La Première Guerre mondiale[note 1] est un conflit militaire qui s'est principalement déroulé en Europe de 1914 à 1918. Un des évènements marquants du XXe siècle, cette guerre a atteint une échelle et une intensité inconnues jusqu'alors. Elle a mis en jeu plus de soldats, provoqué plus de décès et causé plus de destruction matérielle que toute guerre antérieure. Plus de 60 millions de soldats y ont pris part[1],[2]. Pendant cette guerre, environ 9 millions de personnes sont décédées et environ 8 millions sont devenues invalides[3],[4]. D'autres évènements survenus pendant cette période : le génocide arménien (1915-1916), la première Bataille de l'Atlantique (1917), la Révolution russe (1917) et la grippe de 1918, ont augmenté la détresse des populations civiles. Pour toutes ces raisons, cette époque a marqué de façon indélébile ceux qui l'ont vécue.
Cette guerre a amené de profonds changements géopolitiques, lesquels ont profondément modifié le cours du XXe siècle. Elle a causé l'effondrement ou la fragmentation des empires austro-hongrois, russe et ottoman. L'Empire allemand a disparu et l'Allemagne a vu son territoire réduit. Conséquemment, les cartes de l'Europe et du Moyen-Orient ont été redessinées. Des monarchies ont été remplacées par des États communistes ou par des républiques démocratiques. Pour la première fois, une institution internationale a été créée dans le but de prévenir les guerres : la Société des nations.
L'étincelle qui provoqua la guerre survint le 28 juin 1914, lorsque des Serbes bosniaques parvinrent à assassiner l'archiduc François-Ferdinand, héritier du trône austro-hongrois. Les exigences de vengeance de l'Autriche-Hongrie à l'encontre du Royaume de Serbie menèrent à l'activation d'une série d'alliances qui obligèrent plusieurs puissances européennes à s'engager sur la voie de la guerre. Plusieurs de ces nations étaient à la tête d'empires s'étendant sur plusieurs continents, ce qui explique la portée mondiale du conflit.
Cette guerre fut surtout le fait de deux grandes alliances : la Triple-Entente et celle des Empires centraux. La Triple-Entente était composée de la France, de la Grande-Bretagne, de la Russie et des empires qu'elles contrôlaient en tant que grandes puissances coloniales. Plusieurs États se joignirent à cette coalition, dont le Japon en août 1914, l'Italie en avril 1915 et les États-Unis en avril 1917. La coalition des Empires centraux était initialement constituée de l'Allemagne, de l'Autriche-Hongrie et des empires qu'elles contrôlaient. L'Empire ottoman les rejoignit en octobre 1914, suivi un an plus tard de la Bulgarie. À la fin des hostilités, seuls les Pays-Bas, la Suisse, l'Espagne, les États scandinaves et Monaco étaient demeurés officiellement neutres parmi les nations européennes, mais certaines avaient participé financièrement ou matériellement aux efforts de guerre des protagonistes.
Les combats se déroulèrent en majorité sur différents fronts qui se situèrent surtout en Europe, mais une petite partie de l’Asie et de l’Afrique, ainsi que l’Atlantique Nord subirent des conflits. Le front de l'Ouest était caractérisé par un ensemble de tranchées et de fortifications séparées par une aire surnommée le no man's land[5]. Ces fortifications s'étendaient sur plus de 600 kilomètres[5], incitant à une forme de combats dénommée « guerre des tranchées ». Sur le front de l'Est, l'étendue des plaines et la faible densité ferroviaire ont empêché une stabilisation des champs de bataille, mais le conflit était tout aussi étendu. Il y a eu d'importants combats dans les Balkans, au Moyen-Orient et en Italie. La guerre s'est aussi déroulée dans les airs, mais de façon rudimentaire comparativement à la Seconde Guerre mondiale.
Les origines
Si la Première Guerre mondiale est déclenchée par l'assassinat de l'archiduc François-Ferdinand à Sarajevo, héritier du trône d’Autriche, cet événement ne fait que cristalliser des tensions issues de contentieux antérieurs. C'est le détonateur d'une guerre préparée de longue date, aux origines plus profondes. On compte parmi les raisons structurelles un nationalisme fort, la montée des impérialismes et les volontés expansionnistes ou qui y sont associées comme l'irrédentisme italien, des conflits précédents non résolus (perte de l'Alsace-Lorraine par la France, guerres balkaniques) auxquelles s'ajoutent les rivalités économiques, un système d'alliances militaires complexe développé entre les différents pays européens au cours du XIXe siècle après la défaite napoléonienne de 1815 et le Congrès de Vienne qui s'en est suivi, des malentendus diplomatiques (l'Allemagne croyait notamment que le Royaume-Uni resterait neutre[6][7]) ou encore des gouvernements instables comme le régime parlementaire en France. Le climat de tension régnant avait poussé les grandes puissances européennes dans une course aux armements et chaque état-major s'était activement préparé au conflit. L'attentat de Sarajevo va déclencher ce que l’historien Jean-Baptiste Duroselle appelle un « mécanisme »[8] qui va entraîner presque malgré eux les protagonistes vers une guerre totale.
Impérialisme et nationalisme
La question coloniale et économique
L'impérialisme des nations européennes est rendu visible à travers la question coloniale. Depuis la conférence de Berlin de 1885, qui avait permis le partage de l'Afrique entre les grandes puissances européennes, les différends coloniaux ne vont cesser de s'accroître, entretenant par là même les tensions entre les métropoles. Tensions d'abord entre Français et Anglais en Égypte et, surtout, au Soudan avec la Crise de Fachoda en 1898 puis tensions entre la France et l'Italie sur la Tunisie en 1881, qui vont entraîner l'adhésion de l'Italie à la Triplice. Il y aura aussi tensions entre l'Angleterre et la Russie en Afghanistan et en Mandchourie. Les tensions entre la France et l'Allemagne apparaissent dès 1905 au Maroc. Depuis 1871, l'Allemagne unifiée a rattrapé, en quelques décennies, son retard économique sur le reste de l'Europe occidentale en se dotant par exemple d’une industrie très concentrée[9]. L'Allemagne regarde donc outre-mer et vers l’Afrique où elle espère trouver des matières premières à bon marché ou même fonder des comptoirs pour écouler ses produits manufacturés[10]. Cependant, la France et l'Angleterre se sont depuis longtemps partagées l'Afrique et l'Asie. L'Allemagne, sauf en de rares endroits comme au Cameroun, Namibie, Tanzanie, Togo ne peut obtenir de zones d’influence dans les colonies. Aussi ressent-elle comme une injustice que son industrie de plus en plus compétitive se heurte à la crainte ou à l’égoïsme des autres puissances européennes[11]. Ne disposant pas de colonies de peuplement, Guillaume II souhaite prendre pied au Maroc au nom de la Weltpolitik. Les deux crises, en 1905 avec le Coup de Tanger et en 1911 avec le Coup d'Agadir, qui l’opposent à la France conduisent à une multiplication des incidents diplomatiques. Pour l'historien allemand Fritz Fischer, cette situation est l’une des principales causes du déclenchement du conflit.
Les inquiétudes sont aussi d'ordre économique. Même si chaque pays développe son économie, la rivalité économique entre l'Allemagne et la France s'accroît à partir de 1912[12]. La grande puissance industrielle allemande inquiète les États européens, car les produits allemands inondent les marchés français et britanniques[13]. Cette rivalité économique « (a) contribué à alourdir le climat général entre les deux États et, par là même, à faciliter la rupture[14] ». Quant aux Allemands, ils s’inquiètent de la croissance économique et démographique de la puissance russe qui les amène à penser qu’ils seraient incapables de lui résister dans quelques années ; de telle sorte qu’ils ont peut-être intérêt à provoquer un conflit avant qu’il ne soit trop tard[15].
L’antagonisme franco-allemand puise également sa force dans l’idée de revanche et le retour à la mère patrie des provinces perdues d'Alsace-Lorraine[16] où la résistance à l'Allemagne est forte[17]. L'antagonisme se nourrit aussi de la crainte qu’éprouvent les Français devant la poussée démographique de l’Allemagne alors que la France connait un déclin démographique durable[18]. Enfin, l’empereur Guillaume II est très influencé par le milieu des officiers prussiens[19], garant de la solidité de l’empire, tout auréolé de ses succès du milieu du XIXe siècle et qui a forgé l’unité allemande face à l’Autriche et à la France. Pour l’empereur, la guerre, un conflit localisé dans les Balkans notamment, peut être une solution pour résoudre les problèmes territoriaux.
Les ambitions territoriales en Europe
Les Balkans, soustraits de l’Empire ottoman, sont en effet l’objet de rivalités entre les grandes puissances européennes[20]. En 1878, suite à une révolte des Bulgares et à une intervention des Russes puis des Autrichiens, la partie nord de Balkans est détachée de l’Empire ottoman. La rivalité entre Russes et Autrichiens dans les Balkans s’accentue[21]. En 1912 et 1913, deux guerres affectent la région : la première est tournée contre la Turquie qui perd tous ses territoires en Europe à l’exception de la Thrace orientale ; la seconde est un conflit entre la Bulgarie et les autres pays balkaniques. Elle se traduit par un importante extension du territoire de la Serbie et par la création, sous la pression autrichienne, d’une Albanie indépendante qui empêche la Serbie d’avoir une façade maritime.
L’Empire ottoman, déjà très affaibli, est ébranlé par la révolution des Jeunes-Turcs en 1908. L’Autriche-Hongrie en profite pour mettre la main sur la Bosnie-Herzégovine voisine. L’Autriche-Hongrie désire continuer son expansion dans la vallée du Danube, jusqu’à la mer Noire, ou, du moins, maintenir le statu quo hérité du traité de San Stefano et du traité de Berlin. L’instabilité chronique de la région attise en effet l’impérialisme des grandes puissances européennes, ainsi que leur désir d’étendre leurs zones d’influence respectives. Depuis longtemps, la Russie nourrit des ambitions face à l’Empire ottoman : posséder un accès à une mer chaude (mer Méditerranée). Cette politique passe par le contrôle des détroits. Dans les Balkans, elle trouve un allié de poids en la Serbie, qui a l’ambition d’unifier les Slaves du sud. Le nationalisme serbe se teinte donc d’une volonté impérialiste, le panserbisme. Et il rejoint le panslavisme russe, récoltant l’appui du tsar à ces mêmes Slaves du sud.
Les puissances centrales ont également des ambitions dans la région : l’Autriche-Hongrie annexe la Bosnie-Herzégovine et l’Allemagne a des intérêts dans l’Empire ottoman[22]. Dans l’empire austro-hongrois, où pas moins de quarante peuples cohabitent, les velléités séparatistes sont nombreuses. Les aspirations de peuples nées des bouleversements dus à la Révolution française mettent directement en péril la suprématie autrichienne sur les peuples inféodés suite à des siècles d’histoire. Il en va de même pour l'Empire russe où les Polonais sont par exemple privés d’État souverain et se trouvent partagés entre les empires russe, allemand et austro-hongrois.
L’Italie, unifiée depuis 1860, a donné à la France, à la suite de la victoire de la France sur l’Autriche, la Savoie et le comté de Nice. Malgré un fort courant pacifiste, l’Italie veut prendre au voisin autrichien, avec lequel elle a un vieux contentieux, des territoires qu’elle considère comme italiens, les Terres irrédentes, car majoritairement italophones[23]. Elle désire s’étendre en Dalmatie, liée historiquement à l'Italie et où l’on parle aussi italien, et contrôler la mer Adriatique, à l’instar de ce qu'a fait la République de Venise, et ce d’autant plus que ses tentatives de conquête d’un empire colonial africain ont échoué après la débâcle d’Adoua en Abyssinie en 1896. Seule une partie du Tigré a été rattachée à l’Érythrée déjà italienne, ainsi que la Somalie. La Libye est devenue colonie italienne en 1911 à la suite de la guerre italo-turque.
Les systèmes d’alliances
De vastes systèmes d’alliances se sont créés à la fin du XIXe et au début du XXe siècle. Deux grands systèmes d'alliances se dessinent. La Triplice, plus ancienne, est l’œuvre du chancelier prussien Otto von Bismarck[24]. Conscient de l’hostilité française depuis l’annexion de l’Alsace-Lorraine, Bismarck cherche, sur le plan diplomatique, à isoler la France de la IIIe République pour l’empêcher de nouer une alliance contre le Reich. En 1879, sous son impulsion, un premier rapprochement a lieu entre l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie. En 1881, l’Italie demande son intégration dans l’association germano-autrichienne par opposition à la France qui a pris pied en Tunisie, territoire que l’Italie revendiquait. Le 20 mai, un accord tripartite voit donc le jour : la Triplice ou Triple-Alliance. Mais l’Italie n’est pas une alliée sûre. Elle revendique en effet le Trentin et l’Istrie, les terres irrédentes sous domination autrichienne. Le traité est cependant sans cesse renouvelé même si l’attitude de l’Italie devient de plus en plus ambiguë, en particulier avec la signature d’un accord secret de neutralité avec la France en 1902[24]. La démarche diplomatique française vis-à-vis du royaume transalpin a l’avantage d’éviter à la France de devoir combattre sur deux fronts. En 1914, l’Allemagne peut aussi compter sur la sympathie de la Turquie[24]. La menace russe pour prendre le contrôle des détroits se précise. En effet, l’Angleterre qui, jadis, protégeait l’Empire ottoman, est maintenant alliée à la Russie. Pour la Turquie, seul un rapprochement avec l’Allemagne de Guillaume II peut la sortir de son isolement. L’Allemagne, qui n’a guère de colonies, a accompli une œuvre de propagande en se présentant comme la protectrice des nations d’outre-mer et comme la garante de leur indépendance. Elle a ainsi pu trouver des sympathies auprès des peuples colonisés dans tout le bassin de la Méditerranée, du Caucase à Marrakech.
