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Religion et éthique - Les ravages de la religion

Source: Agoravox
Wikileaks n’a pas fini de faire trembler les puissants. Et les menteurs également, ceux qui trompent tous les jours leur monde. Parmi ceux-ci figurent bien sûr des hommes d’Etat, mais aussi des hommes de religion, et parfois les deux à la fois, certains Etats ayant établi la prééminence de leurs leaders sur des bases religieuses. Les Emirats sont, dans ce sens, les victimes privilégiées de Wikileaks, qui a montré en effet leur incroyable duplicité. Depuis que Dubaï s’est effondré comme un château de cartes, on s’est aperçu (enfin) qu’il reposait véritablement sur du sable, et sur aussi pas mal de mensonges. En Arabie Saoudite, idem : la société présente deux côtés radicalement opposés : d’une part une jeunesse avide de vivre au XXIeme siècle, de l’autre un pouvoir tentant de la juguler avec des lois d’un autre âge. L’implosion est proche, tant cette disparité entre nouveauté et réaction devient flagrante. Le creuset de ruptures sociales prochaines existe dans ces pays, et il est navrant de constater aujourd’hui que ce tour de vis réactionnaire est récent : dans les années 90, tout le monde s’attendait à un affaiblissement de ce genre de gouvernement, reposant sur une surdité totale face aux aspirations individuelles. C’est un dernier sursaut, sans nul doute. Place à la future débâcle de ces sociétés féodales hors du temps.
La duplicité et l'hypocrisie saoudienne exposée au grand jour, c'est aussi la révélation de Wikileaks qui confirme ce dont on se doutait déjà : "derrière la façade du conservatisme wahhabite dans la rue, la vie nocturne de la jeune élite de Jeddah est palpitante", indique un mémo américain de novembre 2009, précisant que « la gamme entière des tentations et des vices est disponible - alcool, drogue et sexe - mais strictement derrière des portes closes". Le détail nous arrive peu après... toujours en provenance des mêmes sources, ces diplomates US, effarés de constater la disparité flagrante entre les propos officiels et la vie réelle". Effarés, ces diplomates, ce qui peut surprendre, alors qu'ils sont originaires d'un pays où sévissent les mêmes mœurs et les mêmes catégories d'individus ? Comme cette sordide histoire de pasteur noir de "megachurch" à Atlanta... aussi attiré par les jeunots que les afghans par leurs "dancing boys", visiblement. Le pasteur Eddie Long se "tapait" en coulisse le jeune Jamal Parris, alors âgé de 14 ans en lui demandant de l'appeler "papa"... le pasteur roulait en voiture de sport et cotoyait les plus grands (... alcooliques pas anonymes ?). Le mauvais gag, c'est que le pasteur pervers était réputé pour ses discours anti-gays ! Une "médiation" plus loin, un paquet de dollars largué plus loin, et le problème était réglé : enfin, l'affaire est toujours en cours (et les tarifs en augmentation ?). En l'acceptant, le pasteur reconnaissait d'une certaine façon sa conduite déplorable, mais évitait d'une certaine façon le procès dévastateur pour son image, où auraient été montrés pour sûr les détails les plus croustillants ou les plus graveleux. Le pasteur Long, ironie du sort, avait en un premier temps fait le même discours que Clinton niant devant les caméras ses relations avec Monica Lewinsky. Ses photos du montrant ses biceps était plutôt risibles qu'autre chose au pays du néant, où hélas le ridicule ne tue plus depuis longtemps.
