Source: observatoiredeleurope.com
Pays-Bas, Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne, chacun à leur manière, servent de référence aux adeptes du multiculturalisme pour tenter de démontrer que le "creuset républicain" à la Française est devenu "inopérant" ou "périmé" et qu'il faut importer "ce qui marche ailleurs", au besoin en l'adaptant. L'occasion nous est ainsi donnée de présenter une étude comparative du multiculturalisme dans ces pays dits "modèles" et de rappeler ce qu'il en est en réalité de "l'efficience" de ce système, aujourd'hui fortement remis en cause dans ses sociétés de prédilection et dénoncé pour ses effets pervers : montée des racismes et de la xénophobie, surdélinquance et surchômage immigrés, installation du fondamentalisme islamique.(I)
Le syncrétisme culturel comme remède à l'ethnocentrisme |
Nous verrons ensuite comment la psychologie française (universaliste) refuse a priori toute organisation raciale et communautaire de la société, précisément parce qu'elle accepte les mille "petites différences" de l'autre (couleur de la peau, religion etc) perçues comme secondaires. L'intégration (ou l'assimilation) à la société française apparaît en revanche impossible pour des étrangers dont la culture et/ou le mode de vie est incompatible avec celui de la nation (refus de la laïcité, endogamie, statut de la femme bas), la communauté nationale demeurant à cette échelle la seule communauté humaine légitime, parce que source de la décision commune (donc de toute démocratie), la plus protectrice des droits et libertés fondamentaux et héritière d'une longue Histoire d'assimilation de populations diverses ayant choisi d'épouser son destin. (II)
Nous nous appuyerons très largement sur les travaux de l'anthropologue Emmanuel Todd, dont l'approche originale permet de dépasser les idéologies et y voir plus clair sur les capacités de la société française à communautariser plutôt qu'à intégrer (tradition républicaine) des populations d'origine étrangère, débat qui est au coeur de la précampagne pour l'élection présidentielle de 2007.
1) Pays-Bas : le « drame multiculturel »
Sur 16 millions d'habitants, il y a 1,6 million d' « allochtones non-occidentaux », dont environ 1 million de musulmans. A Rotterdam, 13% des habitants sont musulmans. Avec le regroupement familial des années 1970, les Pays-Bas se sont investis dans une politique multiculturelle dynamique à partir de 1983.
Visant généreusement à « l'intégration » (différentialiste), cette politique conduira à une plus grande visibilité de la communauté musulmane en tant que telle et à l'avènement d'un Islam des Pays-Bas : permis de construire pour les mosquées, abondantes subventions des associations, des médias et des écoles musulmanes, consultation permanente des associations par les fonctionnaires et les responsables politiques, concerts multiculturels, discours du Ministre de l'intégration traduits en arabe, débats publics des autorités avec Tariq Ramadan ou avec le Conseil européen de la Fatwa (émanation des Frères musulmans...) etc.
Pourtant, ce modèle n'a pas empêché d'un côté les discriminations, le racisme, les ghettos, la surdélinquance et le surchômage des enfants d'immigrés ; de l'autre, la montée en puissance de l'intégrisme islamique. On se souvient du cinéaste provocateur Théo Van Gogh poignardé par un islamiste en pleine rue à Amsterdam le 2 novembre 2004, ou celui du leader populiste homosexuel Pim Fortuyn deux ans plus tôt. Rappelons aussi la liste noire des élus menacés de mort, qui ne dorment plus chez eux et viennent à l'Assemblée sous haute protection, comme la députée libérale d'origine somalienne Ayaan Hirsi Ali (co-auteur du film de Van Gogh) excisée à 5 ans, ayant fui pour échapper au mariage arrangé avec son cousin, et aujourd'hui engagée contre les violences faites aux femmes musulmanes.
La culture différentialiste, avec de généreuses intentions, aura conduit à la radicalisation des Néerlandais d'une part, des jeunes musulmans d'autre part. Le député Bolkestein estimait déjà en 1991 que les normes et valeurs de l'islam seraient « incompatibles » avec celles de la société néerlandaise, qui sont celles de la tolérance, du libéralisme et de l'émancipation. Les libéraux de droite tancent donc la gauche d' « angélisme » à l'égard des immigrés et évoquent "l'islamisme rampant".