La France finit cependant par sortir de son isolement. Le 27 août 1891, une convention militaire secrète est signée entre la France et la Russie après le lancement du premier emprunt russe sur la place de Paris[25]. Ce choix diplomatique contre-nature est dicté par les impératifs de la politique internationale. Cet accord est officialisé le 27 décembre 1893. L’alliance franco-russe est renforcée en 1912 et prévoit une alliance défensive entre les deux pays. La France bénéficie ainsi d’un allié de poids, notamment sur le plan démographique et stratégique, avec la possibilité d’un deuxième front à l’est de l’Allemagne, ou d’un front en Inde en cas de guerre avec l’Angleterre, tandis que l’empire tsariste peut moderniser l’économie et l’armée du pays grâce aux capitaux français. Après la crise de Fachoda en 1898 entre Français et Anglais, les deux États ont réglé leurs différends coloniaux. En 1904, inquiet des progrès économiques et commerciaux de l’Empire allemand et de la puissance acquise sur mer par la flotte allemande, le Royaume-Uni accepte enfin de sortir de son isolement. Théophile Delcassé, alors ministre des Affaires étrangères français, réussit le rapprochement franco-anglais avec la signature de l’Entente cordiale en 1904[26]. Celle-ci n’est pas un traité d’alliance liant les deux pays, mais leur destin est de plus en plus imbriqué. Enfin, en 1907, à l’instigation de la France, le Royaume-Uni et la Russie règlent leurs contentieux en Asie en délimitant leurs zones d’influences respectives en Perse, en Afghanistan et en Chine. Ainsi naît la Triple-Entente.
Stratégies et course aux armements
Sur le plan stratégique, le haut état-major allemand élabore un nouveau plan militaire entre 1898 et 1905. Contrainte de combattre sur deux fronts en cas de guerre, l’Allemagne choisit en conséquence de faire porter tous ses efforts sur une rapide victoire à l’ouest. La crainte d'un encerclement est le cauchemar de l'Allemagne[27]. Le plan Schlieffen prévoit donc de mener une blitzkrieg sur le front de l’Ouest, en France et en Belgique, alors qu’une petite partie des troupes allemandes et la totalité des troupes austro-hongroises garderaient le front de l’Est, qui ne serait pas directement menacé par la Russie à cause de la lenteur de la mobilisation. Avec ce plan, l’Allemagne pense défaire la France en six semaines[28]. Pour qu'il puisse réussir, c'est-à-dire pour que l'armée allemande puisse prendre à revers l'armée française, les Allemands font le pari de violer délibérément la neutralité de la Belgique garantie par des traités internationaux que l'Allemagne avait pourtant signés. Une fois la victoire acquise à l'ouest, les armées allemandes compte se retourner contre la Russie et l'anéantir. Ce plan élaboré oblige cependant l’Allemagne de Guillaume II à prendre l’initiative des opérations militaires.
De son côté, la France met sur pied à partir de 1913 le plan XVII[29] qui, respectant la neutralité belge, prévoit d’attaquer l’Allemagne par la Lorraine sur un terrain moins favorable que les plaines de Flandre. Enfin, les Britanniques sous l'impulsion de Henry Hughes Wilson, directeur des opérations militaires au Ministère de la Guerre, adoptèrent un plan de débarquement du Corps expéditionnaire britannique en France en cas d'attaque allemande. L'état-major de la Royal Navy s'opposait à cette idée, car cela serait trop long à mettre en œuvre ; les Allemands seraient à mi-chemin de Paris le temps d'agir. En plus, les quatre à six divisions que les Britanniques seraient susceptibles de mettre sur pied auraient peu de poids dans une guerre où chaque camp alignaient entre 70 et 80 divisions. Ils préféraient garder l'armée au pays, pour être débarquée à Anvers ou sur la côte allemande, lorsque cela serait opportun. Les arguments de Wilson, expliquant que la grande qualité des soldats britanniques et leur utilisation pour renforcer le flanc gauche des Français pour s'opposer à la puissante aile droite des Allemands suivant le plan Schlieffen, aurait un effet hors de proportion avec les effectifs impliqués, convainquirent le gouvernement[Quoi ?].
Dans les deux camps, la course aux armements s’accélère et il y a surenchère dans la préparation de la guerre. Les dépenses consacrées aux armées s’envolent. Les fortifications frontalières (du moins à la fin du XIXe siècle), l’artillerie (le fameux canon de 75 de l’armée française) et les flottes de guerre (le Dreadnought britannique) absorbent une bonne partie des crédits militaires. Le matériel est modernisé et la durée du service militaire allongée dans plusieurs pays : en France, la durée du service militaire passe à 3 ans en août 1913[30] pour pallier (dans une certaine mesure) l’infériorité numérique de la France face à l’Allemagne. En effet, si, en 1870, les deux pays avaient une population quasi-identique, en 1914 l’Allemagne comprenait une population de 67 millions[31], tandis que la France, ayant à peine comblé la perte de l’Alsace-Lorraine, était peuplée d'environ 40 millions d’habitants[32].
L'attentat de Sarajevo
Le détonateur du processus diplomatique aboutissant à la guerre est le double assassinat de l’archiduc François-Ferdinand, héritier du trône d’Autriche-Hongrie, et de son épouse morganatique Sophie Chotek, duchesse de Hohenberg, à Sarajevo le 28 juin 1914 par un étudiant nationaliste serbe de Bosnie, Gavrilo Princip[33]. Les autorités autrichiennes soupçonnent immédiatement la Serbie voisine d’être à l’origine du crime. Le 5 juillet, l’Allemagne assure l’Autriche-Hongrie de son soutien et lui conseille la fermeté. Il semble au haut commandement allemand que jamais les chances d’un succès contre la Serbie, la Russie et la France ne seraient aussi favorables. Berlin pense que, manquant d’artillerie lourde, la France retiendra la Russie. Il y a risque de guerre, mais il semble limité. C’est la politique dite « du risque calculé » définie par le chancelier Bethmann-Hollweg. L’Autriche, quant à elle, compte profiter de l’occasion pour éliminer la Serbie en tant que puissance dans les Balkans[34].
L’entrée en guerre
Crise de juillet
Le 23 juillet, l’Autriche-Hongrie adresse un ultimatum en dix points à la Serbie dans lequel elle exige que les autorités autrichiennes puissent enquêter en Serbie[35]. Le lendemain, à l’issue du Conseil des ministres tenu sous la présidence du tsar à Krasnoïe-Sélo, la Russie ordonne la mobilisation générale pour les régions militaires d’Odessa, Kiev, Kazan et Moscou, ainsi que pour les flottes de la Baltique et de la mer Noire. Elle demande en outre aux autres régions de hâter les préparatifs de mobilisation générale[36]. La Serbie décrète la mobilisation générale le 25 et, au soir, déclare accepter tous les termes de l’ultimatum, hormis celui réclamant que des enquêteurs autrichiens se rendent en Serbie[35]. Au même moment, l’Autriche rompt ses relations diplomatiques avec la Serbie. Le lendemain, l’Autriche ordonne une mobilisation partielle contre la Serbie pour le 28, jour où elle déclare la guerre à la Serbie.
Le 29 juillet, la Russie déclare unilatéralement - en dehors de la concertation prévue par les accords militaires franco-russes - la mobilisation partielle contre l’Autriche-Hongrie[37]. Le chancelier Bethmann-Hollweg se laisse alors jusqu’au 31 pour une réponse appropriée. Le 30, la Russie ordonne la mobilisation générale contre l’Allemagne. Le lendemain, l’Allemagne proclame « l’état de danger de guerre ». C’est aussi la mobilisation générale en Autriche pour le 4 août. En effet, le Kaiser Guillaume II demande à son cousin le tsar Nicolas II de suspendre la mobilisation générale russe. Devant son refus, l’Allemagne adresse un ultimatum exigeant l’arrêt de sa mobilisation et l’engagement de ne pas soutenir la Serbie. Un autre est adressé à la France, lui demandant de ne pas soutenir la Russie si cette dernière venait à prendre la défense de la Serbie. En France, Jean Jaurès, à la veille de dénoncer les manœuvres qu’il perçoit comme bellicistes du gouvernement Viviani, est assassiné à Paris par Raoul Villain le 31 juillet.
Le 1er août, à la suite de la réponse russe, l’Allemagne mobilise et déclare la guerre à la Russie. En France, le gouvernement décrète la mobilisation générale le même jour, à 16h00[38]. Le lendemain, l’Allemagne envahit le Luxembourg, pourtant neutre et adresse un ultimatum à la Belgique, elle aussi neutre, pour réclamer le libre passage de ses troupes[39]. L’Italie déclare qu’elle reste neutre. Au même moment, l’Allemagne et l’Empire ottoman signent une alliance contre la Russie. Le 3 août, la Belgique rejette l’ultimatum allemand. L’Allemagne, qui entend prendre l’initiative militaire selon le plan Schlieffen, déclare la guerre à la France qui, à l'ultimatum allemand, avait répondu que « la France agirait conformément à ses intérêts »[40]. L'Allemagne déclare ensuite la guerre à la Belgique[41].
L’Angleterre déclare qu’elle garantit la neutralité de la Belgique. Le lendemain, les armées allemandes pénètrent en Belgique. Le Royaume-Uni adresse un ultimatum à l’Allemagne, lui demandant de retirer ses troupes de Belgique. Le gouvernement de Londres ne reçoit aucune réponse, et déclare donc la guerre à l’Allemagne. Faisant partie du Commonwealth, le Canada, l’Australie, l’Inde, la Nouvelle-Zélande et l’Afrique du Sud entrent automatiquement en guerre contre l’Allemagne. Le 6 août, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Russie aux côtés de l’Allemagne. Le 11, la France déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie, suivie par l’Angleterre le 13. Enfin, le 23 août, le Japon déclare la guerre à l’Allemagne.
Forces en présence
Les deux camps sont équilibrés. L'Alliance et l'Entente possèdent des effectifs pratiquement identiques. En 1918, la guerre concerne la plupart des pays du monde.
La France, malgré une population d’environ 39 millions d’habitants, peut disposer immédiatement de près de 800 000 soldats d’active depuis l’adoption de la loi qui fixe la durée du service militaire à trois ans[42]. La mobilisation, terminée vers le 15 août, complète les effectifs. Les uniformes portés par les soldats français ressemblent singulièrement à ceux portés lors de la guerre de 1870 avec le fameux pantalon garance. Il est porté non seulement par tradition, mais aussi pour être vu de loin par l’artillerie, et donc pour éviter les pertes par tirs amis. En effet, la doctrine française de l’offensive s’appuyait sur le canon à tir rapide de 75, devant accompagner l’infanterie pour réduire les troupes adverses avant l’assaut. Il faut attendre 1915 pour que soit distribué l'uniforme bleu horizon[43].
Au début des hostilités, le Corps expéditionnaire britannique n’est encore qu’en petit nombre, environ 70 000 hommes[44], et ne joue qu’un rôle mineur dans le déroulement des opérations. Il est essentiellement composé de soldats professionnels bien entraînés, bien équipés et expérimentés. L’Angleterre peut également s’appuyer sur les millions de soldats venus de ses colonies (Indes, Kenya, Nigeria, etc.), et surtout des dominions : Canada, Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud et Terre-Neuve.
Les armées russes sont énormes, et la France compte beaucoup sur elles pour diviser l’armée allemande ; mais ce nombre impressionnant de soldats (1 300 000 soldats d'active et 4 000 000 de réservistes[45]) masque le fait qu’il ne s’agit le plus souvent que de paysans sans aucune formation militaire, mal armés et mal équipés. Le commandement russe se révèle lui-même médiocre.
L’Allemagne est bien plus peuplée, 67 millions d’habitants, mais elle doit réserver une partie de ses forces au front de l’Est. La moyenne d’âge des soldats allemands est également inférieure à celle des Français. Au début de la guerre, l’Allemagne, contrairement à la France, n’a pas rappelé les classes d’âge élevé et dispose encore d’importantes réserves humaines : 870 000 hommes[46]. L’équipement du soldat allemand est généralement meilleur que celui du soldat français. En dehors de certains anachronismes, comme le casque à pointe, il tient généralement compte de l’expérience acquise dans les conflits de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle.
La guerre du droit
Lorsque la mobilisation est décrétée en France le 1er août 1914, elle trouve une opinion marquée par la stupeur et la consternation, notamment dans le monde rural en pleine moisson[47]. L’idée d’une revanche contre l’Allemagne pour reprendre les provinces perdues s’est éloignée peu à peu des jeunes générations. Duroselle qualifie d'ailleurs l'hypothèse d'une guerre de revanche comme absurde[48]. Les mobilisés font pourtant preuve d’une véritable résolution devant cette guerre à entreprendre, la France fait figure d'agressée par l’Allemagne. Le patriotisme des combattants est donc un patriotisme défensif[49]. De plus, beaucoup pensent que la guerre sera courte. Même si les moments d’enthousiasme sont une réalité, notamment à l’occasion du rassemblement des mobilisés dans les gares, on est loin de l’image d'Épinal d’un pays partant « la fleur au fusil » pour reconquérir au nom de la « revanche » les provinces d’Alsace–Lorraine perdues lors de la guerre de 1870-1871. Les Français ne sont pas moins décidés à se battre, comme en témoigne le nombre de déserteurs, 1,5 % des mobilisés[50], et convaincus dans leur immense majorité de la légitimité de leur cause.
En Allemagne et au Royaume-Uni se manifeste aussi un patriotisme sans faille[51]. Par contre, en Autriche-Hongrie, les Slaves ne veulent pas se battre pour un empereur qui les opprime. De même, en Russie, une opposition à la guerre se développe dans les milieux libéraux et révolutionnaires. Les socialistes russes sont divisés entre le ralliement à l’Union Sacrée, l’internationalisme et le défaitisme. Le président français Raymond Poincaré appelle à l’Union Sacrée[52]. La Chambre et le Sénat français votent les crédits de guerre à l’unanimité. Il en va de même au Reichstag où les députés sociaux-démocrates votent aussi par 78 contre 14 les crédits de guerre[53] malgré leurs engagements contre la course aux armements. Au même moment, l’Union Sacrée se forme en Russie : la Douma vote des crédits de guerre.
Comme les armées commencent à s’affronter, les belligérants se lancent dans une lutte médiatique au moyen de publications sélectivement documentées, exhibant essentiellement des échanges diplomatiques. Le Livre blanc de l'Allemagne en contient ainsi 36. Le Livre jaune français, achevé après trois mois de travail, en regroupe 164. Ils mesurent l’effort consenti par les gouvernements respectifs pour convaincre les opinions publiques et les peuples du bien-fondé de leurs actions. Ouvrages de propagande, ils présentent tous des aménagements qui trahissent les objectifs recherchés. Dans le Livre Blanc, des coupures éliminent ainsi tout ce qui pourrait bénéficier à la position russe[54]. Le Livre Jaune représente une vaste « collection de falsifications »[55] visant à dissimuler l’appui inconditionnel accordé à la Russie, lui garantissant un second front, et à prouver que cette dernière a été contrainte à la mobilisation générale par celle de l’Autriche-Hongrie. Il fournit la base sur laquelle le gouvernement français s’est appuyé pour formuler l’article 231 du traité de Versailles qui affirme l’exclusive responsabilité de l’Allemagne et de ses alliés.
