le modèle multiculturel s'avère particulièrement inadapté à la mentalité et à la société française. 
On peut en conclure qu'un projet présidentiel proposant d'aller plus loin dans la reconnaissance et la promotion des "communautés" aura difficilement l'aval des électeurs français. Ajoutons que dans une France où les capacités politiques de l'Etat se sont fortement réduites (déficits publics abyssaux et transfert des pouvoirs vers l'UE), où le climat social est perpétuellement tendu, la francophobie latente et où débute maintenant une guérilla civile ethnique, on voit mal comment un projet d'organisation communautaire de la société française nous précipiterait ailleurs que dans le chaos. 

Christophe Beaudouin
L'Observatoire de l'Europe