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La chronique de Cynthia Fleury La fin de l’exception humaine

Les élections régionales de 2010 viennent de signer une nouvelle ère de l’abstention (53,64 %). Les sondages créditaient l’UMP et le PS de 29,5 %, Europe Écologie de 12 %, le Front de gauche (Parti communiste et Parti de gauche) de 6 %, le Front national de 9 %, le Modem de 4,5 %, le NPA de 1,5 %. Ce sera, au final, le PS à 29,4 %, UMP 26 %, EÉ 12,2 %, FN 11,4 %, FG 5,6 %, Modem 4,2 %, NPA 2,5 %. Le vote écologique est désormais la troisième force politique. Certes, ce ne sera pas le carton des dernières élections européennes – l’Europe étant peut-être jugée comme un vecteur plus efficace pour défendre une norme environnementale haute –, mais il devient un poids important dans la région.

Ce vote écologique traduit-il une crise des valeurs  ? Et avons-nous conscience de ce qu’elle recoupe  ? Sommes-nous prêts à réellement remettre en cause non seulement notre mode de vie quotidien, mais également nos fondamentaux spirituels et philosophiques qui consacrent, du moins en Occident, une place exceptionnelle à l’homme  ? Désirons-nous cette fin de l’exception humaine  ? Est-il si sûr qu’elle soit porteuse d’un humanisme nouveau  ?

Récemment, 22 auteurs (1) ont fait le choix d’un tel plaidoyer, en développant les racines historiques de notre crise écologique (Lynn White). Tout d’abord l’histoire des transformations écologiques n’est pas toujours à corréler aux conséquences de l’arraisonnement technique de la raison. « Depuis six millénaires au moins, les berges du Nil inférieur sont un artefact humain alors que la nature, sans l’intervention de l’homme, en aurait fait une jungle africaine marécageuse. » Mais il est vrai que depuis que la science a partie liée avec la technique et la démocratisation, les choses se sont sensiblement déréglées. « La question est de savoir si un monde démocratisé peut survivre à ses propres implications. » Et si notre planète résistera aux présupposés moraux de nos références judéo-chrétiennes et anthropocentriques  ? En remplaçant l’animisme païen respectueux de différence de la nature par le culte des saints, proprement chérubinique, l’homme se fit maître et possesseur de la nature. Même si le christianisme a eu son saint François d’Assise, n’envisageant l’homme que sous l’angle de l’humilité et de son accord avec la nature, ou ces théologiens jésuites à l’image de Teilhard de Chardin qui pensent la Terre comme manifestation du sacré, le postulat chrétien demeure néanmoins celui d’une nature qui trouve sa raison d’exister dans le service à l’homme.

La thèse n’est pas, néanmoins, défendue par tous. Jean Bastaire est ahuri devant une telle accusation du dogme judéo-chrétien. C’est une méconnaissance totale de la subtilité du christianisme que d’en faire un anthropocentrisme forcené. Le salut porté par le Christ passe par l’homme mais atteint tout l’univers. L’homme n’est pas propriétaire de la nature mais son gérant. Être à l’avant-garde de la lutte écologique peut alors être une tâche prioritaire pour l’Évangile.

Demain, une tradition panenthéiste pourrait bien se mettre en place  : non pas la nature est Dieu ou Dieu est la nature, mais la nature est en Dieu comme Dieu dans elle. Mais comment transformer cette nouvelle spiritualité en praxis  ? Et le faut-il  ? Car si l’on comprend la nécessité de ne pas s’adonner à l’anthropocentrisme intégral et qu’il vaut mieux penser l’homme inséré dans son milieu que le surplombant, il n’en demeure pas moins qu’on ne sait pas anticiper les conséquences morales, juridiques, économiques et sociales d’une telle rupture de paradigme culturel.

(1) Dominique Bourg, Philippe Roch (dir.), Crise écologique, crise des valeurs  ? éditions Labor et Fides, 2010.