Les buts de guerre
Icône de détail Article détaillé : Les Buts de guerre de l'Allemagne impériale.
La formulation des buts de guerre est délicate pour la plupart des États belligérants. Beaucoup de chefs d'État considèrent cela comme dangereux et inutile, car la proclamation de buts de guerre concrets pourrait entraîner des obligations qu'ils préfèreraient éviter. Ne pas atteindre les buts de guerre annoncés publiquement pourrait en effet être perçu par la suite comme une défaite. Les chefs d'État parlent dans la première phase de la guerre des buts de guerre uniquement de manière générale et cela jusqu'en 1917[56] et se consacrent plus volontiers à rallier l'opinion publique à l'idée de victoire. Des buts de guerre détaillés sont secondaires, ne compte que le caractère héroïque de la guerre. D'un autre côté, les aspirations d'expansion exprimées publiquement ont une influence négative sur la position des États neutres. Par la suite, la formulation publique des buts de guerre se révèle souvent nécessaire pour analyser s'il est toujours la peine de combattre pour telle ou telle ambition[57]. Tout comme les Alliés, les Empires centraux utilisent les buts de guerre pour encourager leur population, leurs alliés ou les pays neutres ou les brandissent pour menacer et ainsi décourager leurs ennemis[58]. La politique des buts de guerre de chaque camp comporte également un aspect économique : occuper ou exercer une influence dans les secteurs commerciaux pour ses propres exportations d'une part et obtenir de nouvelles sources de matières premières d'autre part.
Les opérations militaires
La guerre de mouvement en 1914
Le front Ouest et la « course à la mer »
Le chef d’état-major allemand Helmut von Moltke applique le plan Schlieffen. Le 4 août, l’Allemagne envahit la Belgique et le Luxembourg. L'attaque-éclair en Belgique au début du mois d’août rencontre une résistance acharnée autour de Liège. Les Allemands pénètrent en Belgique près d’Aix-la-Chapelle. Le roi Albert Ier lance un appel à la France et au Royaume-Uni. Le 8 août, les troupes françaises entrent à Mulhouse, qui tombe à nouveau aux mains des Allemands deux jours plus tard[59]. La percée en Lorraine, suivant le plan XVII, est un échec pour la France (bataille de Lorraine des 19-20 août) et les IIIe et IVe armées se replient derrière la Meuse. Les Allemands écrasent la résistance belge à Charleroi le 23 août et font reculer les forces franco-britanniques rencontrées sur la Sambre. Deux jours plus tard, les troupes allemandes entrent à Bruxelles[60]. Sur toute la ligne de front belge et luxembourgeoise, les Alliés reculent. Le plan Schlieffen se déroule selon les prévisions.
Les Britanniques, dirigés par le général French, et les Français se replient précipitamment, mais en ordre, sur la Marne. Ils sont poursuivis par trois armées allemandes qui parviennent à franchir la rivière, mais ne peuvent isoler l’aile gauche franco-britannique. Joffre, général en chef de l’armée française, parvient à opérer un glissement des troupes vers l’ouest pour éviter la manœuvre de débordement et d’encerclement des armées allemandes. L’attaque de la capitale semble imminente : c’est pourquoi du 29 août au 2 septembre, le gouvernement français quitte Paris et s’installe à Bordeaux, laissant la capitale sous le gouvernement militaire du général Gallieni. Le gouvernement civil exige des militaires que la capitale soit défendue et constitue une armée pour défendre Paris[61].
Mais Paris n’est pas le but des Allemands. Aussi pivotent-ils, toujours conformément au plan Schlieffen, en direction du sud-est pour encercler les armées françaises. Le 4 septembre, l’armée allemande occupe Reims, mais évite Paris en se dirigeant vers l’est. Le commandement voit là l’occasion d’attaquer les Allemands sur leur flanc. À l’appel de Joffre, l’armée française stoppe sa retraite le 6 septembre, fait demi-tour et repart à l’attaque. Des renforts sont envoyés de Paris grâce à la réquisition de taxis parisiens. C’est la Première bataille de la Marne (6-9 septembre)[62]. Après 4 jours de combats acharnés, les armées allemandes sont stoppées et reculent. Mais la bataille n’est pas décisive. Le haut commandement allemand a été affaibli par des divisions et les erreurs de Helmuth von Moltke. Croyant la victoire acquise à l’ouest, il a prélevé six corps d’armée le 25 août pour parer à une attaque des Russes, qui mobilisent plus vite que prévu pour soulager les Français. L’ensemble des forces allemandes se replie sur l’Aisne puis se fixe le long des Ardennes et de l’Argonne. En raison de l’échec du plan allemand et de la victoire française, Erich von Falkenhayn prend la tête de l’état-major allemand, le 14 septembre, en remplacement de von Moltke. Le 5 octobre, le conflit connaît ses premiers duels aériens près de Reims où un biplace Aviatik allemand est abattu à la carabine par les aviateurs français Frantz et Quénault.
Au nord-ouest du front, le 19 octobre, la « course à la mer » débute entre les armées allemande, française et britannique. Chaque camp cherche à déborder l’autre par le nord. Les Allemands souhaitent atteindre les ports de Dunkerque, de Boulogne-sur-Mer et de Calais pour couper les Anglais de leurs bases d’approvisionnement. Mais ils échouent à s’emparer des ports français de la Manche, grâce aux inondations provoquées par les Belges dans la région de l’Yser. Les Britanniques avancent jusqu’à Ypres, à l’extrémité sud-ouest de la Belgique. Après avoir pris Anvers le 10 octobre, les Allemands tentent une percée lors de la sanglante bataille des Flandres, en novembre, mais ils se heurtent à la résistance des troupes alliées commandées par Joffre. Le 27 octobre, les Allemands lancent une vaste offensive en Belgique déclenchée au nord, à l’est et au sud d’Ypres.
Le 3 novembre, l'Amirauté britannique fait miner la mer du Nord déclarée « zone de guerre ». Le Royaume-Uni fait confiance en sa marine pour protéger le pays et établir un blocus économique. Il ne possède en effet qu’une armée de métier de 250 000 hommes dispersés à travers le monde, dont 60 000 seulement sont prêts à partir pour la France.
En décembre, les armées alliées contre-attaquent sur toute la longueur du front allant de Nieuport à l’ouest jusqu’à Verdun à l’est, mais ne gagnent aucune victoire décisive[63]. La « mêlée des Flandres » marque la fin de la guerre de mouvement et des combats à découvert sur le front occidental, qui se stabilise sur près de 800 km, de la Suisse à la mer du Nord. À la fin de 1914, les deux camps creusent des tranchées.
Le front Est
Sur le front oriental, suivant les plans des Alliés, le tsar lance l’offensive en Prusse-Orientale le 17 août, plus tôt que prévu par les Allemands. En août, deux armées russes pénètrent en Prusse-Orientale et quatre autres envahissent la province autrichienne de Galicie après les victoires de Lemberg, en août et septembre. Face aux armées autrichiennes mal équipées, les armées russes avancent régulièrement. Elles s’emparent de Lvov (3 septembre) et de la Bucovine et repoussent les Autrichiens dans les Carpates, où le front se stabilise en novembre.
Face aux Allemands, les Russes remportent une victoire à Gumbinnen (19-20 août) sur les forces de la huitième armée allemande, inférieures en nombre. Ceux-ci sont sur le point d’évacuer la région lorsque des renforts commandés par le général Paul von Hindenburg remportent sur les Russes une victoire décisive lors de la bataille de Tannenberg (27-30 août 1914), confirmée lors de la bataille des lacs Mazures en Prusse-Orientale, le 15 septembre, ce qui oblige les Russes à battre en retraite vers leur frontière[64]. Les Allemands stoppent définitivement les offensives russes en Prusse (fin le 31 août). Le même jour, les Russes écrasent les Autrichiens lors de la bataille de Lemberg qui s’achève le 11 septembre. Le 20 octobre, au cours de la Bataille de la Vistule, les Allemands battent en retraite devant les Russes dans la boucle de la Vistule. Au début du mois de novembre, Hindenburg devient commandant en chef des armées allemandes sur le front Est.
Sur le front Sud-est, les Autrichiens tentent à trois reprises d’envahir la Serbie, mais ils sont repoussés et subissent une défaite à Cer, le 24 août. Les Serbes reprennent Belgrade le 13 décembre. Et enfin, entre le 29 octobre et le 20 novembre, les Turcs bombardent les côtes russes de la mer Noire. L’Empire ottoman rejoint les Allemands et les Autrichiens dans la guerre.
Mondialisation du conflit
Peu à peu, le conflit se mondialise. Le Japon, en tant qu’allié du Royaume-Uni, déclare la guerre à l’Allemagne le 23 août 1914, mais sa participation au conflit se limite à l’occupation des colonies allemandes de l’océan Pacifique (îles Marshall, Carolines et Mariannes) et des concessions allemandes de Chine (Shandong). Il profite du conflit pour renforcer ses positions face aux grandes puissances européennes en Asie.
La Turquie entre en guerre contre les pays de la Triple-Entente le 1er novembre 1914, en tant qu’alliée de l’Allemagne[65]. La motivation principale de la Turquie dans cette guerre est de combattre la Russie tsariste qui cherche à prendre le contrôle des détroits.
L’Italie, bien que membre de la Triplice, déclare la guerre à l’Autriche-Hongrie en mai 1915 après bien des hésitations. En août 1914, elle s’était prudemment déclarée neutre. Sollicitée par les deux camps, elle finit par pencher du côté des pays de la Triple-Entente. En effet, par le traité secret de Londres d’avril 1915, la France et le Royaume-Uni lui promettent qu’une fois la victoire acquise, elle bénéficierait de larges compensations territoriales, à savoir : les terres irrédentistes mais aussi une zone d’influence en Asie Mineure et en Afrique.
La Bulgarie, initialement neutre mais sollicitée par les deux camps, s’engage finalement aux côtés des puissances centrales en octobre 1915, à un moment où celles-ci semblent l’emporter sur le front des Balkans. Pour enlever l'adhésion des Bulgares, ces derniers n'avaient pas hésité à leur promettre en cas de victoire, la cession de la Macédoine serbe, la Dobroudja roumaine, ainsi qu'un accès à la Mer adriatique, que Sofia justement revendiquait.
Le Portugal entre en guerre aux côtés de l’Entente en mars 1916 pour consolider sa position en Europe et préserver ses colonies, convoitées par l’Allemagne. La Roumanie, bien que liée à la Triplice, déclare la guerre à l’Allemagne en août 1916, après la contre-offensive russe victorieuse sur le front oriental laissant espérer une défaite de l’Autriche-Hongrie. Elle revendique la Transylvanie hongroise. En 1914, la Grèce reste neutre, puis elle rejoint l’Entente en déclarant la guerre à la Bulgarie en novembre 1916, puis à l’Allemagne en juin 1917 après l’abdication et l’exil du roi Constantin.
Les États-Unis ont déclaré la guerre à l’Allemagne le 6 avril 1917. Cette entrée en guerre, quoique tardive et malgré le retrait russe de la guerre suite à la révolution bolchévique, fut décisive.
Sachant que les colonies participent à l’effort de guerre des métropoles européennes, la guerre est mondiale.
L’année 1915
Le front Ouest
L’année 1915 commence avec une innovation technique à l’Ouest. Le 19 janvier, un zeppelin effectue le premier bombardement aérien de civils au Royaume-Uni ainsi que le 21 mars où ce même dirigeable bombarde Paris. Le 21 janvier, les Russes réalisent une offensive dans les Carpates et 3 jours plus tard, la flotte britannique ressort victorieuse face à l’escadre allemande près du Dogger Bank. En février, les premiers avions armés d’une mitrailleuse, les Vickers F.B.5, équipent une escadrille de chasse britannique du Royal Flying Corps. Le gouvernement allemand proclame « zone de guerre » les eaux territoriales britanniques et c’est le début de la guerre sous-marine. Le 1er mars, les Alliés étendent le blocus à la totalité des marchandises allemandes.
Au front, les deux armées adverses sont immobilisées face à face sur une ligne continue de 780 kilomètres, allant de la mer du Nord à la Suisse. Ainsi la guerre devient une guerre de positions et de tranchées. Il s’agit d’une guerre d’usure, qui met à l’épreuve tant les forces morales que matérielles des combattants. Pour soulager les Russes, qui doivent faire face à une grande offensive des puissances centrales, les Turcs étant également passés à l’attaque au Caucase, Français et Britanniques lancent assaut sur assaut en Artois, puis en Champagne, le 16 février. Quatre jours plus tard, Reims est bombardée par les Allemands. Enfin, le 16 mars, la bataille de Champagne est terminée : la tentative de percée française est un échec. Ces offensives de 1915 réussissent à bousculer quelque peu les dispositifs allemands au prix de pertes effroyables. Le haut-commandement allié déplore l’insuffisance des moyens d’attaque et particulièrement en artillerie lourde, domaine dans lequel l’Allemagne possède une supériorité incontestable depuis le début de la guerre.
Le 22 avril, une nouvelle arme apparait : les gaz asphyxiants sont utilisés à Strenstraate et à Ypres par les Allemands[66]. L’effet est immédiat et foudroyant. Mais jamais les Allemands ni les Alliés, qui l’essaient à leur tour, ne procèdent à une utilisation systématique. Contrôlant mal le mouvement des vents, les uns et les autres avaient peur que les nappes ne se retournent, et les soldats ne sont pas équipés pour occuper les zones infectées. Aussi, l’emploi des gaz ne permit jamais de remporter plus qu’un succès local.
Le 26 avril, le pacte de Londres entre les membres de l’Entente est signé et l’Italie s’engage à entrer en guerre contre les Empires centraux dans un délai d’un mois. Les Alliés acceptent les revendications du 9 mars. Au bout d'une vive campagne des « interventionnistes » pour l'entrée en guerre de l'Italie, lancée en particulier par le discours du 5 mai 1915 de Gabriele D'Annunzio, Rome entre en guerre le 23 mai. La décision a été prise par trois hommes : le roi d'Italie, Victor-Emmanuel III, le président du Conseil, Antonio Salandra et le ministre des Affaires étrangères, Sidney Sonnino[67].
Pour la première fois de la guerre, les pays en guerre vont mobiliser toutes leurs ressources : humaines, économiques et financières, dans la conduite d’un conflit total.
