Des intellectuels évangéliques soutiennent l’encyclique du pape Benoît XVI

L’encyclique sociale du pape Benoît XVI, Caritas in Veritate, publiée le 7 juillet dernier, a été accueillie favorablement par différentes organisations chrétiennes pas nécessairement catholiques. Fin juillet, pas moins de 68 dirigeants théologiens et professeurs évangéliques ont signé l’appel « Doing the Truth in Love : an evangelical call for response to Caritas in Veritate ». Ils invitent tous les chrétiens à répondre avec enthousiasme à l’appel de Benoît XVI. Comment ne pas voir là un signe de bonne volonté qui dépasse les murs de nos communautés ?

Tout d’abord notre mea culpa. A cause des vacances nous n’avons pas sérieusement abordé, sur ce site, l’encyclique Caritas in Veritate, publiée par le Vatican cet été. (Si ce lien ne marche pas, tapez Caritas in Veritate dans Google et vous le trouverez tout de suite.) C’est une encyclique - message important - du pape qui approfondit et renouvelle la « doctrine sociale » de l’Eglise catholique. Son objectif n’est pas d’apporter des solutions techniques aux grands problèmes socio-économiques et écologiques de notre temps (ce n’est pas le rôle d’un pape), mais de rappeler ce qu’est un véritable développement humain et chrétien. Elle met en avant la force et la nécessité de la charité dans la vérité. Benoît XVI établit dès les premières lignes ce fondement : « 1. L’amour dans la vérité (Caritas in veritate), dont Jésus s’est fait le témoin dans sa vie terrestre et surtout par sa mort et sa résurrection, est la force dynamique essentielle du vrai développement de chaque personne et de l’humanité tout entière. » Pour qu’il y ait un véritable développement, ce texte explique non seulement qu’il faut tendre vers un partage équitable des ressources et un plus grand respect de la création, mais que tout cela suppose une attention accrue sur "tout l’homme" (comme disait l'apôtre Paul), sur tout ce qui constitue sa vie, sa liberté de penser, sa foi. Un sain développement suppose un effort du plus grand nombre et, dit Benoît XVI, « une formation des consciences pour recourir à des critères moraux dans tout projet politique ou économique ». Tout en insistant sur la nécessité d’un raisonnement éthique collectif et individuel, le pape propose la création d’une « autorité politique mondiale (…), qui respectera les principes de subsidiarité et de solidarité, en mesure d'orienter positivement le bien général dans le respect des grandes traditions morales et religieuses de l'humanité ».

Qu’en penser ? Pour nous, c’est un document majeur, tout simplement parce qu’il met l’accent sur la nécessité de la conversion personnelle lorsqu’il est question de développement. On pense en effet, trop souvent, qu'il suffirait de changer les structures et tout ira mieux. Mais tout changement dans la société commence par l'individu. La presse chrétienne en France a, dans l’ensemble, réagi d’une façon positive. Tout comme les évêques français (on s’en doute un peu…). Et différentes organisations chrétiennes, protestantes y comprises. Selon un type de critique, politiquement orientée à gauche, le pape « ne va pas assez loin », ne dénonce pas explicitement le capitalisme et tout le système idolâtrique de l’argent. Ces observateurs auraient peut-être voulu que le pape s’exprime comme un leader politique révolutionnaire de gauche, un « altermondialiste » à la José Bové. Et ils sont donc déçus. (Le même type de déception et d’incompréhension existait déjà à l’époque de Jésus, qui n'était pas un social-révolutionnaire au sens moderne du terme, mais passons…) D'autres ne sont tout simplement pas d'accord avec l'analyse du pape, pour qui le capitalisme n'est pas mauvais en soi. Effectivement, il ne faut pas demander à un "conservateur social" de Bavière d'avoir la même grille d'analyse que les cathos de gauche français. Et vive cette diversité ! Au sujet du capitalisme, du socialisme et du libéralisme, Benoît XVI suit les papes Léon XIII et Paul VI, qui, avant lui, avaient tenté d'élaborer la doctrine sociale de l'Eglise. Nous pensons qu'il faut "dépassionnaliser" les discussions sur le capitalisme (commençons déjà par le définir) et essayons de nous concentrer sur l'urgence dans notre monde de justice et d'amour véritable.

Problème : beaucoup de médias généralistes ont trop peu abordé cette encyclique. Ils ont insisté infiniment plus sur les différentes « affaires » si croustillantes où le Vatican s’est illustré par son incompétence en matière de communication (intégristes, préservatifs...). Mais voici un document sérieux et important. Nos médias n’en ont donc pas beaucoup parlé.

Ils n’ont pas non plus retenu que le document du pape fait réfléchir tous les chrétiens qui s’intéressent sérieusement aux questions de développement. Pas seulement des catholiques. Ainsi des évangéliques, aux Etats-Unis, qui commencent à découvrir la doctrine sociale de l’Eglise catholique. Ainsi des intellectuels chrétiens non catholiques qui réalisent, avec honnêteté, la nécessité d’un apport théologique en matière sociale. Cet apport vient de l’Eglise catholique.

Trois importantes organisations évangéliques, The Center for Public Justice (États-Unis), Cardus (Canada) et The Kirby Laing Institute for Christian Ethics (Royaume Uni) ont publié le 27 juillet dernier un appel signé par 68 dirigeants, théologiens et professeurs évangéliques : « Doing the Truth in Love : an evangelical call for response to Caritas in Veritate ». Ils veulent que les autres évangéliques répondent à l’appel lancé par Benoît XVI.

Voici le début de leur texte :

« Les récents événements survenus globalement, nous ont éveillés à l’importance d’une réflexion chrétienne soutenue sur la nature et le but de la vie économique, à la fois dans nos sociétés et dans les autres régions du monde. Par conséquent et en tant que protestants évangéliques nous applaudissons la publication de Caritas in Veritate du pape Benoît XVI.
Nous appelons les chrétiens partout où ils se trouvent, et tout particulièrement nos confrères évangéliques de l’hémisphère Nord, à lire, à travailler et à répondre à Caritas in Veritate qui identifie le double appel à l’amour et à la vérité dans nos vies de citoyens, d’entrepreneurs, de travailleurs et, plus fondamentalement, chez les disciples du Christ que nous sommes. (…)
Nous recommandons la manière dont cette encyclique envisage le développement économique comme authentique chemin pour l’épanouissement de l’homme.»

Pour continuer à lire ce document en français, veuillez consulter le blog du journaliste catholique Patrice de Plunkett. Il a traduit ce document, souligné des phrases clés et ajouté des commentaires éclairants. Au sujet de l'encyclique sociale, nous vous recommandons également de consulter le blog de Patrice de Plunkett.

Si vous maîtrisez l’anglais, vous pouvez lire la version originale (voir plus bas). Parmi les signataires se trouvent un certain Jim Wallis, théologien évangélique réputé plutôt à gauche sur l’échiquier politique (lui-même rejette ces qualificatifs politiques), mais aussi de nombreux universitaires qui ne sont pas particulièrement « à gauche » ou « à droite ». Ainsi par exemple un rédacteur en chef de Christianity Today, la principale revue évangélique au monde. Comme le suggère Patrice de Plunkett, ces experts, théologiens, universitaires prouvent que les évangéliques américains (et anglais) sont bien plus ouverts aux questions sociales et économiques que la presse parisienne ne les imagine en général.

En conclusion : lisons cette bonne encyclique du pape, prions pour qu’elle soit utilisée, qu'elle nous fasse réfléchir, et travaillons ensemble en tant que chrétiens de bonne volonté pour que nos enfants puissent disposer d’une terre vivable.