La société saoudienne, elle, enfermée dans un carcan religieux d'un autre âge, n'est guère plus reluisante ou moins hypocrite, et fabrique chaque jour de la même façon ses déviants à son système féodal infernal et invivable. L'alcool et sa prohibition (et le châtiment lié à cette prohibition, auquel ont eu droit des touristes de passage pas au courant des mœurs locales) sont un des fléaux, selon le pouvoir en place, le sexe en est un autre : résultat, on sombre dans l'affligeant d'un pays jeune géré par des règles de vie à peine dignes du bas Moyen-Age. Avec comme exemples effarants un couple de touristes anglais (Ayman Najafi et Charlotte Adams), emprisonné pour s'être embrassé sur une plage de Dubaï (et avait même perdu en appel son procès !) ou le cas horrible de ce jeune français de 15 ans violé en plein désert alors qu'un des trois assaillants saoudiens âgé de 36 ans se révélera positif au virus du Sida. Ses parents, on les comprend, lanceront en représailles le site boycottdubai.com, soutenu, il faut le reconnaître, par l'Elysée, Sarkozy et Guéant en tête.
Les exemples de l'inadéquation totale des lois du pays à un monde moderne abondent. L'homosexualité, prohibée religieusement, est le cas le plus évident. Alors, certains, parmi les plus riches, bien entendu (par principe, monarchique, ils ont tous les droits !) transgressent, le plus souvent loin de leur pays d'origine. Un émir vient ainsi d'être emprisonné à vie pour meurtre en Angleterre. Dans une inquiétante vidéo mise en ligne, on assistait au massacre à coups de poing et de pied de son amant-esclave sexuel dans une cabine d'ascenseur. Le meurtrier, Saud Abdulaziz bin Nasser al Saud était le "petit-fils par sa mère du roi Abdallah". L'homme, Bandar Abdulaziz, sera retrouvé mordu (?) et battu à mort dans le cinq étoiles (au Landmark Hotel) où ils étaient descendus tous deux et où l'émir distribuait les pourboires par rouleaux de billets (50 livres à chaque fois !), à condition que personne ne parle, bien sûr : l'argent permet tout, dit-on. Durant tout le procès, le prince saoudien a tenté de nier sa relation homosexuelle, interdite par sa religion : « Nous avions demandé un autre lit mais cela n'a pas été possible », s'est expliqué le prince après son arrestation, rapporte le Telegraph. « Nous n'avons pas utilisé le sofa parce que nous voyagions avec Bandar en égaux depuis le début. Je ne voulais pas qu'il se sente différent de moi parce qu'il dormait sur le sofa. » Une défense sérieusement entamée par les photos du serviteur nu retrouvés sur son téléphone portable..." commente ironiquement Le Telegraph. "La veille, les deux hommes avaient par ailleurs partagé le repas de la Saint-Valentin dans un restaurant italien. Deux escorts boys ont enfin témoigné avoir eu des relations sexuelles avec le prince quelques jours avant la mort de Bandar", selon la BBC. "Les éléments établissent de manière tout à fait concluante qu'il est homosexuel ou qu'il a des tendances homosexuelles », concluait ainsi le procureur". Bref, l'émir était homo, ce qui dans son propre pays était... interdit. D'où ses frasques ailleurs, à l'abri des regards... de sa propre population.
Evidemment, le meurtre avait eu lieu sous l'emprise de l'alcool et de la drogue, amenée dans les bagages. Mais c'est un des rares émirs à avoir été arrêté et condamné... car le Sheik Fallah bin Zayed bin Sultan Al Nahyan, deuxième personnage du royaume, lui, est passé au travers du filet de la justice suisse, en ayant tenté de séduire puis de violemment frapper à coups de ceinturon le businessman Silvano Orsi. Cette affaire trouble n'étant pas le seul cas d'homosexualité refoulée à Dubaï. Et bien entendu, il reste la drogue. Ah, la drogue : vieille pratique des nantis du désert, avec le kif, devenu cocaîne, comme quoi cette société sait aussi s'adapter quand elle le veut. Une coke qui circule par valises entières, y compris diplomatiques, et même par Boeings parfois ; ceux de ces fameux émirs, qui, à la place d'un "jet" de 12 places s'offrent des Airbus 380 (celui du Prince Mohamed Bin Issa Al Jaber) comme certains s'achètent une Clio (Renault avait joué avec ce paradoxe à la sortie de la voiture, si je me souviens bien). J'ai expliqué ailleurs le cas de l'avion bourré de coke de l'émir Nayif bin Fawwaz al-Shaalan al-Saud, qui a valu à son propriétaire une condamnation effective en France, lui interdisant désormais de poser le pied dans le pays.