L’organisation en armées, corps d’armée, divisions, brigades, régiments, bataillons, compagnies, sections et escouades est relativement similaire dans les deux camps. La dotation et la répartition en matériel et en armes sont pratiquement identiques. Toutefois, la France a privilégié l’offensive et possède une artillerie plus légère fondée, notamment, sur le canon de 75, afin de favoriser les mouvements. L’Allemagne possède une artillerie plus lourde et à plus longue portée, favorisée notamment par ses capacités de production et capable de mener des combats plus défensifs. Ces choix ont une importance non négligeable au début de la guerre et la différence n’est comblée qu’au début de 1916.
Les 11 mars et 10 avril, les gouvernements britannique et français donnent leur accord sur le principe d’une annexion de Constantinople par la Russie[68]. Deux semaines plus tard, le 24 avril, plus de 600 intellectuels arméniens de Constantinople sont arrêtés et déportés par les Jeunes-Turcs, date symboliquement considérée comme marquant le début du génocide arménien.
La guerre à l'est
Lawrence d’Arabie fomente pour le compte des Britanniques le soulèvement des tribus arabes pour gêner les Turcs[69]. Avec l’aide bulgare, les coalisés réussissent à occuper toute la Serbie, contraignant l’armée royale[Qui ?] à traverser le pays pour trouver refuge à Corfou.
Au lieu de se heurter au gros des troupes ennemies là où elles étaient bien organisées, installées dans un réseau savant de tranchées, l’état-major des Alliés décide de porter ses coups sur des points de défense allemande plus vulnérables auprès de l’allié turc. Le 25 avril 1915, un corps expéditionnaire allié débarque aux Dardanelles[70]. Le contrôle des détroits permettrait à la France et au Royaume-Uni de ravitailler la Russie et d’encercler les Empires centraux. Cette idée, défendue notamment par le chef de l’Amirauté britannique, Winston Churchill, débouche sur un débarquement à Gallipoli de troupes essentiellement constituées d’Australiens et de Néo-Zélandais. Malgré le courage des soldats de l’ANZAC, les Alliés ne parviennent pas à pénétrer par surprise dans l’Empire ottoman et échouent dans leurs offensives successives. L’entreprise coûte 145 000 hommes aux Alliés et elle est un échec total. Les rescapés sont débarqués à Salonique, au mépris de la neutralité grecque pour aider les Serbes menacés par les puissances centrales. Le corps expéditionnaire constitue l’Armée d'Orient. Cette armée soutient ensuite les Serbes et participe à l’effondrement de l’empire austro-hongrois en 1918.
Après la stabilisation des fronts, les Allemands reprennent l’initiative sur le front russe. Le 7 février, les Allemands lancent une offensive au sud-est des lacs de Mazurie, dirigée par Hindenburg. Les Russes sont encerclés et se replient sur le Niémen. Les Allemands remportent des succès spectaculaires, occupant toute la Pologne, la Lituanie et une partie de la Lettonie. Faute de munitions et d’artillerie lourde, les Russes n’ont pu tenir tête ; ils perdent près de 2 000 000 d'hommes, une catastrophe qui, à long terme, ébranle le régime. Il n’en paraît pourtant rien puisque les Russes se replient en bon ordre sur des positions retranchées.
L’année 1916
Au début de l’année 1916, le commandement allemand décide d’user complètement l’armée française en l’obligeant à s’engager à fond. Il choisit d’attaquer Verdun, un pivot du front fortifié que les Français voudront défendre coûte que coûte[71]. Le site offre la possibilité d’attaquer les lignes françaises de trois côtés. De plus, l’armée allemande bénéficie, contrairement aux Français, de nombreuses voies ferrées qui facilitent les approvisionnements en matériel et en hommes. Enfin, les manœuvres d’approche peuvent se dérouler dans une relative discrétion à l’abri du manteau forestier. Dans l’esprit du haut commandement allemand, « il ne s’agissait pas essentiellement de prendre Verdun [...], mais de fixer les forces françaises, de les attirer sur ce champ de bataille qu’elles défendraient pied à pied [...], de saigner à blanc l’armée française grâce à la supériorité en artillerie »[72]. Exsangue, l’armée française serait incapable de mener à bien l’offensive prévue sur la Somme.
Le lundi 21 février, après une courte mais violente préparation d’artillerie, le commandement allemand lance une attaque avec trois corps d’armée. Les deux divisions françaises qui défendent les seize kilomètres de la première ligne sont submergées. Très vite, le commandant de la IIe Armée, Philippe Pétain, organise la riposte. Il met en place une liaison avec Bar-le-Duc, à l’arrière. En 24 heures, 6 000 camions montent vers le front en empruntant cette route devenue la Voie sacrée. L’assaut allemand est repoussé et la brèche colmatée. Mais les attaques vont se renouveler pendant plusieurs mois, sans cesse contenues. Le 6 mars, les Allemands lancent une nouvelle attaque à Mort-Homme. « On les aura ! » écrit Pétain dans le célèbre ordre du jour du 10 avril. Il obtient que ses troupes soient régulièrement renouvelées avant qu’elles ne soient trop éprouvées. C’est le « tourniquet », où toute l’armée française connait l’enfer de Verdun. Le déclenchement de l’offensive de la Somme en juillet et une nouvelle offensive des Russes sur le front oriental obligent les Allemands à relâcher leur pression sur Verdun. En décembre, Mangin reprend les forts perdus. Près de 700 000 combattants français ou allemands sont morts sur ce champ de bataille[73].
Entre le 1er juillet et 18 novembre 1916 a lieu la bataille de la Somme[74]. Les troupes anglaises et françaises attaquent et tentent de percer les lignes de défense fortifiées allemandes au nord de la Somme sur une ligne nord-sud de 45 km. L’offensive est précédée par une intense préparation d’artillerie. Pendant une semaine, 1,6 million d’obus tombent sur les lignes allemandes. Les Alliés sont persuadés d’avoir liquidé toute résistance du côté ennemi. L’offensive de la Somme, au départ offensive de rupture, se transforme progressivement en une guerre d’usure. La plupart des soldats anglais sont des engagés volontaires qui n’ont aucune expérience du feu. Dès les premières minutes, ils succombent en grand nombre dans les barbelés qui séparent les ennemis. Les soldats des deux bords ont l’impression de vivre en enfer. Les débauches d’artillerie empêchent toute percée d’aboutir. Les soldats combattent souvent pour quelques mètres et n’arrivent pas à percer les tranchées ennemies protégées par un tir nourri d’artillerie et des lignes de barbelés. Le bilan de la bataille de la Somme est très lourd. 650 000 alliés, principalement des Britanniques, et 580 000 hommes du côté allemand sont hors de combat, tués, blessés ou disparus. Les troupes alliées n’avancent que de 13 km sur un front de 35 km de long.
L’année 1917
Le front Ouest
1917 connaît une crise qui affecte tous les secteurs. Malgré les échecs des batailles de Verdun et de la Somme, le général Nivelle élabore un nouveau plan d’attaque frontale qui doit être le dernier. Il choisit un secteur situé entre Reims et Soissons : le Chemin des Dames, qu’il estime mal défendu[75]. Pendant six semaines, de début avril à la mi-mai, des assauts successifs tentent de conquérir ce site. Pendant le premier assaut, 40 000 Français tombent sous le feu infranchissable des mitrailleuses allemandes. L’attaque n’avait rien d’une surprise. Les Allemands avaient appris par des prisonniers la prochaine offensive contre leur site et avaient grandement amélioré leurs positions en plaçant davantage de mitrailleuses, en construisant des souterrains de protection et des abris souterrains à 10 ou 15 m de profondeur. En tout, 270 000 soldats français périssent.
L’échec de l’offensive du Chemin des Dames a pour conséquence immédiate les mutineries[76] qui s'élèvent contre les conditions de combat et non contre le fait de combattre en lui-même. Parmi les 40 000 mutins, il n’y pas de désertion, ni de fraternisation avec l’ennemi. Ils restent dans leur cantonnement et refusent de monter en ligne. Ils insultent les officiers qu’ils jugent incompétents. Les mutins sont punis avec une relative modération par Pétain, devenu le général en chef des armées françaises à la place de Nivelle. Il y a 629 condamnations à mort et finalement 75 exécutions. Pétain tente de mettre fin au mécontentement des soldats en améliorant leur vie quotidienne par le repos, la nourriture et le rythme des permissions[77]. Il décide aussi de ne plus lancer les hommes à l’attaque tant qu’il ne disposerait pas d’une supériorité absolue en matériel. En effet, l’entrée en guerre des Américains aux côtés des alliés français et britanniques en avril 1917 laisse espérer un retournement de la situation. Toutefois, le commandement français n’ose plus lancer les hommes à l’attaque tant qu’il ne dispose pas d’une supériorité absolue en matériel grâce aux Américains et aux chars de combat. Pourtant, impatient de remporter un succès qui lui soit propre, l’état-major anglais lance une offensive à Passchendaele, dans les Flandres, à l’automne 1917. Il réussit seulement à mener à une mort inutile plusieurs centaines de milliers de Britanniques et d’Allemands.
En mars 1917, l’état-major impérial allemand prend la décision stratégique de reculer le front plus au nord, sur la « ligne Hindenburg », et fait évacuer toutes ses armées des positions occupées depuis 1914 dans le secteur de l’Aisne. Les Allemands dynamitent systématiquement les édifices emblématiques des villes et villages auparavant occupés. Ainsi disparaissent notamment les forteresses de Ham (Somme), située non loin de là, et de Coucy (27 mars 1917). Ce recul permet de raccourcir le front et d’économiser les forces nécessaires à sa défense. Les seules offensives alliées victorieuses de 1917 ont lieu autour d’Arras et d’Ypres en avril et juin 1917, lorsque les troupes britanniques et du Commonwealth prennent quelques villages aux Allemands. La prise de Vimy par les Canadiens le 9 avril 1917 est devenu un symbole de la force du Canada et de la capacité des Canadiens de gagner un objectif sans l’aide des Britanniques.
Sur le front italien, les forces italiennes et autrichiennes s’affrontent sans résultat depuis deux ans et demi sur le front d’Isonzo au nord-ouest de Trieste. Le 14 octobre 1917, lors de la bataille de Caporetto, les soldats italiens reculent devant une offensive austro-allemande. Plus de 600 000 soldats italiens, fatigués et démoralisés, désertent ou se rendent. L’Italie vit sous la menace d’une défaite militaire totale. Mais le 7 novembre, la ligne de front italienne est enfin stabilisée sur le fleuve Piave, à environ 110 kilomètres du front d’Isonzo. La défaite italienne de Caporetto incite la France et le Royaume-Uni à envoyer des renforts et à mettre en place le Conseil suprême de guerre pour coordonner les efforts de guerre des Alliés.
La guerre sous-marine et entrée en guerre des États-Unis
En 1917, sous la pression des militaires, et notamment de l’amiral Tirpitz[78], le Kaiser se décide à pratiquer la guerre sous-marine à outrance, c’est-à-dire couler tous les navires se rendant au Royaume-Uni, même les neutres. Les Allemands espèrent ainsi étouffer l’économie britannique et la contraindre à se retirer du conflit. En avril 1917, les sous-marins allemands ont déjà coulé 847 000 tonnes[79], soit l’équivalent du quart de la flotte commerciale française. Toutefois, l’organisation de convois sous la protection de la marine anglaise et le dragage des mines réussissent à émousser l’arme sous-marine. En fin de compte, au lieu de faire baisser pavillon au Royaume-Uni et de terroriser les neutres, la guerre sous-marine à outrance provoque l’intervention américaine.
De plus, le Royaume-Uni demande l’aide du Japon. Le croiseur Akashi et huit destroyers sont envoyés à Malte, chiffre qui est porté par la suite à 17 navires, sans compter les navires à commandement mixte. Cette flotte d’escorte et de soutien protège les convois alliés en Méditerranée et permet aux troupes alliées d’être acheminées d’Égypte vers Salonique et Marseille, pour prendre part à la grande offensive de 1918. Le destroyer Matsu a sauvé plus de 3 000 soldats et membres d’équipage du navire de transport Transylvania, torpillé au large des côtes françaises. En tout, le Japon a escorté 788 bateaux en Méditerranée, dont 700 000 hommes de troupes du Commonwealth britannique.
En août 1914, les États-Unis, très isolationnistes, restent neutres malgré les liens privilégiés avec des pays de l’Entente, en particulier le Royaume-Uni. Le blocus imposé par la flotte des pays de l’Entente met quasiment fin aux échanges entre les États-Unis et l’Allemagne. Dans le même temps, les liens financiers et commerciaux entre les États-Unis et les pays de l’Entente ne cessent de croître. Le torpillage du paquebot britannique Lusitania le 7 mai 1915, a tué 128 ressortissants américains, ce qui émeut l’opinion américaine et la fait basculer en faveur de la guerre.
Les maladresses de la diplomatie allemande aident son revirement : en janvier 1917, le ministre-conseiller Zimmermann n’hésite pas à promettre au Mexique l’alliance de l’Allemagne contre les États-Unis avec, pour salaire de la victoire, le retour des provinces perdues (Texas, Arizona et Nouveau-Mexique)[80]. Cette intervention du Kaiser dans les affaires américaines suscite l’indignation. Le congrès américain décide l’entrée en guerre contre les empires centraux. Le président Woodrow Wilson fixe dès janvier 1918 ses objectifs de paix. Plusieurs pays d’Amérique latine s’engagent aussi dans le conflit aux côtés de l’Entente.
Comme le Royaume-Uni, les États-Unis disposent uniquement d’une armée de métier. Ainsi, lorsque la proposition de guerre du président Wilson devant le Congrès le 2 avril est acceptée, et que les États-Unis entrent en guerre le 6, le président américain doit compter majoritairement sur la base du volontariat pour constituer la force de 1,2 million d’hommes qui n’arrivera en France qu’à partir du mois d’octobre 1917. C’est la fameuse campagne d’affichage ayant pour symbole l’Oncle Sam pointant son index vers le lecteur.
Le corps militaire américain, lorsqu’il établit ses premiers campements autour de Nantes et de La Rochelle en octobre 1917, surprend l’opinion française par sa modernité et surtout par son humanité à l’égard des hommes du rang (cas des douches qui contraste fortement avec la situation des poilus et des camps français très sobres et modestes). L’uniforme américain est vert, complété par un casque en forme de cercle tout comme le modèle anglais. C’est enfin une armée qui contribuera grandement à la victoire sur les Empires centraux, puisque lorsque la contre-attaque générale est lancée par le maréchal Foch en 1918, les GI ne représentent pas moins de 31 % des forces combattantes alliées.
