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L’éthique face au progrès des sciences et techniques

Source: centpapiers.com
12 février 2011
Ce texte traitera de l’importance de l’éthique par rapport au progrès de la connaissance, notamment dans le secteur des sciences et techniques. Il traitera aussi du défi éthique de vivre dans un système capitaliste. Je donnerai un aperçu des domaines qui sont apparus avec l’essor des sciences et techniques et les problèmes éthiques qu’ils posent. Il s’agit de la bioéthique, de l’éthique professionnelle et des affaires et de l’éthique de l’environnement. Tous ces sujets font partis des enjeux de nos sociétés contemporaines.
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En ce qui concerne le progrès de la connaissance, et plus particulièrement de la connaissance scientifique et technique, ainsi que les problèmes éthiques que posent notre système capitaliste, je me référerai souvent à Jean-Jacques Rousseau, car il a perçu avant tout le monde, c’est-à-dire vers 1750, les problèmes éthiques que causeraient l’essor des sciences et des techniques et ceux que causaient le système capitaliste de son temps. D’ailleurs nous vivons nous aussi dans ce système économique et nous ne pouvons que constater la véracité de ses critiques. Toute cette critique se retrouve dans le Discours sur les sciences et les arts et dans la préface de sa pièce de théâtre Narcisse où il défend son discours contre certaines attaques.

L’histoire de ce discours commence quand l’Académie de Dijon décide de faire un concours et demande si le rétablissement des sciences et des arts a contribué à épurer les moeurs? Sur environ une cinquantaine de réponses, une seule prétend que non, c’est celle de Rousseau.

Contrairement à ce que certains ont pu prétendre, Rousseau n’est pas contre le progrès, il est contre la façon dont la société se sert du progrès technique et scientifique. Autrement dit, si l’on se sert de la science pour alléger nos tâches quotidiennes c’est bien, mais si c’est pour fabriquer des armes encore plus meurtrières, alors là c’est absurde. Pour lui il n’y a pas de progrès possible sans moralité. « La science prise d’une manière abstraite mérite toute notre admiration. La folle science des hommes n’est digne que de risée et de mépris. »[1]

Rousseau pensait que la connaissance dans tous les domaines qu’elle contient, y compris la philosophie et la littérature, est néfaste pour la grande majorité des gens parce que la connaissance sans moralité est dangereuse. Autrement dit, un bandit armé est beaucoup plus dangereux qu’un bandit sans arme. Le problème de la connaissance est qu’elle est devenue un outil de pouvoir tout comme l’arme l’est pour le bandit. Or, les gens qui veulent servir leurs intérêts particuliers ont maintenant un outil très efficace pour les aider à arriver à leurs fins. Ces gens sont esclaves du désir de se distinguer, dirait Rousseau. Le désir de ce distinguer s’explique par deux facteurs: l’aliénation de l’être humain dans les choses et l’aliénation dans le regard d’autrui. Celui-ci fait dire à Rousseau que les gens n’osent plus être ce qu’ils sont, mais veulent paraître ce qu’ils ne sont pas. La communication en est affectée, dans le sens où ce n’est plus ce que nous sommes qui communique, mais ce que nous avons ou voulons (tous les échanges commerciaux, la paperasse administrative etc.) ce qui communique ce n’est plus ce que nous sommes, mais plutôt ce que nous souhaitons être ou ce que nous avons avantage à paraître. Notre monde est très axé sur les communications, tellement que la technique est en voie de surpasser les échanges interpersonnels en chair et en os. S’il faut que notre monde ne soit que mensonge et hypocrisie, où nous mènera-t-il?

Dans la préface de Narcisse, Rousseau déplore que les talents aient envahi les honneurs dus à la vertu, chacun veut être agréable et on ne se soucie plus d’être vertueux. Il s’insurge également contre le fait qu’on ne récompense que les talents qui nous sont innés, alors que seules nos vertus nous appartiennent. Donc, nous n’avons de véritables mérites que par rapport à la moralité de nos actions.

Il déplore le manque d’éducation morale dans la société et il est d’avis que tous les autres savoirs sont inutiles, et peuvent être dangereux, s’ils ne sont pas soumis à la morale. Pour lui les gens ne semblent pas avoir compris qu’il n’y a pas de mérite à connaître, mais plutôt à être vertueux. Même les philosophes sont sévèrement critiqués pour leur orgueil, leur amour propre et leur indifférence envers le reste du monde.