Il y a quelques semaines, les policiers français de l'antidrogue réalisaient leur plus belle prise : c'était à Neuilly, chez une princesse émiratie. Du genre peut-être de celles qui ont parfois la main lourde avec le petit personnel, comme la princesse Raouada vivant à Bruxelles à l'hôtel Conrad. La presse belge parle ainsi de l'affaire : "Le calvaire dans un cinq-étoiles". Idem aux USA. A Neuilly il y en a pour 110 kilos de cocaïne, ce qui peut difficilement passer pour de la consommation personnelle (avec ça, Delarue tient plusieurs années quand même). On est bien en face d'un réseau "destiné à alimenter le marché parisien". Très vite, sur les médias, dont ici TF1 ; on affirmera que l'appartement "était en travaux et les princes et princesses absents". La presse ne reprenant pas la même théorie. Europe 1faisant comme TF1 en affirmant que "l'appartement appartient à une famille du Moyen-Orient qui a été "mise hors de cause" dans cette affaire, a assuré le directeur de la police judiciaire de Paris". On comprend mieux pourquoi ces dénégations en regardant certaines photos. Ce n'est pas toujours le moment de révéler certaines affaires louche, tout simplement. Alors, dans l'attente d'un contrat mirobolant, on se tait.
Car ces princes savent aussi se montrer plus que violents avec leurs serviteurs, où avec des personnes qui avec qui ils avaient pu être en relation commerciale. Chez eux, ça se règle semble-t-il aussi à coups de ceinturon. L'épisode dantesque de cette fureur possible a fait le tour de la planète en janvier de cette année lorsque quelqu'un a mis en ligne la vidéo du prince rouant de coups et finissant par passer dessus avec sa voiture un homme qui l'aurait trompé, selon lui, un homme appelé Mohammed Shah Poor, un marchand de grain, et qui lui devait 5 000 dollars, paraît-il. Effarante séquence où le prince déchaîné fait tenir celui avec qui il veut régler ses comptes par son propre service d'ordre qui assiste à la scène, mais aussi avec un homme en uniforme de la police de présent ! Une police toute dévolue au seul émir ! Or l'homme qui frappait ainsi n'était autre que le Sheikh Issa bin Zayed al Nahayan ; le propre fils de l'ancien Président des Emirats, et le demi-frère de Mansour bin Zayed Al Nahyan, lui-même frère de Khalifa bin Zayed Al Nahyan et le frère également du prince d'Abou Dhabi, Mohammed bin Zayed Al Nahyan  (ici salué par le fondateur du Cohen Group) ! La séquence de tortures, car c'est bien le nom (l'homme a été frappé avec une plancher muni de clous, et a été sodomisé avec un morceau de bois) durait 45 minutes ! On découvrira plus tard que c'était sa 25 eme attaque sur des personnes, au sheikk déchaîné !
Sans oublier l'exploitation des enfants dans ce sinistre tableau : en pleine débâcle financière, le Sheikh favori des hippodromes anglais ou français (ceux qu'affectionne Eric Woerth) se faisait tacler sur l'emploi d'enfants jockeys sur ces chameaux : "La justice américaine a ouvert mercredi une procédure contre l'émir de Dubaï et son frère, les accusant d'avoir réduit en esclavage quelque 30 000 enfants ces 30 dernières années, afin de les utiliser comme jockeys dans des courses de chameaux, selon des avocats. L'acte d'accusation, qui se fonde sur les lois internationales interdisant l'esclavage et le travail des enfants, met en cause l'émir de Dubaï et vice-président des Emirats Arabes Unis, Cheikh Mohammad ben Rached Al-Maktoum, son frère Cheikh Hamdan ben Rached Al-Maktoum, ainsi que d'autres responsables." Ce qui n'empêchait pas ce dernier d'arpenter quelques semaines plus tard sa dernière acquisition. La précédente étant celle-ci. Quand aux projets immobiliers délirants, ils sont désormais partis aux oubliettes de l'histoire des projets prétentieux. Le 14 décembre 2006 la société Nakheel Development Limited avait émis le plus grand emprunt obligataire islamique jamais fait pour bâtir ce projet pharaonique, façon Madoff : trois ans après tout s'effondrait, et la gigantesque tour  de 828 m de haut, à peine bâtie, voyait ses ascenseurs se gripper : tout un symbole, décidément... on retrouvait récemment sur la seule île construite le frère de Massoud, l'homme qui sort d'Agfhanistan avec des valises pleines de millions de dollars... 52 millions, en billets.