Au total, 2 millions de militaires américains seront en Europe au moment de l’armistice.
Le front Est et l'Empire ottoman
La Russie ne peut pas soutenir une guerre contre un ennemi mieux équipé et mieux organisé. L’effort que demande une guerre, production industrielle et agricole accrue, engendre un rationnement de la population et des troubles sociaux. Au début de l’année 1917, la Russie est épuisée, les désertions se multiplient et les villes connaissent des troubles d’approvisionnement qui rendent la situation explosive. Il suffit de peu pour que tout éclate. En mars 1917, une première révolution éclate. Elle porte au pouvoir la bourgeoisie libérale qui entend continuer la guerre alors que les soviets, de plus en plus influents, exigent la paix. Mais la Russie n’est plus une force d’attaque et les Alliés craignent une intensification de l’effort allemand à l’ouest. En octobre, Lénine organise la seconde révolution et lance des pourparlers de paix menant à l’armistice en décembre.
Le ministre des Affaires étrangères britannique, Lord Arthur Balfour, promet l’établissement d’un État juif en Palestine entre autres pour motiver les Juifs américains à soutenir l’entrée en guerre des États-Unis[81]. La même année, les Britanniques attaquent la Palestine, dont ils gardent le contrôle jusqu’en 1947. De nombreux Juifs s’y installeront après les épreuves de la Seconde Guerre mondiale.
1918, la fin de la guerre
Début 1918, les Alliés perdent un front avec la sortie du conflit de la Russie. La Russie bolchevique signe le traité de Brest-Litovsk (négociée par Léon Trotsky) en mars 1918. L’Allemagne reçoit un « train d'or » (le contenu de celui-ci est confisqué à l’Allemagne par le traité de Versailles), occupe la Pologne, l’Ukraine, la Finlande, les Pays baltes et une partie de la Biélorussie. Les Allemands profitent aussi de cette défection pour envoyer d’importants renforts sur le front Ouest et tenter d’obtenir une victoire rapide avant l’arrivée effective des Américains. C’est le « retour de la guerre de mouvement ».
Le haut commandement allemand (maréchal Hindenburg et quartier maître général Erich Ludendorff) sait qu’il dispose d’un délai de quelques mois — jusqu’à juin-juillet 1918 — pour remporter une victoire décisive sur les troupes alliées. Renforcés par les troupes venant du front est, et souhaitant forcer la décision avant l’arrivée des troupes américaines, les Allemands mettent toutes leurs forces dans d’ultimes offensives à l’ouest. Le commandement allemand décide de lancer une série de coups de boutoir contre les Anglais, particulièrement éprouvés depuis Passchendaele. Ils portent l’effort à la jonction du front français : connaissant la mésentente entre Haig et Pétain, ils espéraient en jouer. Il s’en faut de peu que les lignes anglaises ne soient emportées lors de l’offensive du 21 mars, dans la région de Saint-Quentin[82]. Pétain n’envoie pas de renforts et il faut l’autorité de Clemenceau et de Foch pour amener Fayolle au secours des Anglais et sauver la situation. Une offensive contre les Français, le 27 mai, au Chemin des Dames, amène l’armée allemande à la hauteur de Reims et de Soissons, soit une avancée de 60 kilomètres.
Paris est de nouveau à la portée des canons allemands à longue portée. Pourtant, la rupture décisive du front allié n’étant pas atteinte, le haut commandement allemand envisage alors un ultime effort et souhaite le diriger à l’encontre des troupes britanniques, réputées plus affaiblies afin de les rejeter à la mer en les coupant de l’armée française. Cette offensive doit être précédée par une offensive contre l’armée française afin d’immobiliser les réserves de celle-ci pour l’empêcher de secourir ensuite l’armée britannique. Lancée le 15 juillet 1918 par les troupes allemandes en Champagne, cette offensive préliminaire de « diversion » permet de mettre en œuvre pour la première fois à cette échelle la tactique de la zone défensive (formalisée par le général Pétain depuis près d’une année) qui va permettre de faire échec aux visées allemandes. Les troupes allemandes pénètrent en effet les premières lignes françaises, dont les forces organisées en profondeur, avec des môles de résistance, opposent un feu meurtrier. La progression des troupes allemandes est importante, et elles franchissent la Marne (seconde bataille de la Marne après celle de septembre 1914). Aventurées très au sud et disposées en pointe sans se prémunir contre des attaques sur ses flancs, les troupes allemandes sont bousculées par la contre-attaque française dans la région de Villers-Cotterêts, entamée le 18 juillet 1918[83]. Les résultats de cette contre-attaque sont dévastateurs pour ces troupes allemandes qui doivent refluer vers le nord en évitant de justesse l’encerclement.
Derniers instants et armistices
Icône de détail Article détaillé : Armistice de 1918.
À compter de cette date, l’armée allemande n’est plus jamais en mesure d’engager une action offensive, l’initiative étant désormais dans le seul camp des Alliés qui vont engager dans les mois suivants des contre-attaques permettant de regagner le terrain perdu au cours du printemps 1918 puis des contre-offensives majeures. La grande offensive victorieuse a lieu le 8 août 1918[84]. Les soldats canadiens, soutenus par les Australiens, les Français et les Britanniques, lancent une attaque en Picardie et enfoncent les lignes allemandes. Plus au sud, les soldats américains et français se lancent aussi dans l'offensive Meuse-Argonne, victorieuse. Pour la première fois, des milliers de soldats allemands se rendent sans combat. Les troupes allemandes ne peuvent résister aux armées alliées maintenant coordonnées par le général Foch. Ces dernières sont renforcées chaque jour davantage par le matériel et les soldats américains, par les premiers chars Renault FT-17 et par une supériorité navale et aérienne.
L’armistice est demandé par les Bulgares le 26 septembre. L’armée turque est anéantie par les Anglais lors de la bataille de Megiddo. Les généraux allemands, conscients de la défaite de l’Allemagne à terme, ne songent plus qu’à hâter la conclusion de l’armistice. Ils voudraient le signer avant que l’adversaire ne mesure sa victoire avec exactitude, avant qu’il ait reconquis le territoire français. L’armée austro-hongroise, démoralisée par la désertion de nombreux contingents slaves, est vaincue à Vittorio Veneto, le 25 octobre. Charles Ier demande l’armistice de Villa Giusti, puis abandonne son trône.
En Allemagne, Guillaume II refuse d’abdiquer, ce qui entraine des manifestations en faveur de la paix. Le 3 novembre, des mutineries éclatent à Kiel : les marins refusent de livrer une bataille « pour l’honneur ». La vague révolutionnaire gagne toute l’Allemagne. Le 9 novembre, Guillaume II est contraint d’abdiquer. L'État-major demande à ce que soit signé l'armistice[85]. Le gouvernement de la nouvelle République allemande le signe alors à dans la forêt de Compiègne à coté de Rethondes le 11 novembre 1918 dans le train du maréchal Foch alors que les troupes canadiennes lancent la dernière offensive de la guerre en attaquant Mons, en Belgique. Ainsi, les Allemands n’ont pas la guerre sur leur territoire ; ayant campé pendant quatre ans en terre ennemie, ils imaginent mal qu’ils sont vraiment vaincus. Pour sauver les apparences, l'État-major allemand fait circuler la thèse du Coup de poignard dans le dos. Les clauses de l’armistice leur paraissent d’autant plus dures : reddition de la flotte de guerre, évacuation de la rive gauche du Rhin, livraison de 5 000 canons et 30 000 mitrailleuses, etc. Pourtant, en comparaison des dévastations causées en territoire ennemi, elles n’affaiblissent que très peu la puissance allemande. En 1918, la force d’une nation réside dans la puissance industrielle. Plus tard, les propagandistes nazis ont ainsi pu déclarer que l’armée ne s’était pas rendue et que la défaite incombait aux civils.
Les conséquences
Un bilan humain lourd
Les nations ravagées
Le bilan humain de la Première Guerre mondiale s'élève à environ 9 millions de morts et environ 8 millions d’invalides[86], soit environ 6 000 morts par jour[87]. Proportionnellement, la France est le pays le plus touché avec 1,4 million de tués et de disparus[88], soit 10 % de la population active masculine. Cette saignée s’accompagne d’un déficit des naissances considérable. Le déficit allemand s'élève à 5 436 000, le déficit français à 3 074 000, le déficit russe est le plus élevé et atteint 26 millions[89]. La stagnation démographique française se prolonge, avec un vieillissement de la population qui ne cesse de croître qu’avec le recours à l’immigration. Cette dernière participe à la reconstruction d’un pays dont le Nord est en ruines. Apparaît également le phénomène nouveau des gueules cassées, nom donné aux mutilés de guerre qui survivent grâce aux progrès de la médecine tout en gardant des séquelles physiques graves[90]. L’intégration de ces victimes de guerre en nombre à la société doit alors se faire au moyen de nouvelles lois et d'organismes comme l'Union des blessés de la face. On compte alors en France de 10 000 à 15 000 grands blessés de la face[91]. Au Royaume-Uni, des sculpteurs, comme Francis Derwent Wood, fabriquent des masques pour rendre un aspect humain aux soldats blessés[92]. Les sociétés d'après-guerre vont garder les marques vivantes de la guerre de nombreuses années encore.
Génocide, occupation, déportations et atrocités
La Première Guerre mondiale est aussi le premier conflit à entraîner une entreprise d’extermination et de déportation planifiées par un État de tout un peuple constituant une minorité, sous prétexte de sédition : le génocide arménien est déclenché le 24 avril 1915 par le gouvernement jeune-turc de l’Empire ottoman pour qui, officiellement, il ne s'agit que d'un transfert de la population arménienne loin du front. C'est principalement entre avril 1915 et juillet 1916 qu'entre 800 000 et 1 250 000 d’Arméniens sont assassinés, soit presque la moitié de la population arménienne ottomane. Dans le même temps, 275 000 Assyriens[93] sont massacrés dans l'est de l'Empire ottoman, selon la même optique d'épuration ethnique. L'Empire ottoman perpètre un autre génocide pendant et après la Première Guerre mondiale, celui des Grecs pontiques. De 1916 à 1923, le massacre fait près de 360 000 victimes[94]. La reconnaissance du génocide arménien pose encore problème au XXIe siècle, bien qu'il soit reconnu comme tel par un certain nombre de pays. Le génocide des Grecs pontiques rencontre lui aussi une reconnaissance très limitée, tout comme le massacre des Assyriens.
Pendant le conflit, des massacres surviennent également dans certains pays, en particulier en Belgique où l'armée allemande commet des atrocités envers la population civile. Le mythe du franc-tireur de la guerre de 1870 fait vite son apparition[95] et en représailles, les troupes allemandes vont se livrer à la déportation ainsi qu'à l'exécution d'un grand nombre de civils aussi bien en Belgique que dans le nord de la France. L'occupation de ces régions est très dure pour les populations qui doivent fournir dans un premier temps les vivres nécessaires aux troupes d'occupation[96]. De nombreux civils sont réquisitionnés pour des travaux forcés et beaucoup d'entre eux sont également faits prisonniers puis déportés en Allemagne comme par exemple 1 500 habitants d'Amiens qui sont envoyés dans des camps de travail[97]. Certains vont rester prisonniers jusqu’en 1918[97].
L'occupation et les déportations sont accompagnées de nombreuses destructions et d'exécutions, dont la plupart se déroulent sur le territoire belge. À Tamines, le 22 août 1914, ce sont 422 personnes qui sont exécutées[98], à Haybes, ville détruite, 61 civils sont tués[95] et à Dinant, ce sont 674 civils qui sont passés par les armes[99]. À Louvain, les troupes allemandes mettent le feu à la ville et 29 personnes sont fusillées[100]. La Belgique et la France ne sont pas les seuls pays à être touchés. La ville de Kalisz en Pologne est bombardée et incendiée en août 1914, des civils sont tués. Dans les ruines de la ville dévastée, dont la majeure partie de la population est partie en exode, il ne reste plus que 5 000 habitants alors qu'elle en comptait 65 000 avant guerre[101]. Pour Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, « Si elles (les atrocités) n'ont pas été commises avec l'ampleur et pour les raisons énoncées par la propagande, il est hors de doute que toutes les armées d'invasion s'en sont rendues coupables en grand nombre : Russes en Prusse orientale et en Galicie autrichienne, Allemands en Russie, en Belgique, dans le nord de la France, Autrichiens en Serbie »[102].
Hommages aux soldats
Dans l'immédiat après-guerre fleurissent un peu partout des monuments aux morts pour rendre hommage aux soldats tombés au champ d'honneur. En France, on compte environ 36 000 monuments[103]. En Allemagne, ce sont les communes et les églises qui organisent le plus souvent la construction des monuments. Ces derniers consistent le plus souvent en une liste des soldats tombés et rares sont les monuments qui arborent des symboles nationaux auxquels on préfère la feuille de chêne, la croix de fer ou une symbolique christique, l'Allemagne ayant perdu la guerre et l'Empire ayant disparu.
Les soldats des différentes nations reposent dans des cimetières et des nécropoles, comme l'Ossuaire de Douaumont. Différentes associations s'occupent des tombes et de la mémoire des soldats. Pour la France, le Souvenir français, pour l'Allemagne le Volksbund Deutsche Kriegsgräberfürsorge qui s'occupe en France de 192 lieux de mémoire, pour l'Autriche l'Österreichisches Schwarzes Kreuz, pour le Royaume-Uni et les pays du Commonwealth la Commonwealth War Graves Commission et pour les États-Unis l'American Battle Monuments Commission. Dans les différents pays, le culte du soldat inconnu est mis en place.
Les destructions matérielles
Icône de détail Article détaillé : Reconstruction en France et en Belgique après la Première Guerre mondiale.
Les productions agricole et industrielle se sont effondrées à cause des impératifs de l’économie de guerre et de la mobilisation d’un grand nombre d’actifs : la France perd 17,3% de ses mobilisés, le Royaume-Uni 5,1% et l'Allemagne 9,8%[104]. La guerre entraîne une désorganisation des circuits commerciaux traditionnels. Il fallut reconstruire, relancer l’activité et revenir à une économie de paix tout en faisant face à une grave pénurie de main-d’œuvre. En France par exemple, 50% des paysans sont morts[105]. S’ajoute donc le problème de la reconversion de l’économie de guerre en économie de paix.
