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Le Christianisme: États généraux, états généreux. Par Jean-Pierre Denis

Où va le christianisme ? Si comme beaucoup vous vous posez la question, je voudrais vous confier avec une certaine solennité une forte nouvelle, une nouvelle qui s’accorde avec la joie de Pâques et, au sens profond, avec l’air du temps. À l’initiative de votre journal, un rassemblement important se tiendra à la rentrée prochaine à Lille. Son titre en dit assez clairement l’ambition : les États généraux du christianisme.

Plus que jamais depuis la fondation de La Vie à la Libération, les convictions sont au cœur de l’information telle que nous l’entendons. Plus que jamais, l’espérance est de saison. Mais, plus que jamais, si cette espérance paraît vaciller, nous devons veiller sur elle. Si ces convictions semblent se porter mal, il nous revient de les porter mieux, de les médiatiser autrement. Les États généraux du christianisme marquent un engagement fort de notre rédaction. Un vrai choix éditorial. Ils ne seront pas un colloque ou un congrès de plus. Ils vont permettre d’ouvrir un véritable espace de rencontre, un vrai débat sur la place de la foi dans notre société.

Dans un rapport présenté en novembre dernier à Lourdes, l’évêque et académicien Claude Dagens parlait de la foi chrétienne comme d’un "art de vivre" à cultiver. Le titre de cet ouvrage passé un peu trop inaperçu mérite d’être rappelé : Entre épreuves et renouveaux, la passion de l’Évangile. Son sujet aussi, puisqu’il s’agissait de réfléchir de manière subtile à l’indifférence religieuse, à la visibilité de l’Église et à l’évangélisation. Les plus récents événements nous ont montré qu’il existe, pour le christianisme, des indifférences en trompe-l’œil et des visibilités négatives. Celles qui sont les plus visiblement visibles, si j’ose dire.

Dans le christianisme vécu, il est permis de voir autre chose. Les nombreux baptêmes d’adolescents ou d’adultes au cours de la vigile pascale soulignent la nécessité d’une annonce de l’Évangile fondée non pas sur le choc des certitudes, mais sur le cheminement personnel et sur la prise en compte des grandes aspirations existentielles. Voilà donc l’occasion de donner au christianisme une visibilité positive, attestataire sans doute et parfois plus vigoureusement contestataire, mais aussi dialogale. Capable, autrement dit, de recevoir autant que de donner, de transformer et de se laisser transformer. Si nous voulons un christianisme de vivants, il ne faut pas seulement une bouche qui proclame la vérité, mais aussi et surtout un cœur qui écoute. Nos États généraux seront des états généreux.

C’est à ce prix que nous pourrons poser la question que tout le monde garde au bord des lèvres et que personne ne formule vraiment, malgré l’immense besoin de parole que vous exprimez souvent dans vos lettres ou vos e-mails, et que nous sentons un peu partout dans nos Églises depuis des mois déjà. La question ici posée : où va le christianisme ? C’est peu dire que les crimes récemment rendus publics et leur réception dans notre société d’emballement ont rendu plus nécessaire mais plus délicat un vrai débat de fond. Or, en ces temps quelque peu troublés, on discute parfois au bazooka et l’on réagit de la même manière. D’un côté, les hurlements obsessionnels des loups identitaires ; de l’autre, le chant des sirènes de la dissolution finale du christianisme. Avouons-le : entre reniement ou repliement, entre complaisance masochiste et autojustification, le choix serait triste, les lendemains, toujours plus désenchantés.

Dans notre époque, tout est fragile, tout est friable, tout est frileux. Les institutions. Les convictions. Les vies privées. Les choix de société. Les appartenances. Les solidarités. Le sens. Tout se décompose et se recompose de plus en plus vite, dans une forme de précarité qui devient source de grandes angoisses. Alors, oui, il y a donc urgence, mais une urgence un peu particulière : urgence de la distance, urgence de la liberté, urgence de l’intelligence, urgence de la spiritualité. Urgence de se rencontrer. Moins le devenir du christianisme paraît clair, moins celui de nos sociétés paraît évident, plus il faut hardiment faire le lien et poser nos questions ardemment.

Vous l’avez compris. L’enjeu ne consiste pas à s’interroger sur les boutiques ecclésiales, les chapelles personnelles, les petits blocs de certitudes hermétiques qu’il s’agirait de défendre quand tout fout le camp, mais sur le devenir même de cette société dans laquelle la croix a semé sa folie, renversant les idoles. C’est à cela que s’attelleront les premiers États généraux du christianisme. C’est de cela que nous allons débattre tout au long des prochains mois dans nos colonnes. C’est pour cela que je compte bien vous retrouver personnellement les 23, 24 et 25 septembre, à l’Université catholique de Lille, que préside Thérèse Lebrun, avec le soutien actif du diocèse et de son évêque, Mgr Ulrich.

De grandes personnalités de toute Église et de tout bord viendront à votre rencontre pour trois jours de débats publics ouverts à tous, mais aussi de fête et de célébration. Alors que nous réfléchissions à ce projet, la richesse culturelle, l’ouverture internationale et la vitalité sociale de la région lilloise et de son christianisme nous ont irrésistiblement attirés.