Philosophie - Qu'est-ce-que "Être différent des autres" veut dire ?

Source: agoravox.fr

Droit à la différence ou à l’indifférence ?

En préambule, il n’aura échappé à personne que nous sommes par nature tous différents et que proclamer de manière incantatoire le droit à la différence ressemble donc fortement à une forme de lapalissade.

Le seul fait de vouloir l’appliquer intégralement mènerait inexorablement à l’anarchie et à sa conclusion traditionnelle, la dictature. Rappelons également que toute société organisée est régie par des lois qui limitent obligatoirement le droit à la différence des citoyens. Notons d’ailleurs aussi que le droit à la différence n’existe que dans les sociétés de liberté qui mettent les individus à égalité, ce qui est loin d’être courant dans les nombreux pays qui se partagent la planète.
De tout temps mais particulièrement depuis quelques décennies et dans certains pays (entre autres, en France), le droit à la différence est devenu le leitmotiv répété à l’envi par un certain nombre de personnes ou d’organisations qui privilégient les intérêts personnels, corporatistes, ethniques ou communautaires par rapport à l’intérêt général en demandant à bénéficier d’avantages particuliers, de dérogations à la loi ou de dispositifs spécifiques.
Sans vouloir faire pleurer dans les chaumières, il se trouve que « Dame Nature » ne m’a pas favorisé et que je souffre d’un handicap depuis mon enfance : je sais donc parfaitement ce que c’est d’être différent et ce, pour le vivre au quotidien et non pas au titre d’un exercice intellectuel bien-pensant. Je connais parfaitement la stigmatisation (par la moquerie) ainsi que la discrimination à l’embauche (même si toute embauche est par nature discriminatoire). Mon expérience fait que je suis très sensible aux questions de différence mais cela sans complaisance car je sais aussi qu’il est facile de glisser dans la victimisation.
Le droit à la différence peut être une notion terriblement dangereuse quand elle ouvre la porte à toutes sortes de revendications plus ou moins destructrices du « vivre ensemble » : pour ma part, je préfère de très loin la notion de droit à l’indifférence parce que différent. Pour être plus précis, rappelons que l’indifférence correspond, entre autres définitions, à « l’état tranquille d’une personne qui n’est ni pour ni contre ». Il est d’ailleurs intéressant de constater que de nombreux promoteurs du droit à la différence vous répondent que c’est ce qu’ils veulent dire : tant mieux, mais c’est tellement mieux quand les choses sont dites clairement car cela évite aux esprits simplistes, provocateurs ou vicieux de penser qu’ils peuvent faire ou dire n’importe quoi au titre de leur singularité.
Pour en revenir à la différence, il convient également de préciser qu’elle peut être de deux sortes :
 - physiologique
 - comportementale
La première se caractérise par une apparence physique visuellement identifiable à tout moment (couleur de peau, caractéristique particulière du visage, handicap corporel ou mental, etc.) ou se révèle perceptible à certains moments (surdité, élocution, préférence sexuelle, etc.).
La deuxième consiste à affirmer en public ou dans le cadre du voisinage et par n’importe quel moyen (discours ou attitude par exemple) le fait d’être différent en se fichant complètement des autres (à minima par manque de respect mais fréquemment aussi à titre de provocation).
Pour illustrer ce second cas, cela peut correspondre à :
 - l’étalement obscène de sa richesse financière (sans aucune réflexion éthique sur sa provenance) : quels que soient l’endroit et l’époque, ce comportement a malheureusement toujours existé mais on assiste à une intensification depuis quelques temps de la part des acteurs de l’idéologie capitaliste mondialisée (gros patrons, actionnaires de plus en plus cupides, traders) et de leurs complices en charge de l’abrutissement du peuple, à savoir leurs acolytes du show-biz sportif ou « artistique », en grande partie rebelles de pacotille - par ailleurs fort partisans de l’indignation facile et à géométrie variable.
 - l’affirmation agressive d’un mode de vie particulier : ce cas, relativement récent, est en développement très important et correspond à l’arrivée depuis quelques décennies de personnes provenant de contrées plus ou moins lointaines dont les règles de fonctionnement sont également fort éloignées de celles des pays d’accueil.