Les Américains sont les premiers à en connaître les effets, dès 1920, avec une récession brutale du fait d’un retour à une politique déflationniste. La production américaine d’acier baisse ainsi de moitié, et celle d’automobiles de 40%[106]. La crise américaine va rapidement s’étendre. Tout d’abord au Japon, puis au Royaume-Uni qui connaît un taux de chômage de 20% en 1921[107]. En Italie, le problème principal est la réintégration dans le marché du travail d’une population massivement mobilisée. On compte alors en effet 600 000 chômeurs[106] d’où des désordres sociaux dont la conséquence directe va être le Biennio rosso (littéralement « Les Deux Années rouges »), période marquée par une agitation révolutionnaire de gauche. La reconversion de l’économie va également engendrer la désorganisation du système monétaire. Les économies occidentales abandonnent l'étalon-or, préférant la monnaie fiduciaire[108].
Les destructions matérielles sont importantes et affectent durement les habitations, les usines, les exploitations agricoles et autres infrastructures de communication comme les ponts, les routes ou les voies ferrées et cela principalement en France[109] où une vaste zone ravagée de 120 000 hectares prend le nom de « zone rouge ». Dans le nord et l'est de la France, onze départements seront classés en zone rouge. L’agriculture y sera en maints endroits interdite avant le désobusage et déminage qui vont prendre plusieurs années (pour n’être terminé que dans les années 2 600 au rythme actuel des découvertes et élimination d’obus et autres munitions actives dans l’ex-zone rouge), sans même envisager le traitement des munitions immergées par millions car jugées trop dangereuses pour être démantelées, ou faute de moyens financiers pour les stocker et traiter en sécurité. Trois millions d’hectares de terres sont ravagées par les combats[88]. Certains villages de la Meuse, de la Marne ou du Nord sont rayés de la carte et ne peuvent pas être reconstruits à leur emplacement. Des villes sont bombardées comme Reims qui voit sa cathédrale sévèrement touchée ou Londres qui reçoit près de 300 tonnes de bombes[110]. Louvain voit quant à elle sa bibliothèque brûler. En France comme en Belgique est institué un ministère de la Reconstruction. C’est une période pauvre en archives où toute les énergies sont consacrées à la reconstruction, avec une première période sombre où l’on fait intervenir les prisonniers de guerre allemands[111], les travailleurs chinois[112] épargnés par la grippe espagnole, ainsi qu’une main d’œuvre immigrée[113], notamment pour le désobusage. Cette période va générer quelques grandes fortunes dans le domaine de la récupération des métaux. L'Allemagne n'a quant à elle pas subi les destructions qu'ont dû subir les autres. Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker souligne que le « potentiel productif de l'Allemagne est intact »[109].
Séquelles de guerre
Les séquelles de guerre sont importantes : la reconstruction doit se faire sur des dizaines de milliers d’hectares physiquement dévastés où les villes, les villages, les usines, les puits de mines et les champs sont parfois littéralement effacés du paysage, sur des sols pollués par des milliers de cadavres humains et animaux, rendus dangereux par les sapes, les tranchées et les milliards d’obus et autres munitions non explosées ou non tirées (perdues ou dangereusement stockées). Des dizaines de milliers d’hectares sont gravement contaminés par les métaux lourds et parfois par les armes chimiques que l’on démantèle ou que l’on fait pétarder sans précautions suffisantes.
Séquelles géographiques
Sur les sites les plus bouleversés où les explosifs et les toxiques de combat sont encore trop nombreux pour que l’on puisse rendre les sols à l’agriculture ou à l’urbanisation, on plantera des forêts de guerre, dont la forêt de Verdun et la forêt d'Argonne, qui ont poussé sur d’anciens champs criblés de trous d’obus et de tranchées. Dans ces forêts, certains villages ne sont pas reconstruits. Ces séquelles terrestres sont connues des spécialistes, en particulier des démineurs, mais il semble que la pollution libérée par les dizaines de milliards de billes de plomb des shrapnel et les balles, ou le mercure des amorces soient lentement capables de s’accumuler dans les écosystèmes et certains aliments. C’est un problème qui n’a pas été traité par les historiens ni les spécialistes en santé publique. Aucune étude officielle ne semble s’être intéressée au devenir des métaux lourds et des toxiques de combat dans les sols et les écosystèmes de la zone rouge.
Les séquelles marines, bien que préoccupantes semblent avoir été oubliées durant 70 à 80 ans. Ainsi les pays baltes voient-ils la situation écologique de la mer Baltique s’effondrer des années 1990 à 2006, tout en redécouvrant des dizaines de milliers de tonnes de munitions immergées de 1914 à 1918 et après (incluant des armes chimiques dont certaines commençant à fuir). Les pêcheurs remontent parfois de l'ypérite dans leurs filets dans la Baltique[114]. En Belgique, à Zeebrugge, on retrouve incidemment un dépôt immergé de 35 000 tonnes d’obus noyés là peu après 1918 puis oubliés. Parmi ces obus, 12 000 tonnes sont chargés d’ypérite et de chloropicrine toujours actives, à quelques centaines de mètres de la plage et de l’embouchure du port méthanier. C’est encore plus tardivement en 2005 que quelques articles de presse évoquent la publication discrète d’un rapport à la Commission OSPAR listant les dépôts immergés de millions de munitions dangereuses et polluantes, datant de la grande guerre et des périodes suivantes. C’est face au littoral français que le nombre de dépôts immergés est le plus important. Alors que ces munitions commencent à fuir et à perdre leurs contenus toxiques, la question de leur devenir se pose. Une centaine de zones mortes ont été répertoriées en mer par l’ONU, la plupart coïncident avec des zones d’immersion en mer de munitions, ce qui pose la question de l’évaluation des impacts environnementaux de ces déchets toxiques et/ou dangereux immergés. Les taux de mercure augmentent de manière préoccupante dans les écosystèmes et notamment dans le poisson. On peut craindre qu’une partie de ce mercure provienne des milliards d’amorces au fulminate de mercure des têtes d’obus et des douilles d’obus ou de balles ou d’autre munitions (1g de mercure par amorce en moyenne) non utilisée ou non explosée et jetées en mer après cette guerre ou la suivante.
Séquelles psychiques
À ceci s’ajoutent de graves séquelles psychiques et sanitaires : gueules cassées, trauma psychologiques, choc et contre-choc de la grippe espagnole qui a fait entre 20 et 50 millions de morts[115]. Il y a également des non-dits notamment quant aux répressions des mutineries de 1917 chez les Français, les Allemands et les Britanniques, comme la mutinerie d'Étaples. En quatre ans, 2 400 « poilus » auront été condamnés à mort et 600 exécutés, les autres voyant leur peine commuée en travaux forcés[116]. Parmi ces soldats fusillés pour l'exemple, quelques uns dont Félix Baudy ont été rétablis dans leur honneur dans les années 1920 ou 1930. Sans oublier le sort réservé aux déserteurs, fusillés au début du conflit puis déportés au bagne quand ils refusent de se soumettre, comme Robert Porchet. Ce conflit mondial laisse des millions d’orphelins, de désœuvrés et surtout, un esprit de haine et de revanche qui prépare déjà la Seconde Guerre mondiale. Alors qu’en France et en Belgique se construisent et se décorent les ossuaires et des centaines de cimetières militaires, alors que chaque commune ou presque construit son monument aux morts, et alors qu’avant les années folles où l’on cherche avant tout à oublier, un vent pacifiste rapidement contrôlé par les États proclame que cette guerre sera « la der des ders », c'est-à-dire la « dernière des dernières (guerres) ».
Un monde redessiné par les traités de paix
Quatre empires se sont écroulés, ce qui transforme profondément la carte de l’Europe redessinée par les traités de paix de 1919[117].
À l’issue du traité de Versailles, l'Empire allemand perd 1/7e de son territoire : outre l’Alsace et la Lorraine déjà restituées à la France et Eupen et Malmédy rattachés à la Belgique, l’Allemagne perd à l’est la Posnanie et une partie de la Prusse-Orientale pour permettre la recréation de la Pologne ; La Haute-Silésie est partagée entre la Pologne et l’Allemagne. Le territoire allemand est coupé en deux par le « couloir de Dantzig », démilitarisé, voyant ses colonies confisquées, surveillé, condamné à de lourdes réparations est rendu seul responsable du conflit. Ces réparations, dont le montant n’est fixé qu’en 1921, s’élèvent à 132 milliards de marks-or, à verser en trente annuités (elle ne versera au total que 22,8 milliards de marks-or jusqu’en 1932).
L'Empire russe, devenu la Russie communiste, ne retrouve pas les territoires cédés au Traité de Brest-Litovsk : les pays baltes et la Finlande deviennent indépendants. L’Ouest de la Russie est attribué à la Pologne.
L'Empire ottoman est réduit à l’actuelle Turquie. La Syrie et l’Irak deviennent des mandats français et britanniques.
L'Empire austro-hongrois est quant à lui démantelé - avec la naissance d’une Autriche, d’une Hongrie et d’une Tchécoslovaquie. Le Royaume des Serbes, Croates et Slovènes, qui deviendra la Yougoslavie, est constituée de l’union du Royaume de Serbie avec l’État des Slovènes, Croates et Serbes et le Royaume de Monténégro. Elle réunit les Slaves du sud des Balkans, mais elle doit céder l’Istrie à l’Italie au terme du traité de Rapallo de novembre 1920.
Tous ces États adoptent des régimes parlementaires. La démocratie s’installe enfin dans bon nombre de pays d’Europe centrale et orientale. Mais, dans certains de ces pays, la démocratie ne résiste pas à l’installation rapide de régimes autoritaires dans toute l’Europe centrale et orientale.
Une guerre nouvelle
Les tranchées
Ce conflit mondial est caractérisé par une ligne de front continue de 700 kilomètres[118], fortifiée, qui ne sera jamais rompue par aucune des armées en présence avant 1918. Le front est constitué de plusieurs lignes de défense creusées dans la terre, les tranchées, reliées entre elles par des boyaux d’accès[119]. Les conditions de vie dans ces tranchées sont épouvantables, bien que les tranchées allemandes soient les mieux aménagées[118]. Les troupes allemandes ont en effet très rapidement bétonné leurs tranchées alors que du côté français, on trouve des tranchées de terre qui résistent tant bien que mal aux obus. Les soldats y vivent entourés par la boue, la vermine, les rats et l’odeur des cadavres en décomposition. De plus, pour les tranchées les plus exposées au front, le ravitaillement laisse parfois à désirer.
Un no man's land rendu infranchissable par des réseaux denses de barbelés, battu par le feu des mitrailleuses, sépare les deux premières lignes. Le danger est permanent, même en période de calme quand l’activité du front est faible, la mort survient n’importe quant au cours d’une patrouille, d’une corvée, d’une relève ou d’un bombardement d’artillerie.
L’observation aérienne par les avions et les ballons permet aux armées de connaître avec précision la configuration du terrain ennemi, si bien que les tirs d’artillerie ne tombent jamais au hasard. Les obus qui pleuvent de jour comme de nuit font un maximum de dégâts. En 1918, on compte 250 millions d'obus tirés pour la France[120]. Les soldats ne se trouvent en sécurité qu’à une dizaine de kilomètres derrière les lignes quand ils sont hors de portée de l’artillerie lourde.
On a souvent reproché aux chefs militaires d’avoir conduit leurs troupes dans cette guerre de tranchée de façon aussi coûteuse en vies humaines qu’inutile. Pourtant, cette guerre de position n’est pas un choix stratégique. Elle est due au fait que, en ce début de l'ère industrielle, alors que les nations occidentales sont déjà capables de produire des armements en masse, les progrès techniques, qui ne cesseront de se succéder durant quatre ans, ont surtout concerné le matériel et la puissance de destruction plutôt que les moyens de s’en protéger.
L’uniforme des différentes armées ne prévoit pas non plus de protéger efficacement la tête des soldats. Ce n’est qu’en septembre 1915 que le casque Adrian remplace le képi pour les Français. Les Anglais quant à eux distribuent le casque Brodie dans la même période[121]. Le casque à pointe allemand offre peu de protection et est progressivement remplacé par le Stahlhelm en 1916[122].
Les débauches d’artillerie empêchent toute percée d’aboutir. Les soldats combattent souvent pour quelques mètres et n’arrivent pas à percer les tranchées ennemies protégées par un tir nourri d’artillerie et des lignes de barbelés. De 1914 à 1918, près de 70 % des pertes en vies humaines ont été provoquées par l’artillerie, contre moins de 20 % dans les conflits précédents[123]. Ainsi, pour emporter les tranchées et mettre fin à cette forme de guerre, il faut attendre une arme entièrement nouvelle et qui apparaît plus tard : le char d’assaut.
Nouvelles armes et nouvelles tactiques
Aviation et blindés : Cette guerre est l’occasion pour l’industrie de l’armement de lancer de nouveaux matériaux qui aident à la maturation des techniques et des méthodes. De nombreux secteurs industriels et militaires se sont développés dont l'aviation. Désormais, la reconnaissance aérienne permet l’ajustement du tir de l’artillerie et la cartographie précise des lignes ennemies. L'aviation permet en outre de mitrailler et bombarder les positions. Cette période voit en effet les premiers bombardements aériens de l'histoire. Ce sont surtout les zeppelin qui se chargent de cette mission, de manière d'abord rudimentaire (des obus lâchés à la main au début, avant la mise au point de premiers bombardiers ; le premier « bombardier lourd », le Zeppelin-Staaken VGO1 allemand, rebaptisé Zeppelin-Staaken R1, volera pour la première fois le 11 avril 1915). Les combats aériens révèlent de nombreux pilotes surnommés les « as » comme l’Allemand Richthofen, le « baron rouge », les Français Fonck et Guynemer, l’Anglais Mannock ou le Canadien Bishop[124].
Les véhicules blindés apparaissent pour couvrir les soldats lors de l'attaque de position, avec une première attaque massive de chars d'assaut anglais dans la Bataille de Cambrai. Des chemins de fer de campagne (système Péchot sont installés pour desservir les fronts. Des canons de marine montés sur wagons sont inventés et transportés près du front.
Armes chimiques
L'utilisation des armes chimiques pendant la Première Guerre mondiale remonte au mois d'août 1914 où les troupes françaises utilisent contre les troupes allemandes un gaz lacrymogène, le xylylbromide, un gaz développé par les forces de police parisiennes. Par la suite, les différents camps ont cherché à fabriquer des armes chimiques plus efficaces bien que les conférences de La Haye aient interdit l'utilisation d'armes toxiques.
