On est en droit de se demander ce qu'il y a de tordu dans les fondements du christianisme pour engendrer des églises où la sexualité se vit mal. À trop vouloir condamner la sexualité de façon étroite d'esprit, on ouvre les vannes d'un mal de vivre sexuel inquiétant.
Dernièrement, on parle surtout des sévices sexuels de pédophilie vécus au sein de l'Église catholique. Mais, il faut réaliser que des situations semblables ont aussi été rapportées dans les églises anglicanes, presbytériennes ou encore à l'Église unie"¦toutes des églises chrétiennes. Les autres religions ne sont sûrement pas à l'abri de telles déviances, mais il y a peu de données pour le démontrer.
Certains plaideront avec raison que le célibat des prêtres catholiques peut expliquer en grande partie ces déviations pédophiles. L'autorité de l'Église réfute une telle analyse. Sauf que dans les églises chrétiennes, seule l'Église catholique ne permet pas le mariage des prêtres. L'éminent théologien Hans Küng conclut que, même s'il y a quelques cas de pédophilie dans les autres églises chrétiennes, le phénomène est malheureusement «massif» au sein de l'Église catholique. Il y voit une relation de cause à effet, et on est plutôt d'accord avec lui.
La sexualité est une force vitale extrêmement puissante à la portée de tous. Le christianisme a tendance à considérer la sexualité comme un mal nécessaire, au lieu tout simplement de la considérer comme un bien nécessaire. Avec de telles prémisses de départ, on aborde la sexualité de façon négative, créant autour de celle-ci des mystères qui font déraper les humains. Quoi de plus attirant que le fruit défendu?
Le plus inquiétant dans ce phénomène de la pédophilie, c'est que l'on ne sent pas réellement du côté de l'autorité de l'Église catholique une compréhension profonde du problème. On a tendance à banaliser la portée des gestes répréhensibles commis. On ne comprend pas l'humain chez l'enfant. On est plus préoccupé à sauver la face de l'institution, qu'à sauver l'âme et le corps des enfants.
Pire, on a investi plus de moyens pour camoufler les faits, plutôt que de les affronter et les corriger. On a utilisé la peur des enfants et abusé de la foi de leurs parents pour taire l'impardonnable. Comme si cette institution était au-dessus des lois, au-dessus de tout soupçon.
Certains incongrus ont même émis l'hypothèse que c'est la révolution sexuelle des années 1960 qui aurait accentué cette montée de la pédophilie dans l'Église catholique. C'est refuser de reconnaitre que, dès les années 1940-1950, on abusait sexuellement à outrance les petits autochtones dans les pensionnats (et dans les paroisses). Ces pensionnats étaient des usines inhumaines à transformer des petits «sauvages» en personnes civilisées, à coups d'agressions sexuelles et physiques. Quelle aberration et quelle honte!
Les derniers cas relatés de pédophilie nous proviennent principalement des pays européens que sont l'Irlande, l'Italie, et l'Allemagne du pape Benoit XVI. On pourrait vouloir se distancier du problème sous prétexte que ça se passe ailleurs. Mais, c'est oublier les cas avérés autour du père Lévi Noël dans la Péninsule acadienne, ou encore des soupçons de camouflage prêtés à Monseigneur Gérard Dionne à Sudbury. Et que dire des accusations contre Monseigneur Leahey en Nouvelle-Écosse?
On ne peut plus fuir la réalité et ses responsabilités en la matière, surtout chez les pratiquants. L'Église catholique doit s'affranchir de sa culture du secret, et d'une certaine approche hypocrite, négationniste, cachotière. Elle ne doit plus se contenter de demander qu'on pardonne à ces prêtres agresseurs : elle doit haut et fort exprimer son pardon face aux victimes, et prendre en charge le processus de guérison chez ces enfants devenus adultes"¦et dont certains sont restés des enfants blessés à vie.
Le pape Benoit XVI ne peut surtout pas lui non plus s'esquiver. Il a été pendant plus de 25 ans le préfet de discipline de l'Église catholique. De par ces fonctions, il ne pouvait pas feindre l'ignorance. Certains le défendront en disant qu'il a fait de son mieux dans les circonstances. On ne peut se permettre d'être indulgent dans ce cas-ci. Trop de blessures humaines profondes ont été engendrées par cette infamie pour que les responsables se «déresponsabilisent». Une démission doit être considérée. Et qu'on ne vienne pas me dire que sont des complots juifs ou musulmans qui fomentent une telle option. Ce sont des catholiques eux-mêmes qui le réclament et qui doivent continuer de monter au front. Sinon, il faudra vraiment envisager la possibilité que cette Église s'effondre encore plus, elle qui est déjà sur son déclin.
J'ai aimé cette Église. J'ai même pensé me faire prêtre jusqu'à l'âge de 18 ans. Cette institution joue et a joué tellement un rôle important pour plus d'un milliard de catholiques dans le monde qu'on ne peut souhaiter tout simplement sa disparition. Je ne souhaite pas son effondrement. Je souhaite sa réhabilitation en autant que faire se peut. Mais, permettez-moi encore une fois de sombrer dans le doute, car je ne vois pas poindre à l'horizon de volonté profonde de réalignement : dommage, et c'est impardonnable!