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Les pauvres au menu des riches

C'est un fléau vieux comme le monde, mais il est toujours dramatiquement actuel. La faim, pour des millions d'êtres humains, est l'autre nom, bien plus cruel, de la crise financière qui agite nos cols blancs. Selon un rapport de l'Onu publié cette semaine, la récession globale que connaît l'économie mondiale aurait déjà fait précipiter plus de 90 millions de personnes dans l'extrême pauvreté. La crise mine la sécurité alimentaire de nombreux pays en développement. Elle survient deux ans après l'envolée des prix des matières premières qui avait provoqué, d'Haïti au Sénégal, des émeutes de la faim. Elle culmine, de surcroît, dans un contexte général de baisse sensible de l'aide au développement de la part des pays riches.

Comment relancer l'aide dans un tel climat ? C'est le défi pourtant lancé aux dirigeants réunis depuis deux jours à L'Aquila. En 2005, à Gleneagles, en Écosse, les Huit avaient promis d'augmenter leur aide au développement de 50 milliards de dollars d'ici à 2010, dont 25 pour l'Afrique subsaharienne. Quatre ans plus tard, les promesses n'ont pas été tenues et près de la moitié de cette somme manque à l'appel.

Les pays riches devraient donc, aujourd'hui, faire davantage malgré la réduction de leurs marges budgétaires et l'alourdissement de leurs déficits. Le doute est permis. D'autant que, jusqu'ici, aucun mécanisme de suivi ou de sanction n'a accompagné les interminables trains de bonnes intentions.

Deux facteurs, toutefois, permettent d'espérer un changement de cap. L'évolution du cadre institutionnel du G8 vers un G14, voire un G20 plus stable, donne aux pays émergents, notamment à l'Afrique du Sud, un forum où faire entendre la voix des pays concernés par l'insécurité alimentaire.

En outre, les États-Unis, fortement épaulés par le Japon sur ce dossier, entendent changer de stratégie. Jusqu'à présent, Washington, dans son effort, consacrait vingt fois plus d'aide strictement alimentaire, en dons, que d'aide au développement des moyens de production agricole à long terme. La nouvelle administration entend renverser le schéma. On sera fixé, aujourd'hui, sur le montant des investissements décidés par les Huit. Il est probable que les promesses de Gleneagles soient enfin tenues à L'Aquila.

Cela ne sera toutefois pas suffisant. Car il y a urgence. Selon la FAO, l'agence des Nations unies chargée de l'alimentation, le nombre de personnes sous-alimentées a augmenté de 10 % cette année. Or, 85 % des exploitations agricoles dans le monde couvrent moins de deux hectares de surface. La conjonction de la hausse des prix, de la baisse des investissements des pays riches et de la crise a, on l'imagine aisément, eu un impact redoutable sur ces populations.

On mesure, dès lors, l'enjeu humain, social, économique et écologique que revêt la promotion d'un développement agricole soutenable. On glose beaucoup sur l'opportunité que la crise peut offrir d'assainir les mécanismes financiers. On insiste sur la reconversion verte de nos moyens de production au bénéfice de la reprise à venir. Une même logique doit animer la gouvernance mondiale sur les questions de sécurité alimentaire et de développement agricole. À l'heure où la faim progresse de nouveau et où l'accaparement des terres cultivables est un nouvel enjeu stratégique, l'instauration d'une authentique régulation est une nécessité. À huit, à quatorze ou à vingt.

Laurent Marchand