En janvier 2000, c'est un journaliste travailliste réputé, Paul Scheffer, phare de la pensée sociale-démocrate Néerlandaise, a signé une tribune retentissante : « Le drame multiculturel » où il dénonce l'attentisme des pouvoirs publics face à la surreprésentation des jeunes issus de l'immigration dans les statistiques du chômage, la formation d'une « sous-classe » non intégrée, le non respect par trop de musulmans de la séparation Eglise/Etat, des femmes et des homosexuels.
Scheffer estime que le modèle d'intégration néerlandais est un échec car il permet trop aux immigrés de s'enfermer dans leur culture d'origine et de ne pas assimiler les valeurs néerlandaises. « Nous vivons aux Pays-Bas les uns à côtés des autres, sans nous rencontrer : chacun a son propre café, sa propre école, ses propres idoles, sa propre musique, sa propre foi, son propre boucher, et bientôt sa propre rue ou son propre quartier. » L'image paisible de la Hollande, du « modèle polder », royaume de la tolérance et de la concertation sociale, semble avoir vécu.
2) Allemagne : « l’islamisation des Turcs »
L'assimilation des étrangers en Allemagne a mis de côté les Turcs, objet d'une ségrégation qui rappelle celle des noirs aux Etats-Unis. Ils représentent à eux seuls 33% de la population étrangère en Allemagne. La culture turque d'origine, très éloignée de la culture arabo-musulmane, n'était a priori pas incompatible avec une parfaite assimilation à la société allemande. Leur comportement démographique à leur arrivée entre 1960 et 1985 démontre en tous cas qu'ils étaient prêts à toutes les adaptations. Malheureusement, de tradition familiale endogame (mariages entre cousins etc.), les turcs ont été maintenus à l'écart par la société d'accueil avec un code de la nationalité longtemps basé sur le seul droit du sang et surtout le différentialisme allemand qui se fixe sur la religion musulmane, désignant le Turc comme différent du fait de l'islam et le maintenant dans une endogamie communautaire et religieuse.
Si en France (système universaliste), les jeunes femmes d'origine maghrébine ont une aptitude particulière à entrer dans la culture occidentale, le pays d'accueil incitant les plus réticentes (interdiction du foulard), en Allemagne au contraire (différentialiste), la culture du pays d'accueil incite à la différence et donc les familles turques à enfermer leurs filles dans leur culture d'origine. Cet enfermement communautaire des Turcs d'Allemagne pour des raisons essentiellement religieuses conduit à faire de l'islam l'identité particulière de cette population étrangère et à ce qu'Emmanuel Todd désigne comme une véritable «islamisation des Turcs par l'Allemagne ».
Depuis les années 1990, avec la réunification et l'arrivée des « Allemands ethniques », l'augmentation du nombre de demandeurs d'asile, la tensions augmentent. Les valeurs d'autorité et d'inégalité qui caractérisent le système anthropologique allemand conduit à une tension entre homogénéité et obsession de la différence. D'où la multiplication des réactions violentes, principalement à l'égard des Turcs, «groupe paria » qui a raté son intégration.
3) Etats-Unis : la couleur de la peau « indépassable »
Les gouvernements américains successifs et la Cour suprême ont déployé pendant trente ans des efforts considérables pour mettre fin à la ségrégation des noirs dans les industries militaires, l'administration d'Etat, les transports en commun, l'accès à l'éducation, à la citoyenneté et à la politique. L'alphabétisation des Noirs passe ainsi de 12% en 1940 à 82% en 1990, et plusieurs villes élisent des Maires noirs.
Pourtant, l'obsession ségrégationniste à l'égard des Noirs reste indépassable. Alors que le mode de vie américain est en réalité très homogène, la mentalité différentialiste, fixée sur la couleur de la peau, apparaît incapable d'en finir avec les ghettos, avec la ségrégation scolaire et l'endogamie raciale. Si consciemment, l'opinion publique se dit résolument antiségrégationniste, l'inconscient de l'américain "blanc" ne croit pas en l'égalité des hommes et en l'unité du genre humain. Mariage, voisinage, école : dans ses relations individuelles, l'américain "blanc" ne peut s'empêcher de suivre une stratégie sociale d'évitement de l'américain "noir", fût il éduqué et aisé.
Cette ségrégation persistante combinée au rattrapage culturel conduit à une désorganisation du tissus familial noir. "Hommes définis comme non humains par la société qui les domine, les Noirs cessent de se comporter en époux et pères." Cette destruction familiale est à l'origine, parmi la population noire, de nombreux comportements d'autodestruction (suicide, toxicomanie) et d'agression (criminalité surélevée). Les multiculturalistes s'attachent à différencier Blancs, Noirs, Hommes, Femmes, Homosexuels, Hétérosexuels...
