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Cinquante années d’indépendance du Congo ou le mythe de Sisyphe revisité.

mardi 6 avril 2010 Alain Bischoff*

Le Congo cultive le paradoxe d’être tout à la fois un pays riche de son sous-sol qui regorge de minerais rares (or, uranium, coltan, cassitérite, cuivre, cobalt etc.) et extrêmement pauvre parce que, à aucun moment de son histoire, il n’eut le contrôle de ses richesses et de leur exploitation qui commença sous Léopold II, roi des Belges, brutal propriétaire du pays à partir de 1885.

Toutes les tragédies du Congo se déclinent sur ce paradigme qu’est la convoitise de ses ressources naturelles. Il a toujours été un objet de prédation pour les pays occidentaux, désignés aujourd’hui sous l’appellation fallacieuse de « communauté internationale ». Ils ont fait du Congo le premier théâtre africain de l’affrontement des deux blocs Est/Ouest. L’assassinat, le 17 janvier 1961, de Patrice Lumumba a marqué l’appartenance forcée de la RDC au bloc occidental.

Lors de l’indépendance, en 1960, les Belges laissaient une colonie dépourvue de toute infrastructure viable, sans cadres locaux pour diriger le pays. Des structures étatiques inexistantes et des richesses naturelles immenses dont il importait de conserver l’usage et le bénéfice, expliquent pourquoi le Congo a été si facilement placé sous tutelle des États-Unis et de l’Europe, politiquement et économiquement.

Les deux guerres du Congo (1996/1997 et 1998-2002) et la crise des Grands Lacs ont révélé de nouvelles puissances régionales qui se sont entendues pour en exploiter les richesses, devenues l’enjeu principal des conflits. Le pillage systématique des mines et des forêts a permis le financement des conflits et le trafic d’armes.

Le délitement de l’État congolais a conduit la « communauté internationale » à y intervenir directement, depuis 2002, sans mettre fin à la mise en coupe réglée de la RDC, via l’Ouganda et le Rwanda, dont, au final, elle était le plus grand bénéficiaire. L’implication des Occidentaux, sous couvert de l’ONU et des Institutions financières internationales, souffre d’une étrange schizophrénie. D’un côté, la « communauté internationale » a financé un processus de transition politique vers la démocratie en s’efforçant de ramener la stabilité dans ce pays-continent où se trouve déployé le plus fort contingent onusien au monde ; de l’autre, elle donne réalité à une sorte de « marché commun » régional dominé par le Rwanda, pourtant premier responsable de l’instabilité du Kivu, et refuse au Congo l’édification d’un État puissant et armé face aux défis de la paix et de la reconstruction comme s’il présentait un danger pour la position dominante des compagnies majors occidentales dans l’exploitation économique de la RDC.

Ce positionnement d’équilibriste qui consiste à atomiser la RDC en confiant le leadership économique et politique de la région des Grands Lacs au Rwanda au détriment du Congo producteur des richesses rend, selon la formule de Pierre Hassner, « la paix un peu moins impossible mais la guerre un peu moins improbable. »

En vérité, la drôle de paix du Kivu porte le germe d’une nouvelle guerre attisée par la rivalité opposant aujourd’hui les Occidentaux à la Chine pour le coltan, la cassitérite, le cuivre, le cobalt, l’or, l’uranium, le pétrole, le bois de la forêt équatoriale… et qui, demain – une fois affirmée durablement l’inéluctable présence économique chinoise au Congo - opposera les Occidentaux entre eux, affaiblis durablement par la crise de leurs économies vieillissantes.

À la veille de célébrer le cinquantenaire de son indépendance la République démocratique du Congo se doit de prendre une bonne fois son destin en main et de répondre enfin au vœu de Patrice Lumumba : « L’avenir du Congo est beau, j’attends de mes enfants ce que j’attends de chaque Congolais : accomplir la mission sacrée de reconstruire le pays. » | Alain Bischoff.