Quid donc de ses émirs et de leur duplicité fondamentale ou de leur violence cachée ? Un livre passionnant, que je vous recommande, a fait le tour de la question et sa conclusion est assez étonnante : selon cet ouvrage passionnant signé Gilles Kepel "Jihad, expansion et déclin de l'Islamisme", le wahhabisme, dérivé saoudien de l'islam se mourrait littéralement en fait dans les années 80-90 : l'évolution des mœurs était en marche, inéluctable, dans la population, et seule une frange de fêlés de la religion s'accrochait à de vieilles valeurs, ou tentait d'en exhumer face à la "dépravation" annoncée. En réalité, comme au Moyen-Age, les responsables du pays avaient bien compris cette inéluctable évolution et l'usage qu'ils pouvaient faire de la religion afin d'asseoir un pouvoir de type absolu, prétendu de droit divin.
Dans l'histoire des temps, ça a toujours été le meilleur rempart contre les révoltes... qui pouvaient toujours se transformer en révolution : il suffisait d'une révolte des ventres affamés plus forte que les précédentes : des pays du Maghreb ont connu au XXe siècle des révoltes du pain dans des pays non féodaux qui ont fait vaciller le pouvoir (en Egypte et en Algérie, notamment). Tant que l'on ne coupera pas la tête d'un roi de France, on croira qu'il a le sang bleu, et qu'il est une sorte d'extraterrestre vivant parmi les humains et était donc... intouchable. Les émirs saoudiens le savent bien, mais ils ont choisi la solution de facilité, celles de lois hyper-strictes associées à une répression féroce afin d'asseoir leur autorité du temps de leur vivant (rien n'est prévu à long terme comme évolution de société : c'est un système clos et figé, s'il y a bien un parlement, il est croupion). Ce sont des Louis XVI en gandoura, en quelque sorte. Ça tiendra bien chez eux encore une ou deux générations : en France ça a tenu au minimum huit siècles ! Les habitants du pays ne sont pas des êtres humains à part entière, mais des serfs ; "taillables et corvéables à merci". Leurs travailleurs sont leurs esclaves. On n'a pas rêvé meilleure dictature : elle est de droit divin.
Ce que ne décrit hélas pas le livre paru en 2000 c'est l'évolution récente de cet extrémisme religieux, au départ portion infinitésimale dans le pays, qui s'est en fait renforcé ses dernières années, au même moment où le pouvoir absolu se renforçait : car les deux vont de pair, cela va de soi. Cela donne une sorte de Louis XVI doté de moyens technologiques comme les caméras de surveillance ; installée dans une société hypersurveillée, via une police non contrôlée par un parlement mais au service du seul monarque, qui en use et abuse comme bon lui semble, et où la délation est récompensée : imaginez donc le désastre pour les plus démunis. Parfois, ça conduit certains à des envies de meurtre du dirigeant du pays, comme ce fut le cas pour l'un des récents monarques, abattu au pistolet. Souvent, c'est par un des membres du cercle restreint autour du dictateur, et non lié à un mouvement d'opposition, bien incapable de s'organiser sous une telle répression. Il n'y a pas 35 ans que le roi Fayçal est mort. Le roi d’Arabie saoudite, assassiné au pistolet le 25 mars 1975, pendant une audience avec le ministre du pétrole du Koweït : l'assassin était son propre neveu. On mettra soigneusement en scène sa décapitation, afin de mater dans l'œuf toute velléité de recommencer. Il aura la tête tranchée au coup de deux essais d'un bourreau plutôt...maladroit.
