Le documentaire "A l'extrême-droite du Père" de France2 lève le voile sur les liens qui unissent un groupuscule d'extrême-droite radicale et certains milieux de l'Eglise traditionaliste.
Quelle est la différence entre un mouvement qui revendique une défense vigoureuse de la culture et des racines identitaires locales, mais sans prôner la violence, et un mouvement qui sous-couvert de ces objectifs, cache l'obscur désire totalitaire d'éliminer ceux et celles qu'il n'aime pas? Afin d'éviter l'amalgame, on prendra comme point de départ une définition d'extrême-droite minimaliste. Ce qu'on entend par là dans cet article, ce sont des mouvements qui prônent l'assassinat de l'Etat démocratique et le retour à une vision totalitaire de la nation dans lequel s'inscrit le meurtre pour des raisons religieuses ou racistes.
L'émission Les infiltrés de France2, révèle la face cachée d'un groupuscule d'extrême droite français, qu'on pourrait qualifier de néo-nazi ou néo-fasciste, faute d'appellation claire en la matière. Ouvertement anti-démocrate, anti-républicain, antisémite, anti-arabe, homophobe, le mouvement rêve de renverser l'ordre établi pour y asseoir sa conception du monde. Soutenu par un clergé local de la branche des traditionalistes, on découvre avec stupéfaction que le fondamentalisme religieux catholique fait bon ménage avec ces nouveaux fascistes.
Le groupuscule d'extrême droite a pris pour nom Dies Irae, qui signifie littéralement "Jour de colère". Ce terme fait référence à une partie de la liturgie catholique en latin concernant les défunts. Or, dans les années soixante, l'Eglise, qui souhaitait se moderniser, a supprimé les messes en latin. Le Dies Irae a donc disparu du rite ordinaire de la messe romaine.
Quant aux traditionalistes, ils sont nés du refus de suivre l'Eglise dans son évolution contemporaine. On les appelle également les lefebvristes, du nom de l'évêque qui a pris la tête de ce mouvement réactionnaire.
On comprend mieux désormais le lien qui unit les membres du mouvement révolutionnaire Dies Irae et certaines paroisses catholiques intégristes: la colère divine. Cela rappelle, qu'il fût un temps où la politique et la religion marchaient main dans la main, pas toujours pour le bien-être et l'épanouissement de la société civile.
Plus inquiétant encore, durant les 5 mois qu'a duré l'enquête, le documentaire retrace le rôle joué par une paroisse de Bordeaux dans l'enseignement d'enfants confié à un système scolaire privé, totalement subversif. Au programme: révisionnisme, négationnisme, histoire revisitée, interprétée à souhait. Les enfants sont conformes à la vérité de leurs parents et du corps enseignant de l'établissement. Ils tiennent des propos extrêmement violents et racistes. De vrais futurs aryens, endoctrinés dans un milieu qui ressemble étrangement à ce qu'on décrit en parlant de l'univers des sectes religieuses.
Le reportage a suscité de nombreuses réactions sur le forum de la chaîne. Des internautes catholiques pratiquants ou enseignants de collèges catholiques ont dénoncé les amalgames entre ces groupuscules et l'ensemble des catholiques traditionalistes. Un autre internaute, de confession musulmane, faisait remarquer suite au débat d'après émission, que lorsqu'on évoque l'extrémisme religieux en lien avec la religion catholique, on apporte les nuances nécessaires pour éviter les raccourcis. En revanche, les pratiquants de l'Islam sont tous mis à la même enseigne, sans distinction possible entre les intégristes et la grande masse de croyants.
Sur fond de tensions communautaires, ce documentaire a le mérite de pointer du doigt la résurgence de formes ultra-nationalistes et de l'intégrisme religieux dans nos sociétés modernes. Selon Taslima Nasreen, dissidente bangladaise en exil et qui lutte pour l'émancipation des femmes dans la religion musulmane, "le conflit n'est pas entre le christianisme et l'islam, il est entre la laïcité et le fondamentalisme, entre les croyances irrationnelles, aveugles et la raison, entre le passé et le futur." Dans ce sens, toute forme d'intégrisme religieux quel qu'il soit, représente une menace pour la démocratie et doit être combattu.