Haïti: les ravages de l'impuissance

Par: Nathalie Côté

Devant les images terribles présentées dans les médias depuis le séisme et les quelques informations que les Haïtiens d'ici peuvent avoir de leurs proches sur place, le sentiment d'impuissance est grand.

«Dans l'âme, nous restons des Haïtiens. Psychologiquement, c'est un coup dur. Le sentiment d'impuissance aggrave la situation», témoigne Jean Miotel Casthély, qui a immigré au Canada en 1974. Plusieurs Haïtiens d'ici vont avoir besoin d'aide psychologique pour surmonter tout ça, croit-il. «C'est une autre forme de souffrance qui n'est pas à négliger. Ici, j'ai des amis qui passent leur journée devant la télé», note le Montarvillois d'adoption.

Lui, les images atroces présentées dans les médias, il n'en peut plus. «J'essaie de ne pas trop regarder la télévision, confie M. Miotel Casthély. Je regarde les nouvelles quelques minutes seulement pour savoir où ça en est parce que je vois l'effet que ça me fait. Et je ne veux pas avoir la surprise d'apprendre en direct la mort de gens que je connais.»

Il a toujours deux sœurs qui vivent en Haïti. Par chance, l'une d'entre elles était en visite à Montréal au moment du drame, elle devait repartir pour Haïti le jour du tremblement de terre. Son souhait le plus cher est de rentrer chez elle par le premier avion disponible pour tenter d'aider.

L'autre se porte bien physiquement. Sa maison a subi des dommages et elle accueille les membres de la famille élargie dans sa cour. L'un de ses cousins a perdu ses deux enfants lors du tremblement de terre. Président de la Fondation Saint-Martial, qui offre des bourses à des jeunes du Petit Séminaire Collège St-Martial en Haïti, M. Miotel Casthély cherchait toujours à savoir ce qu'il était advenu de plusieurs élèves. Plusieurs amis ont aussi péri, d'autres sont disparus. «Il va y avoir beaucoup de disparus, des gens enterrés dans une fosse commune avant d'avoir été identifiés», laisse tomber M. Miotel Casthély.

Il raconte l'histoire de ces personnes qui, la première nuit, ont dormi avec les cadavres dans la maison. Faute de moyens, ils les ont enterrés le lendemain dans la cour derrière chez eux en espérant leur offrir plus tard une tombe décente. «La télé ne dit pas la moitié de ce qui se passe là-bas. Les chiens mangent les cadavres.»
Espoir

Malgré l'ampleur du drame, M. Miotel Casthély est confiant que ses compatriotes sauront passer à travers. «Le peuple haïtien attend les catastrophes pour se relever. On voit toute la solidarité, ça va permettre de sortir des bas-fonds. Il y a de l'espoir. C'est dans l'adversité que l'on reconnaît les Haïtiens», croit-il.

C'est sans compter les annonces d'aide financière qui se multiplient. «Cette aide est plus qu'inespérée. Si toutes les promesses entendues à la télé se réalisent, le pays va sortir du marasme rapidement. Mais ça prend des têtes dirigeantes honnêtes et pas corrompues pour s'assurer que le peuple nécessiteux en bénéficie.»

Cela dit, il souhaite que le pays se prenne en main pour l'avenir. «Le seul reproche qu'on peut faire, c'est qu'on ne prépare pas les urgences. Personne n'est responsable de ce qui est arrivé. Mais on ne peut pas compter sur les gens pour nous aider tout le temps. On annonce que d'ici 10 ans, il y aura d'autres catastrophes. Il faut développer l'autonomie. Quand on nourrit un oiseau, si on ne le fait pas une année, il va crever», illustre-t-il.

Mais pour l'heure, il invite toute la population à soutenir moralement et psychologiquement les Haïtiens éprouvés. Il demande aussi d'être prudents pour ne pas donner à n'importe qui et plutôt de faire sans hésiter des dons à des organismes reconnus.