 - de manière générale des réactions épidermiques fortement teintées de nombrilisme : il est fort probable qu’elles découlent en bonne partie des excès enregistrés au niveau des deux illustrations précédentes.
La question d’une répartition équitable du bien-être matériel (étendue maintenant à celle du minimum vital pour les pays les plus déshérités de la planète) est aussi vieille que l’être humain et a toujours été source de conflits que les plus forts (physiquement, verbalement ou disposant de moyens de chantage) ont régulièrement gagné jusqu’à présent. Mais son exacerbation ajoutée aux nouvelles façons de revendiquer un droit à la différence participent activement à une nouvelle et importante fragmentation démultipliée de la société et constituent un réel danger pour la cohésion nationale.
Si le droit à l’indifférence devrait être respecté de manière absolue pour la différence physiologique - car les personnes ne sont généralement en aucune manière responsable de leur « état » -, il n’en est pas du tout de même pour la différence comportementale qui elle, est totalement liée au libre arbitre des individus.
Ce second cas de droit à l’indifférence est par essence relatif et il appartient à tout membre vivant dans une société humaine organisée (tout du moins celles qui ont inscrit la liberté et l’égalité dans leurs valeurs) d’avoir toujours en tête quelques règles (ou manières de penser) basiques :
- ma richesse financière a-t-elle un sens par rapport à mon utilité sociétale ?
- ma liberté s’arrête où commence celle des autres (et inversement) : puis-je imposer quelque chose que je ne voudrais pas qu’on m’impose (hormis évidemment les règles définies et modifiables collectivement) ?
- la nécessaire adaptation au territoire sur lequel je vis
A moins d’être bourré de certitudes, de suffisance et de mépris, les premières découlent tout simplement d’une relation humaniste aux autres (certes, il s’agit d’une notion qui peut apparaître comme utopique mais heureusement qu’à travers les siècles, il y eut des personnes qui ont développé ce genre d’idées car autrement, nous en serions encore au Moyen Age… Peut-être est-ce le souhait de certains que d’y retourner !?…). 
Quant à la troisième, elle est en relation avec nos origines car tout ce qui vit sur cette planète a une relation fusionnelle avec son environnement territorial : cela est particulièrement vrai pour nos cousins mammifères avec lesquels nous avons en commun tant de caractéristiques ou de comportements ; il suffit de les observer dans leur vie sociale et de la comparer à la nôtre pour comprendre beaucoup de choses sur notre nature profonde (pour autant que nous sachions ou voulions nous délivrer des « chaînes » dogmatiques tissées par les sectes religieuses et qui nous entravent depuis des millénaires ). Et sur un territoire il y a toujours une culture qui s’y est développée au fil des siècles et millénaires précédents : quand on y arrive ou quand on est issu de familles récemment installées (récent au sens générationnel), on a l’obligation de s’intéresser à cette culture et d’en respecter a minima les codes et traditions (et particulièrement ceux qui font appel à la réflexion raisonnée…). Sinon cela veut dire qu’on est dans un état d’esprit différent et proche de celui qui animait antérieurement les « élites » occidentales quand la colonisation était à l’ordre du jour des politiques de l’époque pour au moins deux raisons : appropriation des richesses du territoire et volonté idéologique « d’éducation » des populations en dédaignant les cultures et traditions existantes. Et dans ce cas là, on ne s’étonne pas des réactions d’incompréhension au mieux et de rejet au pire de la population autochtone (puisqu’on les justifie par ailleurs par rapport à l’histoire)… 
Notre faculté de raisonnement nous permet de combiner ces différentes notions afin de tempérer notre relation naturellement exclusive au territoire mais pour ce faire, faut-il que tout le monde se les approprie et que les pouvoirs publics et/ou intellectuels ne flattent pas en permanence les comportements les plus cyniques, les plus rétrogrades et les plus imbéciles. Il ne s’agit nullement d’une uniformisation mais simplement d’une méthode de fonctionnement qui favorise une vie publique paisible et particulièrement dans des sociétés qui s’acheminent – nous n’y sommes encore pas - vers l’interculturalité mondialisée : cela n’oblige en aucune manière à oublier nos racines mais à les relativiser et à ne pas favoriser la schizophrénie (étant moi-même né et vivant dans une région dont mes parents n’étaient pas originaires, j’ai toujours à l’esprit leur souci permanent d’intégration au sein du territoire d’adoption qu’ils avaient choisi et ce, même si j’entends bien que « la distance à parcourir » était moindre…).
