PALERME — Le pape Benoît XVI a appelé la Sicile à "ne pas céder aux tentations de la mafia", un "chemin de mort, incompatible" avec les valeurs de l'Eglise, dimanche à Palerme, une prise de position particulièrement appréciée par les militants de la lutte contre Cosa Nostra.
"Ne cédez pas aux tentations de la mafia, qui est un chemin de mort, incompatible avec l'Evangile", a lancé le pape, très applaudi, lors d'une rencontre avec les jeunes, dernier rendez-vous de sa première visite sur l'île gangrenée par la criminalité.
"N'ayez pas peur de vous opposer au mal! Ensemble vous serez comme une forêt qui croît", capables de "renouveler profondément votre terre", a également lancé le pape.
20.000 jeunes, dont 6.000 scouts, étaient présents à cet événement organisé sur une des places principales de la capitale sicilienne, selon les organisateurs.
Le père Toni Dell'Olio, un des responsables de la plus grosse association italienne de lutte contre la mafia, Libera, qui avait souhaité jeudi "une parole forte (du pape) contre la mafia ici, en Sicile", s'est félicité de ces propos: "C'est exactement ce qu'on attendait, une affirmation claire que mafia et christianisme sont incompatibles".
Interrogé par l'AFP, il a souhaité que le clergé "mette en pratique ces paroles du pape", relevant que les prêtres se rendent parfois coupables de compromis ambigus comme le montre l'exemple extrême d'un prêtre qui célébrait la messe dans la cache d'un chef mafieux recherché.
Benoît XVI a accompagné ses paroles contre la mafia d'un geste non prévu au programme: juste avant de quitter l'île, sur le chemin de l'aéroport, il s'est arrêté pour déposer une gerbe au monument érigé à la mémoire du juge Giovanni Falcone, tué par Cosa Nostra en mai 1992.
Dans ses interventions, il a également plusieurs fois fait référence au père Pino Puglisi, un prêtre qui travaillait dans un quartier difficile de la ville et a été tué en 1993 par Cosa Nostra, la mafia sicilienne, et dont la béatification est vivement souhaitée sur l'île.
Dans la matinée, lors d'une messe célébrée en plein air, sous un soleil radieux sur une vaste esplanade face à la mer, le pape avait été plus allusif dans sa dénonciation de la mafia.
"On doit avoir honte du mal, de ce qui offense Dieu et l'homme, on doit avoir honte du mal qui blesse la communauté civile et religieuse avec des actions qui n'aiment pas être mises en lumière", avait-il dit devant 200.000 personnes, un chiffre donné par le Vatican citant la police.
Face à toutes les difficultés auxquelles est confrontée la population, "manque de travail", "incertitude vis à vis du futur", "souffrance physique et morale" et "criminalité organisée" - l'expression utilisée pour qualifier la mafia en Italie - Benoît XVI avait appelé les Siciliens à garder la foi qui "rend possibles les choses humainement impossibles".
Arrivé en début de matinée, le pape avait traversé en papamobile une bonne partie de la ville, décorée d'affiches affirmant: "Palerme salue le pape" et de drapeaux jaunes et blancs aux couleurs du Vatican, salué par les personnes assemblées sur le parcours.
Des habitants avaient mis leurs propres bannières vaticanes sur leurs balcons mais, mises à part les restrictions de circulation et la présence fortement visible des forces de sécurité, la capitale sicilienne ne semblait pas en effervescence pour cette visite.
Benoît XVI avait déjà dénoncé à Naples, en octobre 2007, la camorra, la mafia napolitaine. Evoquant "le nombre consternant des crimes de la camorra", il avait déploré que "la violence (tende) à devenir une mentalité diffuse qui s'insinue dans la trame de la société".