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«Un christianisme plus traditionnel»

Questions à Philippe Portier, Professeur de sciences politiques à l'Ecole pratique des hautes études. Auteur de «Pluralisme religieux et citoyenneté» (Presses universitaires de Rennes)

Comment expliquer que Jean Paul II, cinq ans après sa mort, reste aussi populaire ?

Un sondage, au moment de sa mort situait le taux de satisfaction vis-à-vis de son action à 80 % de la population française... C'est qu'il est associé à la chute du Communisme, aux Droits de l'homme. Il a ensuite tenu un discours critique sur les questions sociales, la mondialisation financière. Enfin il a été, à partir de 1995-1996, un pape souffrant, partageant la condition humaine dans ce qu'elle a de plus dur.

Benoît XVI est-il dans la continuité ?

C'est évident sur le terrain de la doctrine : pour tous les deux, la société moderne, marquée par son relativisme, conduit à la violence et à l'injustice ; et seule la loi de Dieu peut permettre aux hommes de retrouver la justice.

Et les différences ?

Benoît XVI manifeste plus de mépris, moins d'espérance pour le monde d'aujourd'hui. Autre différence : Jean Paul II souhaitait remettre en mouvement et en reconquête l'ensemble des catholiques, alors que Benoît XVI, considérant que le monde chrétien est trop minoritaire, préfère créer des foyers exemplaires qui aideront plus tard, si la providence le veut, à transformer le monde.

Différences de style aussi…

Les parcours sont très différents. Jean Paul II, de 11 ans à son entrée au séminaire à 22 ans, a été acteur dans une troupe de théâtre. Il en a gardé l'idée que le message passe bien s'il est incarné par un corps. Cela marque tous les rituels qu'il a instaurés, les messes rock, l'ouverture à la liturgie africaine, les très nombreux voyages... Au contraire, Benoît XVI reste très Préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, attaché à un discours théologique admettant très peu de variations, de syncrétisme avec d'autres traditions. C'est un christianisme plus épuré, plus traditionnel, et lié à des positions plus affirmées sur la nécessité d'un retour à la tradition à l'intérieur de l'Eglise catholique, comme on le voit avec la messe dite « traditionnelle » et ceux qui la défendent.

Les styles changent, mais le déclin de l'Eglise continue, inéluctable ?

Il est vrai qu'il ne reste plus que 8 % de Français catholiques pratiquants réguliers, très loin des 30 % et plus des années 1950. Mais il y a des éléments, non pas de reconquête, mais de résistance. Les Français sont encore 60 % à se dire « catholiques ». Ensuite, 8 % de Français à la messe, cela fait autour de trois millions de personnes, ce que très peu d'organisations sont capables d'atteindre. Enfin, l'Eglise est de plus en plus associée à la vie publique et politique, par exemple dans les domaines de l'éducation ou la lutte contre la pauvreté. Alors les choses ne vont pas bien, on n'est plus dans la situation des années 50, mais elles ne sont pas aussi catastrophiques qu'on le dit parfois.

Quelles conséquences peuvent avoir les scandales sur les actes de pédophilie des prêtres ?

Elles ne peuvent être que très négatives pour l'Eglise. On le voit encore peu en France, qui a été jusqu'à maintenant moins concernée que d'autres pays. Mais on le vérifie déjà sur les Eglises des Etats-Unis et d'Irlande, qui rencontrent des problèmes financiers avec les demandes d'indemnisation des victimes, et des problèmes de fuite d'une part de la population jusqu'alors très attachée à l'Eglise, mais qui n'admettent pas qu'elle trahisse ses valeurs. Tout le discours de l'Eglise est fondé sur la cohérence entre la pensée et les actes, et le scandale de la pédophilie montre une Eglise qui trahit cette exigence en couvrant les coupables. On sent bien l'effet catastrophique que cela peut avoir sur l'opinion.

Recueilli par Francis Brochet