À la fin de la préface, Rousseau dédit la connaissance à une classe privilégiée pour qu’ainsi, cette connaissance serve des intérêts vertueux, c’est-à-dire la volonté générale, l’intérêt public. Voici cette idée dans les termes de Rousseau:

« J’avoue qu’il y a quelques génies sublimes qui savent pénétrer à travers les voiles dont la vérité s’enveloppe, quelques âmes privilégiées, capable de résister à la bêtise de la vanité, à la basse jalousie, et aux autres passions qu’engendre le goût des lettres. Le petit nombre de ceux qui ont le bonheur de réunir ces qualités, est la lumière du genre humain; c’est à eux seuls qu’il convient pour le bien de tous de s’exercer à l’étude, et cette exception même confirme la règle; car si tous les hommes étaient des Socrate, la science alors ne leur serait pas nuisible mais ils n’auraient aucun besoin d’elle. »[2]

Ce passage parle de lui-même, mais Rousseau ajoute par la suite que la connaissance est un moindre mal pour la population en générale quand celle-ci s’occupe à lire plutôt qu’à faire des choses plus dangereuses. Il dira qu’en l’absence de moralité et de gens honnêtes dans une société, il est préférable de vivre avec des fripons plutôt qu’avec des brigands.

Maintenant, concernant le système capitaliste, il critique vigoureusement l’idée dominante de son siècle que:

« Les sciences, les arts, le luxe, le commerce, les lois, et les autres liens qui resserrant entre les hommes, les noeuds de la société par l’intérêt personnel, les mettent tous dans une dépendance mutuelle, leur donnent des besoins réciproques, et des intérêts communs, et obligent chacun d’eux de concourir au bonheur des autres pour pouvoir faire le sien. »[3]

L’argument principal qu’il amène pour critiquer cette pensée dominante est le suivant. Même si pour deux hommes leurs intérêts concordent, cent mille peuvent leur être opposés, et le seul moyen qu’ils ont pour arriver à leurs fins c’est de tromper ces cent mille personnes ou de les perdre, c’est-à-dire de les exclure totalement de leur plan et de ne se soucier en rien des répercussion qu’ils auront à subir. Donc pour Rousseau, contrairement à ce que l’on croit ou à ce que l’on a avantage à faire croire, dans le système capitaliste le bonheur des uns fait le malheur des autres.

Rousseau vante les mérites de la solidarité en croyant qu’on ne peut pas rechercher l’intérêt particulier et atteindre l’intérêt général. C’est un des prinicpe de base de son livre Du contrat social, qui veut que la société soit un contrat entre individus dont le résultat soit la volonté générale, c’est-à-dire des règles que chacun reconnaît comme importante pour la conservation de leur liberté. Cette volonté générale veut fonder une société libre et égalitaire. Libre parce qu’elle protège leur droit inaliénable à la liberté, et égalitaire parce que chacun y est soumis de la même façon et par les même règlements.

Rousseau fait une virulente critique contre le système capitaliste de son époque, qui d’ailleurs peut encore très bien s’appliquer aujourd’hui. On peut même voir en lui une excellente anticipation du système capitaliste et industriel, qui établit ses fondements à son époque, du système dans lequel on vit maintenant. Voici ce qu’il en pensait déjà à son époque:

« Étrange et funeste constitution où les richesses accumulées facilitent toujours les moyens d’en accumuler de plus grandes, et où il est impossible à celui qui n’a rien d’acquérir quelque chose; où l’homme de bien n’a nul moyen de sortir de la misère; où les plus fripons sont les plus honorés, et où il faut nécessairement renoncer à la vertu pour devenir un honnête homme. »[4]

Maintenant, concernant l’éthique appliquée, qui a fait son apparition avec l’essor des sciences et des techniques, je traiterai de ses trois branches principales, c’est-à-dire la bioéthique, l’éthique professionnelle et des affaires et finalement l’éthique de l’environnement. Mais auparavant je ferai une distinction entre éthique et éthique appliquée.