Le roi Fahd, son successeur, disparu en 2005, se révélera pire que la légende de Louis XVI "Margaret Thatcher eut à son égard cette formule cruelle : « Il ne sait rien dire par lui-même. » Ceux qui l'ont approché ont tous remarqué son apathie, son peu de goût pour sa charge royale, sa difficulté à prendre des décisions. Son visage en rendait bien compte : il transpirait l'ennui". Fahd, un homme d'Etat ? Surtout pas : " Les documents, dont certains de la plus haute importance, s'entassent sur son bureau pendant des semaines. Quand il est fatigué de les voir, il appelle un de ses aides et lui demande de les prendre sans qu'il en ait lu un seul. Je n'ai jamais vu quelque chose comme ça, une totale absence d'intérêt pour quoique ce soit. » La seule chose qui a pu vraiment l'intéresser, à part les voitures moches, c'était les casinos, au point de perdre en en 1962 20 millions de deutschmarks à Monte-Carlo, en une seule soirée ! Résultat, sous son règne larvaire, il va laisser monter un extrémisme qui atteindra un paroxysme en 1979 avec la prise pendant 14 jours de la Mecque par des islamistes radicaux. Les 63 décapitations qui s'en suivront ne tariront pas la veine débutée : l'islamisme radical va dévorer ce pouvoir faible et s'imposer dans le pays, à contrecourant de l'évolution de la société et des mœurs. La faute aussi à un roi qui se fichait de son propre pays. Il l'aura fait pendant 13 ans (atteint d'une commotion cérébrale en 1995, qui le force à se retirer du pouvoir, il mourra dix ans après).
Ce que nous dit aussi ce livre, c'est ce n'est pas dû uniquement à un pouvoir faible : que chaque civilisation a été confrontée au même problème : juste avant de mûter, arrivée à un point d'inflexion des mœurs, notamment, elle voit resurgir de vieilles théories conservatrices, un peu comme une dernière apparition de ce qui sera bientôt révolu : lorsqu'en France le courageux député Lucien Neuwirth, soutenu par Simone Weil, réussit à imposer les lois sur l'avortement, au même moment une frange ultraconservatrice de l'église dirigée par Mr Lefebvre apparaît et renforce son discours. Et quarante ans après, un pape réactionnaire (c'est un pléonasme depuis les successeurs de Jean XXIII) remet la même idée sur le tapis, pour éviter d'avoir à admettre officiellement, qu'il a laissé propager le Sida en Afrique notamment, en interdisant l'usage du préservatif !
Comme le souligne dans sa critique Vincent Vier, pourtant, l'islam, historiquement, s'acheminait avant 2000 vers un islam modéré, et c'est bien ce que disait Kepel. "La thèse défendue par Kepel est la suivante : le développement de l’Islamisme correspondrait à une phase de tension liée au contexte socio-économique et politique des années 1970-80, mais sa faillite à la fin du siècle ouvrirait la voie au pluralisme et à la démocratie. Il convient ici d’explorer plus en avant cette argumentation afin de mieux l’analyser. D’une part, nous dit l’auteur, l’avènement d’une nouvelle ère (moindre pression démographique et exode rural ralenti ; mondialisation accélérant l’occidentalisation) créerait aujourd’hui des conditions moins favorables à l’Islamisme. D’autre part, l’expérience d’une phase de repli identitaire permettrait paradoxalement à ces sociétés, en réaction à ces excès, de s’approprier pluralisme et démocratie, notions jusqu’alors perçues comme d’importation occidentale. Kepel montre que, lasses des promesses non tenues et des violences, les populations rejettent effectivement autoritarisme politique et Islamisme, de plus en plus renvoyés dos à dos, et ressentent une profonde aspiration au pluralisme. L’inflexion du discours islamiste modéré, qui s’inspire désormais de principes hier encore honnis (notamment en matière de droits de l’homme) s’inscrirait dans ce contexte nouveau". Qu'est ce qui a bien pu gripper le processus inéluctable, sinon l'attentat du 11 Septembre, en définitive, et la mise en valeur dans des proportions effarantes d'un individu devenu le chantre d'une vision réactionnaire de l'islam née en Egypte, et n'ayant séduit jusqu'alors qu'un petit groupuscule de fanatiques ?
