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Christianisme - Inde:Le christianisme séduit en s’imprégnant des couleurs locales.

L’hindouisme s’invite dans les églises

Pour favoriser l’évangélisation, de nombreuses paroisses ont adapté leur architecture, iconographie et rituel, en les assimilant aux traditions locales.

Après avoir scellé le mariage de Rebecca Sarkar et Alan Felix, à l’église du Sacré-Cœur, de la ville de Bardhaman, au Bengale occidental, dans l’est du pays, le père Sebastian Rodrigues n’invite pas les nouveaux époux à s’embrasser mais à échanger des guirlandes. Alan passe un mangalsutra (collier de mariage hindou) autour du cou de sa femme et lui applique le sindoor (poudre vermillon, marque du mariage dans l’hindouisme) sur le front.

« Nous avons repris beaucoup de symboles locaux et de rituels pratiqués par les hindous ou les adivasis (aborigènes d’Inde) – nombre de membres de notre congrégation sont issus de ces communautés », confie le père Sebastian. Les vitraux de l’église du Sacré-Cœur, construite en 1870 et rénovée il y a deux ans, illustrent les mystères du rosaire, mais tous les personnages y sont vêtus à l’indienne et ont des traits indiens. Dans la nef, n’y a pas de bancs, les fidèles s’accroupissent sur le sol. L’extérieur du bâtiment présente des éléments que l’on trouve sur les façades des temples hindous et dans l’architecture moghole. L’église du Sacré-Cœur de Bardhaman n’est pas unique en son genre. De plus en plus d’églises indiennes affichent fièrement des éléments de la culture locale.

L’architecture des nouvelles églises s’éloigne notablement de l’ancien style européen. La cathédrale de Kohima, dans le Nagaland (nord-est du pays), est une merveille qui ressemble à une maison naga traditionnelle. Un séminaire de Shillong, dans le Meghalaya, possède une grande fresque qui montre un Jésus aux traits autochtones entouré d’hommes et de femmes vêtus de tenues traditionnelles khasi et garo (deux tribus qui peuplent cette région).

Tout cela s’inscrit dans le cadre du programme d’acculturation décidé par le concile Vatican II, en 1965, et relancé sur décision de la 34 e Congrégation générale des Jésuites, réunie au Vatican en 1995. L’acculturation est l’un des aspects fondamentaux de la mission d’évangélisation de l’Eglise. « Le christianisme était jadis assimilé aux traditions et aux styles européens mais tout cela a changé au cours des dernières années », indique le père Babu Joseph, porte-parole de la Conférence des évêques catholiques d’Inde.

En partenariat avec les fidèles

Pour mettre en place un projet d’acculturation, on consulte les fidèles, on étudie les coutumes locales pour décider quels objets et quelles pratiques peuvent être modifiés ou adaptés. Subrata Ganguly joue ici un rôle important. Bien qu’il soit hindou de confession, c’est lui qui conçoit et réalise tous les projets en association avec le diocèse. Il a travaillé avec plus de cent diocèses catholiques indiens et monté des projets dans plusieurs centaines d’églises.

Un hindou pratiquant, brahmane de surcroît, qui convainc des catholiques de la nécessité de donner un aspect indien à Jésus ou Marie, voilà qui est atypique ! « Il n’y a pas de contradiction entre mes convictions religieuses et le travail que je fais pour l’Eglise catholique, déclare sobrement Subrata Ganguly. Je fais la puja (prière) tous les jours chez moi et je suis un disciple de Baba Lokenath (saint hindou bengali qui compte des millions d’adeptes). J’ai lu beaucoup de textes religieux hindous, mais aussi pas mal de théologie chrétienne. Ces deux religions prêchent l’amour, l’humanité, la compassion, la charité… il n’y a donc pas de conflit d’intérêts. »

Dans les deux ateliers de Subrata Ganguly, une cinquantaine d’ouvriers – musulmans, hindous, jaïns, bouddhistes, et quelques chrétiens – travaillent d’arrache-pied sur des statues, des fresques, des vitraux et autres objets pour les églises de toute l’Inde et même d’autres pays. Le studio porte le nom de Church Arts mais la société qui en est propriétaire se nomme Lokenath Engineering, voilà qui résume bien l’affaire.
Jaideep Mazumdar extrait du journal Open, New Delhi