L’éthique est une discipline philosophique ayant pour objet les jugements d’appréciation lorsqu’ils s’appliquent à la distinction du bien et du mal. L’éthique est une discipline théorique et généralement liée à une recherche métaphysique, ce qui la distingue de l’éthique appliquée. D’ailleurs, l’éthique procédurale dont parle Anne Fagot-Largeault dans son texte La réflexion philosophique en bioéthique, est une éthique appliquée, car elle recherche une réponse concrète dans un domaine précis. L’auteure se plaint à quelques reprises que l’éthique procédurale fasse abstraction de l’éthique, c’est-à-dire de références aux fondements métaphysiques de nos valeurs et principes.

L’éthique appliquée, quoiqu’ étant une branche de l’éthique, semble plus complète que celle-ci, car elle s’alimente tant de la pratique que de la théorie. Elle

« n’exclut pas la nécessité des jugements prescriptifs, ni la question des fondements. Elle ne fait qu’intégrer un champ d’investigation précis, un domaine concret. Elle part de la pratique pour aller à la théorie pour revenir à la pratique. »[5]

Ainsi, l’éthique appliquée étudie toujours des cas précis, qui peuvent l’aider à choisir ce qui est le plus juste à faire selon certaines valeurs et certains principes. Il faut vérifier s’il n’y a pas des circonstances où on peut déroger à ces valeurs et principes. Par exemple, la très grande majorité des gens sont d’accord avec le principe moral qu’il est mal de tuer des gens. Mais dans une situation d’auto-défense où quelqu’un tente de nous assassiner, sommes-nous légitimé de le tuer pour sauver notre vie? Peut-on tuer quelqu’un pour abréger ses souffrances? Si nous considérons un geste plus moral qu’un autre, doit-il être érigé en loi ou bien les conséquences d’une telle loi ne feraient qu’aggraver la situation sans rien régler? Avec l’étude de cas précis, on a la chance de prendre des décisions en prenant en considération les conséquences d’une certaine réglementation, ainsi on peut éviter les effets pervers qu’on n’avait pas prévus du point de vue théorique. Il y a une différence entre ce qui est le plus juste du point de vue théorique et l’application d’une loi, car on sait qu’il y a toujours beaucoup de gens qui y contreviennent. Je donnerai un exemple de ce que j’avance ici, quand j’aborderai le sujet de l’avortement un peu plus loin. Il fait partie du sujet qui suit c’est-à-dire la bioéthique.

La bioéthique étudie le rôle que doivent jouer les techniques et les sciences biomédicales sur les être humains, du point de vue individuel et social. Elle traite de sujet comme:

« la relation patient-médecin, le consentement à l’acte médical, l’expérimentation humaine, le diagnostic prénatal et le dépistage génétique, l’acharnement thérapeutique, l’euthanasie, l’accompagnement des mourants, les nouvelles technologies de procréation, le SIDA. »[6]

Dans la prise de décision que suscitent les controverses en bioéthique, il est important de prendre les bonnes décisions, c’est-à-dire les plus justes possibles. Il faut une réglementation qui se soucie des conséquences qu’elle engendre, et qui favorise les bons comportements à pratiquer. Ainsi, lorsque les femmes avortent quand le foetus est complètement formé ou qu’elles utilisent l’avortement comme moyen de contraception, on pourrait dans le premier cas favoriser l’adoption, dans le second favoriser la ligature des trompes, sans toutefois interdire l’avortement.

Il faut faire attention de bien peser toutes les facettes. Par exemple, on peut considérer que l’avortement est un meurtre, mais comprendre que l’interdire ne ferait qu’amplifier le problème, puisque si on l’interdit, beaucoup de femmes se feront avorter illégalement avec des instruments archaïques et infectés. Ainsi, on peut faire des politiques pour défavoriser l’avortement, tout en le considérant légal afin d’éviter d’autres abus.

L’éthique appliquée est un effet de l’évolution des sciences et des techniques, donc un produit de la société contemporaine. Son apport est considérable, car avec ses études de cas elle est en meilleure position que l’éthique pour évaluer les conséquences des gestes qu’on pose. Ainsi elle a un rapport plus direct que celle-ci avec la politique, puisqu’elle n’évalue pas seulement ce qui est juste de faire, individuellement ou entre individus, mais aussi quelles sont les lois les plus justes à adopter pour la sécurité et le bien-être de l’ensemble de la population. De plus, avec l’éthique appliquée, l’éthique a connue une expansion vers les sciences pures et vers un plus large public, ce qui est une bonne chose car l’éthique est un savoir qui concerne tout le monde, et plus il y aura de monde qui s’intéresse aux problèmes éthiques, meilleures seront nos sociétés.