Un dernier point mérite également d’être rappelé car souvent instrumentalisé par les « spécialistes » du droit à la différence victimaire : les notions de fierté ou de honte.
NON, nous n’avons pas à avoir honte ou à être fier de nos appartenances (famille, communauté, pays, civilisation) car nous n’y sommes strictement pour rien : nous sommes simplement le fruit de la rencontre hasardeuse d’un ovule et d’un spermatozoïde arrivé en premier sur le lieu de rendez-vous (en toute humilité, il faut avoir conscience que si le second avait « gagné », nous ne serions pas là mais par contre nos parents auraient bien eu un enfant…) Et si, étant bébé, nous avions été élevés par d’autres personnes et dans une autre culture, nous serions bien différents… Nous pouvons simplement nous réjouir d’être né dans une famille aimante et émancipatrice quand c’est le cas…
Par contre, OUI, nous pouvons et nous devons avoir honte ou être fier de nos actes et paroles à titre individuel car nous en sommes pleinement responsables.
Il n’est peut-être pas non plus inutile de rappeler qu’il n’est pas si désagréable que ça de vivre en Occident, îlot de liberté et de protection sociale (et ce, même si on constate qu’elles se réduisent insidieusement de plus en plus sous les coups de boutoir conjugués du capitalisme triomphant et de la bien-pensance relativiste) et que de toute manière, le temps de l’esclavage étant révolu, nous avons toujours la possibilité d’aller voir ailleurs si la vie nous paraît intenable dans ce beau pays qu’est la France.
Au lieu d’être dans la repentance anachronique permanente (spécialité chrétienne que les cousins juifs et musulmans semblent moins partager), nos « élites » feraient mieux de s’atteler à la construction d’une société plus juste matériellement et débarrassée spirituellement des scories superstitieuses ou totalitaires véhiculées par les sectes et religions car comme le rappelle cette intéressante définition circulant sur le Net : « La religion est à la secte ce que la multinationale est à la PME ».
Pour conclure, faut-il sanctionner immédiatement et sévèrement toutes les atteintes au droit à l’indifférence ?
Pour celles concernant les différences physiologiques, la première réponse qui vient à l’esprit est oui. Mais à moins d’éradiquer médicalement l’imbécillité de l’esprit humain, la mise en œuvre va être difficile… Il est évident que les discriminations caractérisées - et surtout prouvées – (emploi, logement, etc.), pour autant qu’elles ne soient pas par ailleurs la conséquence d’un comportement agressif et provocateur, doivent être sanctionnées. Mais qu’en est-il des autres attitudes ou paroles blessantes ? Quelque part, accepter la médiocrité de certains de nos congénères permet de se fortifier et parfois même de se bonifier quand on en arrive à réussir à se moquer de soi-même, première et vraie forme d’humour (mais bon, il est vrai que ce n’est pas facile tous les jours…). En tout cas et à ce titre, la formule « on a le droit de rire de tout mais pas avec n’importe qui » rabâchée fréquemment par nombre de bien-pensants devrait normalement aussi avoir ses limites à moins que ceux qui la professent aient la suffisance de penser qu’ils sont supérieurs aux autres et qu’à ce titre, eux (et seulement eux), ont le droit de dire n’importe quoi puisque c’est de l’humour…
Par contre, et pour les atteintes concernant les différences comportementales, les sanctions devraient être strictement limitées aux attaques personnelles violentes car dénoncer et/ou railler (sans aucune autocensure) la bêtise tant individuelle qu’à caractère clanique ne peut être que salutaire dans une société libre… Et il y a beaucoup à faire à ce niveau depuis quelques années…
Avoir plus d’esprit pourrait peut-être aider les stigmatisés, persécutés, désavantagés et autres victimes de tout poil à prendre un peu de distance par rapport à leurs « petits soucis ». Pour autant qu’ils aient une quelconque disposition à regarder un peu autour d’eux, ils se rendraient compte que certains peuvent avoir de réelles raisons de mécontentement quand les DIFFERENCES sont le fait de la nature ou du destin.
PJ : une petite illustration humoristique de ce que pourrait devenir notre société…