A partir de cette réflexion, une idée fondamentale apparaît en effet : n'aurait-on pas assisté à une coalition de fait entre un pouvoir wahhabite chancelant, fruit d'une hérésie religieuse selon certains, qui voyait la démocratie annoncée venir lui enlever sa place dans un délai de plus en plus bref, comme en Iran au seuil de l'an 2000 avec leurs mollahs chiites, et un autre pouvoir désireux de se trouver un ennemi lui permettant de tenir à flot une économie de guerre reposant sur les contrats faramineux passés à sa propre armée ? N'aurait-on pas assisté à l'accord entre deux pouvoirs afin de réallumer les flambeaux d'une vision de l'islam traditionnel qui périclitait ? Pour moi, ça ne fait aucun doute : il y a trop de preuves de l'ingérence de l'Arabie Saoudite dans les préparatifs ou la dissimulation de cet événement majeur. Je vous ai déjà dit, à la suite du visionnage de Power of Nighmares, qu'Al-Qaida était une fabrication complète et désormais un label apposé à n'importe quel mouvement terroriste inorganisé. Cela se confirme une nouvelle fois. L'islam, comme toute religion, ça se manipule, et ces dernières années le démontrent.
Gag ultime : on apprenait juste avant Noël que le plus prestigieux hôtel parisien le Crillon, passé depuis sous le contrôle de capitaux américains, venait d'être finalement revendu à un saoudien. " Vendu à un "membre éminent de la famille royale d'Arabie Saoudite", a annoncé aujourd'hui dans un communiqué le vendeur, Groupe du Louvre, filiale du fonds américain Starwood Capital" nous annonce ce jour-là avec une fausse pudeur grotesque le Figaro. Car tout le monde connaît le Sheik racheteur... et auteur du chèque de 250 millions d'euros. Un Sheikh qui a fait une affaire, semble-t-il. En juillet , il en valait encore davantage, cet établissement : "le palace serait convoité par Qatari Diar, pour un montant avoisinant 420 M€, selon la station de radio BFM. Il conviendrait d’y ajouter 60 M€ pour la rénovation de l’hôtel." Mais la crise est passée par là ; et c'est le milliardaire saoudien Mohamed ben Issal al Jaber, 891éme fortune mondiale selon Forbes, qui a raffé la mise, en en rachetant à Starwood 12 bâtiments d'un coup pour 1,6 milliard d'euros. Le Sheikh a fait fortune dans le... blé, avant de se mettre aux établissements hôteliers. A Paris un achat doublé de constructions nouvelles en échange : "En outre, MBI avait annoncé début juillet un investissement de plus d'un milliard d'euros pour la construction de deux tours à Levallois, dans la proche banlieue parisienne. Ces tours, dont l'achèvement est prévu pour 2012, représenteront une surface totale de 125.000 m² abritant des bureaux et un hôtel de luxe de 400 chambres". Levallois, dont le maire est Patrick Balkany, dont la gestion financière semble pour le moins laisser à désirer. Mais Mohamed ben Issal al Jaber valait bien une messe, visiblement. Après la Françafrique (et les terribles révélations dévoilées par El Pais, sur Omar Bongo, qui a remplacé Bokassa et ses diamants, visiblement !), voilà la FranceMoyenOrient. Interdira-t-on l'alcool pour autant au Crillon ? En tout cas, Levallois s'achemine tout droit pour imiter Dubaï !