L’éthique professionnelle et des affaires étudie surtout les problèmes éthiques posés par « les activités socio-écomoniques tels: la santé et la sécurité au travail, la loyauté de l’employé, l’égalité à l’embauche, la publicité, le droit au travail. »[7]

Le concept d’éthique des affaires peut paraître paradoxal parce que l’éthique et les affaires visent des finalités totalement opposées. « L’éthique concerne le comportement, par définition positif, à adopter envers autrui tandis que les affaires ont pour seul but le profit personnel. »[8] Il s’agit quand même d’essayer de les concilier.

L’éthique professionnelle « s’interroge plus largement sur la place de la profession dans la société, ses responsabilités, sa fonction, ses buts. »[9] Elle contient également la déontologie. Celle-ci est le code d’éthique que se donnent certaines professions, surtout celle qui travaillent en relation avec le public. On peut y inclure les policiers, les avocats, les psychothérapeutes, etc. Ainsi, la déontologie concerne le public en général, puisque n’importe qui peut y avoir recours pour blâmer les abus de certains professionnels.

Finalement, je vais aborder le problème de l’éthique de l’environnement. Ce secteur touche tout le monde par ses conséquences. Comme la bioéthique, la source de ses problèmes se trouve dans la mauvaise utilisation des sciences et des techniques, souvent causées par l’appât du profit. Le philosophe Michel Serre critique fortement leur prédominance dans nos sociétés.

Les enjeux généraux sont « la survie de la planète, la place de l’être humain dans la nature et son bien-être, la justice dans la distribution des richesse, l’action politique, la responsabilité personnelle et collective. »[10] La source des problèmes environnementaux se retrouve souvent dans le capitalisme. Pour les régler, il faut effectuer un changement des mentalités chez les dirigeants des sociétés modernes, c’est-à-dire les entrepreneurs, les scientifiques, les journalistes et surtout les politiciens pour qu’ils favorisent la concertation entre les pays du monde puisque c’est un problème qui concerne l’humanité entière. La concertation devrait mener à la mise en place de politiques sociales qui visent la conservation de la nature au détriment de la destruction et du profit. Il faut être assez philanthrope pour regarder à long terme, car à quoi serviraient les produits que l’on fabrique et une économie qui fonctionne bien, si les conditions de vie sont de plus en plus médiocres jusqu’à ce qu’elles soient impossibles.

En conclusion, je réitère l’idée de Rousseau selon laquelle il n’y a pas de progrès possible sans moralité. Je pense même que l’éthique est la connaissance la plus importante et agir de façon éthique est l’action la plus importante. Nos talents sont souvent innés, tandis que nos vertus sont acquises, ce qui fait dire à Rousseau que seules nos vertus nous appartiennent. Je considère l’éthique comme le plus important des savoirs parce que tous les savoirs sans moralité peuvent être dangereux. On peut être tenté de s’en servir à des fins égoïstes au détriment d’autrui, puisqu’ils sont devenus un instrument de pouvoir. Le capitalisme est un système injuste qui mène à la perte de l’humanité. L’éthique appliquée est un outil précieux dont s’est dotée la société contemporaine et il ne faut pas sous-estimer son importance. Les valeurs à favoriser sont la solidarité, la coopération, la tolérance au détriment de l’égoïsme, l’individualisme et la compétition vers lesquelles nous pousse le système capitaliste.
[1] Préface de Narcisse, p. 126.

[2] Idid., p. 132.

[3] Ibid., p.129.

[4] Ibid., p.130.

[5] L’éthique appliquée au Canada, in Les comités d’éthiques à travers le monde, Paris, éd. Tierce, Inserm, 1989, p.26

[6] Ibid., p.27.

[7] Ibid.

[8] André ROCQUE, Philosopher, # 17, 1995, p.45.

[9] L’éthique appliquée au Canada, précité note 5, p. 27

[10] Ibid., p.28.

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