L'Empire allemand, manquant cruellement de matières premières, utilise alors des produits qu'il possède en abondance, dont le chlore, produit rejeté par les industries chimiques, est disponible en grandes quantités. Les troupes allemandes emploient donc le chlore en le présentant comme un gaz irritant et non mortel, ne portant ainsi pas atteinte aux accords des conférences de la Haye. Le premier emploi massif de gaz a lieu le 22 avril 1915 lors de la Deuxième bataille d'Ypres. 150 tonnes de chlore sont lâchées faisant 5 000 morts et 10 000 blessés. La guerre du gaz avait commencé.
Les armes chimiques sont contenues dans des bonbonnes, des obus, des bombes ou des grenades. Les gaz utilisés sont très volatils : chlore, phosgène, « gaz moutarde », arsines ou encore chloropicrine[125]. La détection de certaines de ces armes chimiques est à l'époque quasi impossible. En effet, les conséquences de leur inhalation sur le corps humain n'étant visibles que trois jours après, on ne peut savoir à temps s'il y a eu contamination ou pas. D'où la production de défenses préventives telles que les masques à gaz.
Le front intérieur
Les femmes
Dans tous les pays, les femmes deviennent un indispensable soutien à l’effort de guerre. En France, le 7 août 1914, elles sont appelées à travailler par le chef du gouvernement Viviani[126]. Dans les villes, celles qui fabriquent des armes dans les usines (comme les usines Schneider au Creusot) sont surnommées les « munitionnettes ». Les femmes auront fabriqué en quatre ans 300 millions d’obus et plus de 6 milliards de cartouches. Désormais, les femmes distribuent aussi le courrier, s’occupent de tâches administratives et conduisent les véhicules de transport.
Dans les campagnes, elles retroussent leurs manches pour s’atteler aux travaux agricoles. Beaucoup de jeunes femmes s’engagent comme infirmières dans les hôpitaux qui accueillent chaque jour des milliers de blessés. Elles assistent les médecins qui opèrent sur le champ de bataille. Certaines sont marraines de guerre : elles écrivent des lettres d’encouragement et envoient des colis aux soldats, qu’elles rencontrent parfois lors de leurs permissions. Avec la Première Guerre mondiale, les femmes ont fait les premiers pas sur le chemin de l’émancipation. Mais pour beaucoup, l’après-guerre a constitué un retour à la normale et aux valeurs traditionnelles. En 1921, les femmes au travail en France n’étaient pas plus nombreuses qu’avant 1914. Certaines ont toutefois atteint un niveau de responsabilité inédit. Environ 700 000 veuves de guerre deviennent d’ailleurs des chefs de famille. Dans certains pays, comme l’Allemagne et les États-Unis, le droit de vote est accordé aux femmes dés 1919. La France attend 1945 pour permettre aux femmes de devenir enfin des citoyennes.
Les colonies
Les colonies ont joué un rôle primordial pendant la Première Guerre mondiale, fournissant aux Alliés de la matière première et de la main-d’œuvre. 134 000 « tirailleurs sénégalais » (un corps de militaire constitué en 1857 par Napoléon III) sont mobilisés en renfort des troupes françaises, souvent en première ligne. En octobre 1915, un décret ordonne la mobilisation des Africains de plus de 18 ans. Un député sénégalais, Blaise Diagne, pense tenir là une opportunité pour les Africains de s'émanciper[127]. Ces hommes viennent d’Afrique noire (Sénégal, Burkina Faso, Bénin, Mali et Niger), d’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc et Mauritanie) et de Madagascar, de Chine, d’Indochine, des Antilles et de Guyane. Au total, ils sont 600 000 à combattre[128]. Des dizaines de milliers y laisseront la vie. Même si l’image de l’« indigène » laisse place à celle du soldat, globalement les préjugés demeurent. Par la suite, avant et après la décolonisation, la dette de sang contractée par la France au cours des deux guerres mondiales pèsera lourd dans les reproches d’ingratitude formulés à son égard, même si, contrairement à une légende noire tenace, le nombre d’ « indigènes » morts au combat ne fut pas proportionnellement plus élevé que celui des métropolitains.
Le Khédive d'Égypte Abbas II Hilmi appelle les Égyptiens à lutter contre le Royaume-Uni, qui plaça l’Égypte sous son protectorat et remplaça Abbas par son oncle Hussein Kamal[129].
De plus, la perte de prestige des Européens dans les colonies et dans le monde est importante. En Afrique, les Franco-britanniques se sont emparés des colonies allemandes, les Japonais font de même en Chine, capturant la colonie Allemande de Tsingtao et dans le Pacifique où ils'emparent de plusieurs archipels situés au nord de l'équateur qui formeront le mandat des îles du Pacifique. Les australiens ont capturé la Nouvelle-Guinée allemande et les Néo-Zélandais les Samoa allemandes. Les colonies ont fourni des vivres, des matières premières, des « tirailleurs sénégalais » et des « zouaves marocains », souvent engagés dans les combats de première ligne, comme en témoignent les cimetières militaires de l’Ourcq. Au lendemain de la guerre, les peuples colonisés ne croient plus à ce qu’on leur inculque – la supériorité naturelle de la métropole – et réclament une amélioration de leur sort. À ce premier déclin de l’influence européenne dans les colonies s’ajoute l’expansion des États-Unis, les plus grands bénéficiaires de la guerre, et du Japon, dont les capitaux se placent désormais à Londres et à Paris[réf. nécessaire].
Industrie et économie
Cette guerre se distingue des conflits précédents en ce qu’elle est aussi la première « guerre industrielle »[130]. Entre 1915 et 1917, tous les pays impliqués dans le conflit sont contraints de restructurer leur industrie : il apparaît immédiatement que les stocks sont tout à fait insuffisants pour soutenir l’effort de guerre. Si elle n’avait pas veillé à augmenter sa production, la France, par exemple, se serait retrouvée à court de munitions pour l’artillerie lourde, deux mois à peine après l’ouverture des hostilités[131]. En Italie, où Marinetti et les autres futuristes se font les chantres enthousiastes de l’ère de la machine, la production de mitrailleuses passe, entre 1915 et 1918, de 613 à 19 904 unités; les automobiles, de 9200 à 20 000 unités. De 10 400, la fabrication de munitions passe à 88 400 unités par jour[132].
Les dépenses de guerre pèsent fortement sur le budget des États qui tentent de faire face à leur lourd déficit en appliquant diverses méthodes : l’emprunt public (en Allemagne), l’augmentation des impôts directs (Royaume-Uni), l’émission d’emprunts publics et l’augmentation de la circulation monétaire (Italie et France). La main-d’œuvre employée dans les secteurs de l’industrie liés à l’effort de guerre augmente elle aussi. Il faut pourvoir les postes laissés vacants par les hommes appelés au front. Pour cela, on fait appel aux femmes et à la main-d’œuvre coloniale ou étrangère : en France, à la fin de la guerre, sur 1 700 000 personnes affectées à l’industrie de guerre, on compte 497 000 militaires, 430 000 femmes, 425 000 civils, 133 000 jeunes, 61 000 coloniaux et 40 000 prisonniers.
Les emprunts de guerre en France, les campagnes de collecte d’or sont menées auprès des civils pour financer la guerre. Mais la principale source de financement se situe aux États-Unis, soit en numéraire, soit par l’achat à crédit de matériel.
L’État
Les États tirent profit de la guerre pour accroître leurs pouvoirs et leurs domaines de compétences. Ainsi assiste-t-on d’abord à un phénomène de centralisation du pouvoir, visible en Angleterre au travers du Cabinet de guerre impérial de Lloyd George qui ne comporte que quatre ministres dont un général, Jan Smuts[133]. En Allemagne les pouvoirs du Kaiser sont également renforcés, et il en va de même pour ceux de l’empereur en Autriche. En France, l’Union sacrée permet un gel, temporaire, des divisions politiques. Après s’être effacé en 1914, le Parlement français reprend le contrôle du gouvernement et bientôt celui du commandement militaire, malgré la toute puissance de Joffre[134].
Le pouvoir élargit ensuite le champ de ses compétences. La censure est partout réhabilitée au nom de l’intérêt national. En France, elle prend la forme d’une loi du 4 août 1914, votée dans l’urgence, interdisant tout article apte à révéler des informations à l’ennemi, ou à décourager les Français (notamment en révélant la réalité des conditions de vie au sein des tranchées). Cette loi fut par la suite allégée par Clemenceau, en 1917, et il était désormais permis de critiquer l’action gouvernementale. Cependant elle restera effective jusqu’en octobre 1919, soit un an après la fin des hostilités. Paradoxalement, la censure fut beaucoup plus rigoureuse en France qu’en Allemagne ou en Angleterre, ce qui pose le problème de sa compatibilité avec un régime démocratique, mais a aussi permis d’empêcher que l’état-major allemand connaisse la gravité de la crise du moral en 1917[135].
Autres aspects
Les tentatives de paix
De nombreuses tentatives de paix sont nées durant la Première Guerre mondiale et cela dès 1914, allant de l'exhortation au calme aux négociations secrètes en vue de signer une paix. Un des acteurs de ces tentatives de paix est le pape Benoît XV qui se prononce contre la guerre dès son élection le 3 septembre 1914 alors que le conflit fait rage[136]. En réaction aux socialistes soutenant la guerre, d'autres socialistes se réunissent à Zimmerwald en 1915 et se prononcent contre la guerre. Les premières tentatives de paix datent de 1916 avec la proposition de paix de l'Allemagne qui se révèle comme peu sérieuse[137] et la proposition du président américain Wilson. Des négociations ont également lieu entre l'Allemagne et le Japon afin d'obtenir une paix séparée, négociations qui échouent pour l'Allemagne.
C'est en 1917 que l'on rencontre le plus grand nombre de tentatives de paix, cette année marquant en quelque sorte l'apogée de la lassitude face à la guerre. La plus sérieuse des propositions de paix de 1917[138] est la négociation secrète du prince Sixte de Bourbon-Parme, intermédiaire idéal puisqu'étant le beau-frère de l'empereur d'Autriche-Hongrie, Charles Ier. Officier dans l'armée belge, Sixte de Bourbon Parme reçoit une note de l'empereur, en accord avec son ministre des Affaires étrangères, dans laquelle ce dernier propose non seulement une paix séparée mais également la restitution de l'Alsace-Lorraine à la France sans s'accorder à ce sujet avec l'Allemagne[139]. Raymond Poincaré et Lloyd George se montrent alors vivement intéressés par ces propositions, mais les Italiens, qui ne veulent pas entendre d'une paix blanche avec l'Autriche-Hongrie font blocage. Ils souhaitent l'application intégrale du pacte de Londres. Les négociations sont alors interrompues.
Sans que l'on puisse très exactement savoir s'il s'agit de l'expression de véritables convictions, ou d'une volonté de ne pas laisser le terrain du pacifisme aux socialistes[140], la seconde grande proposition de paix de l'année 1917 émane du pape Benoît XV. Dans sa proclamation du 9 août 1917, rendue publique le 16, le pape appelle les belligérants à la paix, en des termes très vagues, ne faisant aucune mention du cas de l'Alsace-Lorraine[140]. Ces propositions sont vivement rejetées par l'opinion catholique française. En Allemagne, le Reichstag tente d'influer sur le cours politique et proclame une résolution de paix le 17 juillet 1917, qui échoue elle aussi.
Vont suivre ensuite une série de négociations secrètes dont l'affaire dite Briand-Lancken en septembre 1917 qui commence avec les négociations entre le comte de Brocqueville, premier ministre belge exilé au Havre, et le baron Von Lancken, dirigeant du gouvernement général de Belgique sous autorité allemande, qui a alors l'appui du chancelier Theobald von Bethmann Hollweg[141]. Pour Lancken, la Belgique pourrait servir d'intermédiaire en vue de négociations de paix et demande à rencontrer le premier ministre français, Aristide Briand, en septembre 1917. Reposant sur un malentendu[141], l'affaire échoue : Briand ne se rend pas au rendez-vous et les négociations avortent avant même d'avoir pu s'amorcer. D'autres négociations sont menées en 1918, comme celles du projet de paix séparée entre l'Autriche-Hongrie et les États-Unis[142], mais elles échouent. Il faut attendre le 11 novembre pour que l'armistice vienne mettre un terme à quatre années de guerre.
Prisonniers de guerre
Environ huit millions de soldats ont été faits prisonniers dans des camps pendant la Première Guerre mondiale. Chaque nation s'est engagée à suivre les accords des conférences de La Haye exigeant un traitement juste des prisonniers de guerre. En général, le taux de survie des prisonniers de guerre a été beaucoup plus élevé que celui des soldats sur le front[143]. En général, ce sont des unités entières qui se rendent. Les cas de prisonniers se rendant individuellement sont rares. À la bataille de Tannenberg, ce sont 92 000 soldats russes qui sont capturés[144]. Plus de la moitié des pertes russes sont des prisonniers. Les proportions pour les autres pays sont les suivantes : Autriche-Hongrie 32%, Italie 26%, France 12%, Allemagne 9% et Royaume-Uni 7%. Le nombre des prisonniers des forces alliées s'élève à environ 1,4 million (ce chiffre n'inclue pas la Russie, dont 2,5 à 3,5 millions de soldats sont faits prisonniers). Les Empires centraux voient quant à eux 3,3 millions d'hommes capturés[145].
Pendant le conflit, l'Allemagne fait 2,4 millions de prisonniers[146], la Russie 2,4 millions[147], le Royaume-Uni environ 100 000[148], la France environ 450 000[149] et l'Autriche-Hongrie entre 1,2 et 1,86 million[150]. Le moment de la capture est un moment des plus dangereux, on rapporte en effet le cas de certains soldats qui ont été tués[151],[152]. Une fois que les prisonniers atteignent leurs camps, commence pour eux une vie de privations, de travail et de maladies dont beaucoup mourront. Les conditions de captivité en Russie sont les plus terribles : la famine y fait des ravages et de 15 à 20% des prisonniers meurent. En Allemagne où la situation alimentaire est elle aussi désastreuse, ce sont 5% qui en meurent.
L'Empire ottoman traite également ses prisonniers durement[153]. Près de 11 800 soldats britanniques, la plupart indiens, sont faits prisonniers lors du siège de Kut en avril 1916. 4 250 d'entre eux meurent en captivité[154]. Alors que les prisonniers sont très faibles, les officiers ottomans les forcent à marcher 1 100 kilomètres vers l'Anatolie. Les survivants sont forcés de construire une voie ferrée dans les Monts Taurus.