Mais le "patchwork" d'une société américaine tolérante et vivant dans la fraternité multiculturelle est une illusion d'optique. En observant les relations humaines élémentaires que sont le voisinage, l'éducation et le mariage, il n'existe plus que deux groupes : les Blancs et les Noirs. Selon Todd, les valeurs de liberté/non-égalité qui structurent la mentalité américaine depuis l'origine, empêchent cette société de considérer que les Noirs sont des hommes comme les autres.
Cette ségrégation persistante combinée au rattrapage culturel conduit à une désorganisation du tissus familial noir. "Hommes définis comme non humains par la société qui les domine, les Noirs cessent de se comporter en époux et pères." (p.90) Cette destruction familiale est à l'origine au sein de la population noire de nombreux comportements d'autodestruction (suicide, toxicomanie) et d'agression (criminalité surélevée).
Les multiculturalistes s'attachent à différencier Blancs, Noirs, Hommes, Femmes, Homosexuels, Hétérosexuels... Mais le "patchwork" d'une société américaine tolérante et vivant dans la fraternité multiculturelle est une illusion d'optique. En observant les relations humaines élémentaires que sont le voisinage, l'éducation et le mariage, il n'existe plus que deux groupes : les Blancs et les Noirs.
Les valeurs de liberté/non-égalité qui structurent la mentalité américaine depuis l'origine, empêchent cette société de considérer que les Noirs sont les hommes comme les autres.
4) Royaume Uni : « pôle du fondamentalisme »
A la Libération, beaucoup d'Anglais avaient été choqués de constater la ségrégation raciale au sein des troupes américaines qui débarquaient. Modèle de tolérance sur les questions ethniques, l'Angleterre fut capable de se dresser sur la route d'Hitler et plus tard de réaliser de manière relativement paisible sa décolonisation.
Néanmoins, en se fixant elle aussi en priorité sur la couleur de la peau, la population anglaise ne perçoit pas les différences culturelles réelles qui la distinguent des communautés immigrées. Ainsi les Jamaïcains, qui constituent la majorité des immigrés noirs, de langue anglaise et Chrétiens, sont les plus proches culturellement des anglais mais les plus éloignés physiquement.
Au contraire, les Sikhs et les Pakistanais, sont plus lointains sur le plan des traditions familiales (endogamie, statut de la femme bas) et religieuses (musulmans ou hindouiste) mais moins éloignés physiquement des anglais que les noirs. Or, ce sont les noirs qui sont désignés comme "immigrés à problèmes typiques". "Rien n'est en effet plus angoissant pour une population d'accueil différentialiste qu'un groupe immigré très différent par l'apparence physique mais très proche par les moeurs, parce que son existence semble contredire la certitude métaphysique a priori d'une diversité cohérente des essences humaines." conclut Todd.
Pourtant, ce ne sont pas les noirs qui poseraient objectivement problème au Royaume-Uni, mais le développement d'un islam fondamentaliste. Les Pakistanais d'Angleterre sont musulmans sunnites et pour beaucoup originaire du Mirpur, de tradition familiale patrilinéaire et endogame. Bradford est devenue leur "capitale", celle de l'islam britannique. Lors de la fatwa proclamée par Khomeyni contre Salman Rushdie, l'auteur des "Versets sataniques", une foule de manifestants Pakistanais brandissaient des portraits de Khomeiny... manifestations de haine anti-occidentale que l'on a retrouvée encore à Londres au moment de l'affaire des caricatures de Mahommet.
En raison du climat différentialiste propre aux pays anglo-saxons, "l'Angleterre n'apparaît pas comme le lieu de conservation de l'islam, mais comme un petit pôle du fondamentalisme." Comme au Pays-Bas et aux Etats-Unis, depuis quelques années, d'importantes voix s'élèvent au Royaume-Uni contre le système multiculturel.
Ainsi, dans "Pauvreté du Multiculturalisme", le sociologue Patrick West distingue la nécessaire tolérance à l'égard des coutumes des minorités vivant en Grande-Bretagne, du "hard multiculturalism" qui demande à la société britannique de promouvoir les cultures différentes. Il rappelle que cela conduit certains intellectuels soi-disant "progressistes" à défendre des cultures qui invitent au massacre des homosexuels, à la soumission de la femme (voile, polygamie, excision) et au rejet des cultures occidentales.