Tant qu'il y aura toujours des gens pour leur dérouler le tapis rouge, et fermer les yeux sur leur brutalité d'un autre âge, on ne voit pas en quoi ils devraient changer. Seul leur peuple révolté leur annoncera un jour qu'ils ne sont plus rois, et qu'un pouvoir véritable ne peut être divin, mais démocratique. Sans le 11 Septembre, on en serait tout proche. Cela n'a fait que retarder l'échéance.

PS : Extrait du livre de Kopel sur l'évolution de l'Iran : 10 ans après, elle reste exacte, et Mahmoud Ahmadinejad n'est autre qu'un des derniers soubresauts réactionnaires du pays :
"Puis tout au long de la décennie 1990, la démographie même, dont les gonflements rapides avaient tant servi la cause islamiste vingt ans plus tôt, en précipitant à la périphérie des villes des jeunes qui se soulevèrent pour elle, renversa ses effets. A l'explosion de la population a succédé une baisse régulière et rapide de la natalité, chez les nouveaux urbains confrontés à des problèmes insolubles de logement, et dont les femmes, en ayant accès au travail, sont obligées de réguler leur fécondité, en fonction des contraintes citadines. Par-delà l'idéologie nataliste des militants islamistes, qui voient dans la multiplication des berceaux la promesse de combattants pour les jihads de demain, les jeunes couples qui vivent dans les métropoles du monde musulman en l'an 2000 se déterminent d'abord selon leurs aspirations concrètes au mieux-être. Celles-ci passent par une baisse de la natalité, qui substitue aux fratries de sept membres et plus qui étaient encore la norme il y a vingt ans des familles de deux outrois enfants Contrairement à leurs parents, pour la plupart nés à la campagne et passés par les traumatismes de l'exode rural, ils ont vu le jour en ville. Ils partagent la même culture écrite que leurs pères, alors que ceux-ci, première génération alphabétisée en masse, étaient séparés de leurs propres parents, ruraux et illettrés, par un gouffre culturel propice aux ruptures et à la pénétration de l'idéologie islamiste radicale. Les enfants des barbus ne croient plus aux rêves qui peuplaient l'imaginaire de la génération précédente, dans les années 1970. C'est dans la République islamique, deux décennies après la victoire de Khomeini en 1979, que ce phénomène est aujourd'hui le plus éclatant. Le vingtième anniversaire de la révolution a vu arriver à l'âge adulte une génération qui n'a pas connu l'époque du chah. Elle subit un chômage massif, une morale répressive et un ordre social figé, dominé par la hiérarchie religieuse, les Fondations qui contrôlent l'économie en liaison avec les marchands du bazar, et l'ensemble des profiteurs de la République islamique, opposés à toute réforme qui saperait leur pouvoir. En 1997, lors de l'élection présidentielle, cette jeune génération a voté sans équivoque contre le candidat de l'establishment religieux, M. Nategh Noun, et pour le candidat du « changement », M. Khatami. Ce changement s'effectue de manière graduelle : le président est lui-même issu du sérail, porte le turban, et sa marge de manoeuvre reste limitée tant que les deux autres centres du pouvoir, le Parlement et le Guide de la Révolution, demeurent entre les mains du clan « conservateur » qui maîtrise une large part de l'appareil judiciaire et répressif. Les élections législatives du 18 février 2000 viennent d'être remportées haut la main par les candidats réformateurs, signe indubitable que la société se prononce désormais contre l'ordre social et moral hérité de Khomeini. Les incertitudes sur les modes de transition de l'ère islamiste au « postislamisme » évoquent les débats autour du « postcommunisme » dans les sociétés anciennement soviétiques. Dans les deux cas, quelle que soit l'issue, la situation présente témoigne de l'échec éthique d'un modèle, devenu désormais un moment historiquement daté, dépassé et rejeté, et non plus une utopie porteuse d'avenir".