Historiographie
La chronologie des évènements laisse voir combien la question des responsabilités reste entière. Ces dernières se trouvent de fait dispersées au fil des décisions. Rien dans cette succession n’était inéluctable. Déterminer des responsabilités, c’est nécessairement accorder un poids, une valeur, à chaque épisode, chaque décision :
* le degré d’implication des services de l’État serbe, probablement à l’insu de ses dirigeants, dans la préparation et la réalisation de l’attentat ;
* la négligence envers l’avertissement prononcé par l’ambassadeur serbe quant à une menace d’attentat ;
* l’erreur de jugement du Kaiser lorsqu’il donne son appui conditionnel à l’Autriche-Hongrie, persuadé que la Russie n’interviendra pas ;
* la dureté voulue de l’ultimatum austro-hongrois ;
* le degré de pression que l’Allemagne a réellement mis sur l’Autriche-Hongrie pour négocier la condition rejetée par la Serbie sans faire perdre la face aux parties adverses ;
* le degré de manœuvre, face aux pan-slaves, du premier ministre serbe, si favorable à une bonne entente avec son voisin ;
* le fait que le tsar Nicolas II n’a pas pu ou su s’opposer aux bellicistes de son gouvernement, ainsi que d’avoir accepté l’idée d’une mobilisation secrète, qui fut presque aussitôt connue des Allemands ;
* le soutien inconditionnel accordé discrètement à la Russie par le gouvernement français, qui, ayant déjà refusé de soutenir la Russie lors des précédentes guerres balkaniques, craint que la Triple-Entente ne devienne une alliance creuse ;
* son acceptation du non-respect du traité militaire qui lie les deux pays.
Ce qui favorise sans doute l’aspect inéluctable des événements est l’atmosphère belliqueuse ouvertement affichée par les opinions publiques. Le nationalisme exacerbé qui règne dans tous les pays européens a ainsi joué un grand rôle. En France, les sentiments revanchards à propos de l’Alsace-Lorraine excitent la haine à l’égard de l’« Allemand » (les dessins de Hansi en sont une illustration)[155]. De l’autre côté du Rhin, envisageant de devoir se battre sur deux fronts, le plan Schlieffen préconise que l’Allemagne frappe la première, ce qui la contraint à l’extrême vigilance envers la mobilisation des armées.
Ainsi, tous les pays étaient prêts à la guerre. On peut penser qu’une étincelle suffirait à mettre le feu à l’Europe. C’est la thèse que quelques historiens mettent en avant pour expliquer l’acceptation massive par les sociétés européennes du conflit, voire une résolution à combattre. C’est ce que l’on appelle le consentement patriotique[156].
En Allemagne, le consensus de longue date selon lequel ce pays était exempt de toute responsabilité dans le déclenchement de la guerre a été battu en brèche par les travaux d’un historien, Fritz Fischer, publiés à partie de 1961 dans Les Buts de guerre de l'Allemagne impériale. Cette thèse iconoclaste, à l’origine d’une vaste polémique en Allemagne, veut que la visée impériale (l’hégémonie européenne), associée à une stratégie incluant le conflit armé, aurait favorisé la déclaration de guerre de l’Autriche-Hongrie à la Serbie, à la satisfaction des élites politiques et militaires, ainsi que des mouvements pangermanistes. C’est là le point de départ de la Kriegsschuldfrage, question de la culpabilité de guerre, qui empoisonne longtemps l’atmosphère [157].
La thèse peut-être la plus exacte concernant la question de la responsabilité est celle du « Mécanisme » de l’historien français Jean-Baptiste Duroselle : par crainte qu’advienne une situation internationale défavorable à leurs intérêts nationaux, les États européens ont pris des décisions « pour le cas où », « plutôt que ». Duroselle résume, à partir de cette thèse, la situation en cinq points[158] :
1. L’Allemagne entre en guerre pour ne pas risquer de perdre son allié austro-hongrois.
2. La France préfère entrer en guerre plutôt que de menacer la solidité de son alliance avec la Russie.
3. La Russie déclare la guerre afin d’éviter que de nouvelles populations slaves passent sous contrôle de l’empire austro-hongrois.
4. L’Angleterre, fidèle en cela à la politique qu’elle mène depuis 1793, préfère déclarer la guerre plutôt que de risquer de voir une grande puissance s’installer à Anvers.
5. L’Autriche-Hongrie préfère en finir avec la Serbie plutôt que d’être dissoute par les mouvements nationaux.
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Autres noms
Malgré l'incidence plus marquée de la Seconde Guerre mondiale sur le monde contemporain, elle est appelée « la Grande Guerre » ou « la Guerre des Guerres ». Elle est également appelée « Der des Ders », c'est-à-dire la « dernière des dernières (guerres) », signifiant ainsi qu'il s'agit de la guerre après laquelle il n'y en aura plus.
Elle est parfois appelée « Guerre 14-18 » ou « Guerre de 14-18 », ce qui permet de mieux la situer dans le temps par rapport à la « Guerre 39-45 », aussi appelée « Guerre de 39-45 ».
Bibliographie
Études historiques
Historiographie
* (fr) Jacques Droz, Les Causes de la Première Guerre mondiale. Essai d’historiographie, éd. du Seuil, « Points »-histoire, 1997
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* (fr) Antoine Prost et Jay Winter, Penser la Grande Guerre, Seuil, 2004
* (en) Dennis Showalter (dir.), History in Dispute: The First World War, Detroit, St. Martins Press, 2002
Les plus récents
* (fr) Jean-Jacques Becker, Dictionnaire de la Grande Guerre, Bruxelles, André Versaille éditeur, 2008, (ISBN 978-2-87495-014-8)
* (fr) Michel Valette, De Verdun à Cayenne, éd. Les indes savantes, 2007. (ISBN 978-2-84654-150-3)
Ouvrages généraux
* (fr) Jean-Jacques Becker, Dictionnaire de la Grande Guerre, Bruxelles, André Versaille éditeur, 2008, (ISBN 978-2-87495-014-8)
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Monographies
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* (fr) Léon Schirmann, Été 1914. Mensonges et désinformation, éd Italiques, 2003, (ISBN 2-910536-34-3)
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Littérature
* (fr) Histoire illustrée de la guerre de 1914 [archive] de Gabriel Hanotaux de l'Académie française - Texte intégral
* (fr) Les Fusillés de la Grande Guerre et la mémoire collective ) de Nicolas Offenstadt a publié en 2000 un livre repris en collection Poche des éditions Odile Jacob.
Témoignages
Icône de détail Article détaillé : Littérature et Première Guerre mondiale.
* (fr) Michel Valette, Robert Porchet(1891-1964)- De Verdun à Cayenne, éd. Les Indes savantes, 2007. (ISBN 978-2-84654-150-3). Vu par un poilu pacifiste : Sur le front du début du conflit jusqu'à Verdun, les fusillés pour l'exemple, puis la désertion, la cour martiale, et le bagne.
* (fr) Belle Petite Monde, Histoire de Poilus racontée aux enfants" [archive] de Raymond Renefer, par Marie Gabrielle Thierry, Somogy Édition d'Art - Pour sa fille de 8 ans, Renefer, artiste et soldat sur le front, raconte ici la vie quotidienne des poilus. Dans les tranchées, à l'assaut ou au repos: ce carnet constitue un récit de "première main" qui garde encore aujourd'hui toute sa valeur de témoignage
* (fr) Histoires orales de la Première Guerre mondiale : Les anciens combattants de 1914 à 1918 [archive] à Bibliothèque et Archives Canada
* (fr) La Main coupée de Blaise Cendrars
* (fr) Paroles de poilus est un recueil de lettres envoyées par des soldats à leur famille compilé par Jean-Pierre Guéno, Yves Laplume et Jérôme Pecnard en 1998, éd. Tallandier et Biblio.
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* (fr) Les carnets de guerre de Louis Barthas, tonnelier, préfacé par Rémy Cazals en 1978 éd La Découverte. Le journal d'un poilu ayant connu les principales batailles du conflit.
* (fr) Récits des tranchées est un recueil de récits de poilus éd. Éditions Les 3 orangers.
* (fr) 14-18 – En première ligne, Jean Lopez
* (fr) Paroles de poilus Lettre et carnets du front sont des lettres écrites par des poilus éd. Librio
* (fr) Le Gâchis des Généraux, Pierre Miquel, Éditeur Pocket, 2003,
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* (fr) La boue des Flandres et autres récits de la Grande Guerre, Max Deauville, Ed LABOR, 2006
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* (fr) Les Violettes des tranchées - Lettres d'un poilu qui n'aimait pas la guerre, Étienne Tanty, préface d'Annette Becker, Éditions Italiques, 2002, (Quelques extraits des lettres de Tanty ont été publiées dans "Paroles de poilus").
* (fr) Invasion 14, Maxence Van der Meersch, Paris, Albin Michel, 1935
* (fr) Regard de Soldat, La Grande Guerre vue par l'artilleur Jean Combier (qui était photographe professionnel) Nicolas Meaux - Marc Combier. Éditions France Loisirs 2006 avec autorisation Éditions Acropole
Filmographie sélective
* La Grande Parade, de King Vidor, 1925.
* À l'Ouest, rien de nouveau 1928, en 1930 par Lewis Milestone (All Quiet on the Western Front)à partir de À l'Ouest, rien de nouveau (Im Westen nichts Neues) d'Erich Maria Remarque.
* Les sentiers de la gloire de Stanley Kubrick, 1957, qui est une dénonciation de l'absurdité de la Grande guerre et de la stupidité du militarisme.
* La chambre des officiers de François Dupeyron, 2001, sur la vie de mutilés de guerre.
* Un long dimanche de fiançailles, de Jean-Pierre Jeunet, d'après le roman de Sébastien Japrisot, sorti en 2004.
* Joyeux Noël de Christian Carion, sorti en 2005, sur les fraternisations entre les camps ennemis dans les tranchées et leur répression.
* Les Fragments d'Antonin de Gabriel Le Bomin, sorti en 2006.
* Pour une liste plus détaillée : Catégorie:Film sur la Première Guerre mondiale
Références
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10. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.65.
11. ↑ (de)Fritz Fischer, Krieg der Illusionen, Düsseldorf, 1969, p.640-641.
12. ↑ Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p.39.
13. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.64.
14. ↑ Raymond Poidevin, Les relations économiques et financières entre l'Allemagne et la France de 1898 à 1914, Paris, 1969, p.819
15. ↑ Pierre Renouvin indique que les preuves manquent pour établir cette thèse : Pierre Renouvin, La Crise européenne et la première guerre mondiale, Paris, 1962, p.211-212.
16. ↑ Pierre Renouvin, op. cit., p.212-213.
17. ↑ Jean-Baptiste Duroselle, La Grande Guerre des Français 1914-1918, Perrin, 2002, p.35.
18. ↑ Jean-Claude Gégot, La population française aux XIXe et XXe siècles, Editions Ophrys, 1989, p.17.
19. ↑ A. J. P. Taylor, La Guerre des plans, 1914, Lausanne, 1971, p.96.
20. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.54.
21. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.174.
22. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.176.
23. ↑ Frédéric Le Moal, La France et l’Italie dans les Balkans, 1914-1919 le contentieux adriatique, Paris, 2006, p.26.
24. ↑ a b c Raymond Poidevin, op. cit., p.39.
25. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.40.
26. ↑ Raymond Poidevin, op. cit, p.148.
27. ↑ Jules Isaac, Un débat historique. Le problème des origines de la guerre, Paris, 1933, p. 26-27.
28. ↑ Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker (éd.), La Violence de guerre 1914-1945 : approches comparées des deux conflits mondiaux, Editions Complexe, 2002, p.54.
29. ↑ Jean Ruhlmann, Histoire de l'Europe au XXe siècle, Bruxelles, 1994, p.308.
30. ↑ Raymond Poidevin, op. cit., p.142.
31. ↑ Michel Launay, Versailles, une paix bâclée?: le XXe siècle est mal parti, Editions Complexe, 1999, p.112.
32. ↑ Dominique Lejeune, La France de la Belle Époque 1896-1914, Paris, 2002, p.109.
33. ↑ Pierre Miquel, La Grande Guerre, Fayard, 1983, p.54.
34. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.59.
35. ↑ a b Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p.18.
36. ↑ Télégramme n° 196/8, daté du 24 juillet de l’ambassadeur de Serbie à Saint-Pétersbourg, Spalaïkovitch, à la présidence du Conseil de Serbie à Belgrade, à l’attention de Pasic
37. ↑ Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p.19.
38. ↑ 1er août 1914 Début de la Grande Guerre [archive], herodote.net (article sur la mobilisation générale en France)
39. ↑ Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p.21.
40. ↑ Cité dans : Sergeĭ Dmitrievich Sazonov, Les années fatales, Payot, 1927, p.241.
41. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.73.
42. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.50.
43. ↑ Jean-Noël Grandhomme, op. cit., p.27.
44. ↑ (en)Spencer C. Tucker, Laura Matysek Wood et Justin D. Murphy, The European Powers in the First World War : An Encyclopedia, Garland, 1999, p.279.
45. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.52.
46. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.46.
47. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.19.
48. ↑ Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p.37.
49. ↑ Stéphane Audoin-Rouzeau et Annette Becker, La Grande Guerre, p.22.
50. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.24.
51. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.25.
52. ↑ Jean-Baptiste Duroselle, op. cit., p.49.
53. ↑ Michel Dreyfus, L'Europe des socialistes : identités, politiques, européennes, Éditions Complexe, 1991, p.59.
54. ↑ Hans Kempe, Die vaterländischen Schriften, Volume 7, Reinhard Welz Vermittler Verlag e.K., 2005, p.19.
55. ↑ Léon Schirmann, Eté 1914: mensonges et désinformation : comment on "vend" une guerre..., Italiques, 2003, p.134.
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57. ↑ (en) Keith Robbins, The First World War, Oxford University Press, Oxford/New York, 1984, p.103f.
58. ↑ (de) Ernst Rudolf Huber, op. cit., p.218.
59. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.100.
60. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.124.
61. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.164.
62. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.191.
63. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.208.
64. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.158-162.
65. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.284.
66. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.327-329.
67. ↑ Pierre Milza/Serge Berstein, Le fascisme italien, 1919-1945, Le Seuil, 1980, pp.33-34.
68. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.286-287.
69. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.300.
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71. ↑ Pierre Miquel, op. cit., p.354f.
72. ↑ Cité dans : Marc Ferro, La Grande Guerre, 1914-1918, Gallimard, 1969, p.141.
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Source: Wikipedia